Le manifestant personnalité de l’année 2011 ou l’éloge hypocrite de l’art de manifester par Michaël Alcibar

Le syndicaliste Xavier Mathieu était, une fois de plus, convoqué ce mercredi 4 janvier devant la justice. Les faits datent de sa condamnation à 4.000 euros d’amende par la Cour d’appel d’Amiens pour avoir participé, avec d’autres ou-vriers, au saccage de la sous-préfecture de Compiègne en avril 2009. A cette époque, le syndicaliste qui défendait à juste titre son emploi et celui des ouvriers de Continental avait alors refusé de se soumettre à un prélèvement ADN. Ce nouveau procès fait donc suite à une première relaxe de Xavier Mathieu en juin 2010, alors que le parquet avait requis une peine d’un mois de prison avec sursis. Qu’à cela ne tienne, le parquet, dans toute son impartialité, a ensuite fait appel de cette relaxe. Effectivement, ce dernier s’obstine encore et toujours pour obtenir une condamnation et faire figurer l’ancien ouvrier des Contis dans le FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) constitué à la base pour ficher les délinquants sexuels. En 2011, treize ans après sa création, le FNAEG compte plus de 1.300.000 profils génétiques, soit près 2,5 % de la population française. 280.000 personnes y figurent en tant que personnes condamnées (leur empreinte sera con-servée quarante ans), et 930.000 en tant que «mises en cause dans des affaires judiciaires» (la conservation est alors de vingt-cinq ans), ce à quoi il convient de rajouter 63.000 «traces non identifiées». On ne peut que comprendre la révolte de Xavier Mathieu qui ne souhaite pas, comme il le dit, «être fiché entre Marc Dutroux et Emile Louis». Petit clin d’œil à Jean-Michel Ayçaguer, qui chez nous, est confronté au même acharnement judiciaire pour un refus de prélèvement d’ADN. Voilà en somme le cas classique d’un manifestant qui a osé défendre son travail, son gagne pain et que la justice française s’obstine à vouloir faire condamner et à ficher. Contre plus de mille licenciements on préfère poursuivre un militant plutôt que de demander des comptes aux gérants de Continental qui licencient à outrance tout en continuant à verser des dividendes à ses actionnaires. Tout est normal.

L’année 2011: l’année du manifestant
Pourtant l’année 2011 est annoncée comme l’année de la manifestation, de l’indignation. Effectivement, le monde politique n’a pas tari d’éloges vis-à-vis des manifestations, des manifestant(e)s et des indigné(e)s du monde entier. Premier hommage hypocrite, celui rendu par Nicolas Sarkozy, le 26 février 2011 dernier, lorsqu’il a commenté les révolutions arabes lors d’une intervention télévisée. On pouvait y entendre: «De l’autre côté de la Méditerranée se produit un immense bouleversement. Certains peuples arabes prennent leur destin en main» ou encore «ces régimes, avec qui tous les gouvernements français qui se sont succédés ont entretenu des relations diplomatiques, économiques, politiques. Ils apparaissaient comme des remparts au terrorisme. En opposant la démocratie et la liberté à toutes les formes de dictature, ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelle». Un éloge amer et peu crédible pour un Président qui recevait Kadhafi et sa belle tente dans les jardins de l’Elysée afin de vendre des rafales à la Libye, pour un chef d’Etat dont les ministres côtoyaient les proches du dictateur tunisien Ben Ali. Comme quoi, on peut être encouragé par un chef d’Etat pour le pétrole et le gaz que l’on va gérer une fois la révolution gagnée et non pour les idées que l’on représente ou les coups que l’on peut recevoir pour avoir osé se révolter.

Merci Mr Stéphane Hessel
Cerise sur le gâteau, le Time’s Magazine a élu comme personnalité de l’année 2011: «the protester», ce que l’on pourrait traduire chez nous par «manifestant(e)». Sur la couverture du célèbre magazine britannique, on pouvait y lire: du printemps arabe à Athènes, d’Occupy Wall Street à Moscou. Sur cette même couverture était représentée une jeune personne, la bouche et le nez recouverts d’un foulard ainsi que les cheveux cachés par un bonnet. Le Time’s Magazine a voulu mettre en avant le combat des manifestant(e)s du monde entier qui s’indignent, merci Mr Stéphane Hessel pour ce mot apparemment longtemps oublié, contre le manque de démocratie ou encore contre le système capitaliste et ses crises endémiques, chroniques et latentes que les masses financent. Un éloge sincère aux manifestations et à l’idée de révolte?… Non, plutôt un plan de communication efficace et hypocrite destiné à booster les ventes du magazine. Effectivement, le Time’s n’a même pas jugé bon de parler des étudiants anglais qui avaient massivement manifesté en novembre 2011