ELA Déclaration pour l’Aberri Eguna 2011

La crise —de nature et d’origine capitaliste— est utilisée pour imposer les mesures les plus antisociales jamais appliquées en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Enrayer le chômage n’est pas la priorité de la politique économique des gouvernements. Il ont décidé de procéder à des réductions drastiques des dépenses sociales pour mettre d’immenses ressources publiques au service des pouvoirs économiques et financiers. Les épisodes des sauvetages de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal constituent une véritable honte, la confirmation de l’échec de l’Europe en tant que construction sociale.
Dans ces conditions, le refus d’entreprendre des réformes progressistes de la fiscalité et
les coupes budgétaires et sociales que cela engendre —y compris de la part de nos institutions de gouvernement autonome—, tout cela rajouté à la réforme du code du travail, des retraites et à l’annonce de la négociation collective, forment un cadre politique et social extrêmement préoccupant.
Protégé par les pouvoirs publics, le patronat exige d’un côté que tout ce qui est susceptible de lui rapporter des bénéfices soit privatisé, et de l’autre, exerce chantages et menaces pour revoir à la baisse les conditions de travail dans les négociations collectives.
Ajoutons à cela le fameux Pacte pour la compétitivité de l’euro, authentique conjuration des gouvernements dans l’objectif d’aggraver en toute impunité les coupes sociales et autres contre-réformes. Sociaux-démocrates et con-servateurs, que l’on distingue de moins en moins les uns des autres, partagent avec ferveur les politiques d’ajustements historiquement défendues par des institutions comme le FMI.
ELA veut tirer la sonnette d’alarme et exprimer sa préoccupation croissante sur les conséquences sociales que peut avoir à court comme à moyen terme, un taux aussi élevé de chômage en l’absence des nécessaires mécanismes de protection sociale. Entre autres con-séquences, nous voulons notamment attirer l’attention sur les discours racistes et xénophobes, qui sortent du seul cadre privé et contaminent désormais l’expression des partis politiques. De surcroît, le fait que les institutions culpabilisent de plus en plus les bénéficiaires des aides sociales contribue grandement à donner du poids à de tels discours. C’est pourquoi ELA appelle à rejeter d’urgence ces manipulations qui ont pour seul but d’occulter l’origine de la crise et ses responsables, ainsi que l’injustice des mesures qui sont en train d’être prises. L’absence de références clairement de gauche apporte de l’oxygène au discours de l’extrême-droite.

Crise politique
La politique semble ainsi infléchie par les pouvoirs économiques et renonce à introduire des éléments d’équilibre et d’équité dans la gestion de la crise. La politique applaudit son propre discrédit lorsque, par exemple, elle défend la “nécessaire indépendance” des institutions qui devraient être régulatrices, ou quand elle justifie la privatisation des caisses d’épargne en alléguant des “critères de professionnalisme”. Loin de construire sa légitimité dans la défense du bien commun, cette politique cherche sa reconnaissance en faisant sienne les valeurs, le programme et la vision du capital.
Par conséquent, sans contre-pouvoir —en maître quasi absolu des moyens de communication, de culture, de production et de con-sommation— le capital se pose en force autoritaire contre la souveraineté des peuples, contre leur droit à décider de façon démocratique et participative sur nombre de questions sociales, environnementales, économiques ou politiques qui les concernent et les affectent…
Cette subordination du politique souligne les défauts incorrigibles de la démocratie libérale. Et dans ce contexte, la déclaration de principes de notre syndicat (1976) prend tout son sens quand elle affirme qu’“en désaccord total avec les mécanismes capitalistes et en tant qu’expression de la conscience collective des travailleurs basques, ELA œuvrera pour une société d’hommes et de peuples libres et responsables, qui se réalisera dans le socialisme”.

Gouvernement autonome borné
et en chute libre
La crise souligne également les limites de notre gouvernement autonome. Il est certain que les institutions comme les gouvernements d’Iruña ou de Gasteiz, que ce soit celui de Lopez ou auparavant d’Ibarretxe, ont accompagné, à leur façon plus ou moins volontariste, les politiques de l’Etat central en matière de formation, de santé professionnelle ou d’emploi. Mais en plus, la crise nous rappelle que les principaux outils d’intervention économique et sociale, comme la législation sur le travail, la sécurité sociale ou le contrôle du niveau d’endettement, sont laissés entre les mains du gouvernement central. Quand ce n’est pas le cas, les critères de ce dernier sont appliqués sans la moindre critique ou, dans le cas de la fiscalité, les gouvernements foraux concurrencent les politiques fiscales de l’Etat au bénéfice des entreprises et du capital. Soulignons que, de plus, dans ce contexte, on profite de la crise pour générer un état d’opinion favorable à l’amputation des statuts autonomiques au nom de la lutte contre l’inflation institutionnelle.
En ce qui concerne encore plus directement le monde du travail, les CCOO, l’UGT et la CEOE (Syndicats patronaux) sont à la veille de conclure un pacte sur la négociation collective dans le cadre du dialogue social espagnol. Cet accord ne va pas seulement appauvrir les travailleurs(ses), il veut limiter le droit des syndicats basques majoritaires à négocier les conditions de travail en Euskal Herria, amputant ainsi l’un des rares cadres de décision des travailleurs et travailleuses basques.
Le dialogue social va non seulement servir de couverture aux politiques des gouvernements et marginaliser de façon grandissante le syndicalisme abertzale, mais aussi être un instrument d’uniformisation des relations professionnelles au niveau de l’Etat. Les mêmes organes de participation institutionnelle sont instrumentalisés pour servir de couverture aux politiques du gouvernement. Ce qui s’est passé dans le CES de la Communauté Autonome du Pays Basque la semaine dernière —à propos du rapport sur l’évolution démographique devant justifier les mesures d’austérité— en est un parfait exemple.

Confrontation avec l’Etat
Le pacte d’Etat jouit, selon ELA, d’une excellente santé. Au-delà de querelles électorales, le gouvernement autonome fonctionne, de facto, à coups de reniements, de lois basiques, de pactes de gouvernabilité et de décisions politiques et administratives qui ne trouvent aucune réponse dans le milieu institutionnel basque, que ce soit de la part de ceux qui gouvernent, ou de la part de ceux qui ont vocation à le faire ou l’ont fait par le passé. Cet état de fait n’affecte pas seulement Euskal Herria. L’échec au Tribunal constitutionnel sur le statut d’autonomie de la Catalogne, déjà considérablement “raboté” avant même son recours, ne laisse pas de doute sur les possibilités d’un changement politique à partir du seul cadre institutionnel. Au contraire, les récentes consultations municipales organisées démontrent un grand exercice de pédagogie démocratique et participative qui a réussi à briser le tabou relatif au débat sur l’indépendance.
Malgré tout cela, chez nous, le gouvernement basque et le nationalisme institutionnel ont voulu donner de la valeur au cadre autonomique en procédant à un transfert —amputé— des politiques actives pour l’emploi. Il est lamentable de constater qu’avec le temps qui passe, un tel transfert qui aurait été inacceptable par le passé apparaisse aujourd’hui comme une réussite.
Dans ce contexte, ELA considère que les stratégies suivies depuis la transition politique espagnole par les deux grandes familles du nationalisme basque pour avancer dans l’auto-gouvernance manquent désormais d’avenir. ELA croit qu’il est temps d’affirmer définitivement que seul le souverainisme offre des possibilités de succès, s’il est capable de rassembler démocratiquement pour affronter l’Etat et gagner la souveraineté. Cette union exige de nouveaux codes d’intervention pour définir des revendications minimales et communes, qui soient préservées des querelles partisanes, légitimes mais contre-productives dans la con-frontation avec l’Etat en vue du combat pour la souveraineté.
En Iparralde, la réforme des collectivités territoriales menace les quelques dispositifs comme le Conseil de développement et le Conseil des élus et souligne encore plus le problème crucial de l’absence d’existence institutionnelle du Pays Basque Nord. L’actualité politique vient ainsi donner encore plus de légitimité et d’appuis potentiels à la plateforme Batera et à sa revendication d’une collectivité territoriale spécifique pour Iparralde.

Dialogue et négociation
pour la paix
ELA considère que dans la conjoncture actuelle, il faut donner de l’importance au processus en marche dans le secteur politique illégalisé, à ce processus unilatéral et au pari en faveur des voies exclusivement pacifiques et démocratiques que ce secteur a engagés.
ELA réprouve l’insistance des deux gouvernements à rejeter les opportunités de paix, comme le cessez-le-feu d’ETA et la proposition de vérification internationale. Il s’agit d’une grande irresponsabilité, contraire au bien commun que les gouvernements devraient dé-fendre.
ELA rejette aussi toute tentative d’ETA, passée, présente ou future, de prendre sous sa tutelle le processus politique ou d’y faire obstacle. ETA doit définitivement abandonner les armes. C’est ce que lui réclame la société bas-que.
Surtout, dans le cadre de ce scénario qui n’est pas exempt de complexité ni de difficulté, ELA pense qu’il est nécessaire de défendre à nouveau le dialogue et la négociation. Personne ne propose aujourd’hui, dans les diverses instances politiques et en relation avec le processus de normalisation, que ce dialogue ait pour objet des questions comme la territorialité ou le droit à l’autodétermination. L’objet de ce dialogue politique devrait être l’organisation d’une transition, qui sera dans tous les cas, difficile. Mener sur le chemin du vivre ensemble certaines trajectoires personnelles et collectives est l’une des conditions de base
indispensables, mais pas la seule, de la ré-conciliation progressive et de la normalisation de notre peuple. Cette négociation construite sur le dialogue doit ouvrir des canaux efficaces aux parties en présence, leur permettant de sceller un scénario de paix définitif.

(A suivre)
Comité national d’ELA
18 avril 2011

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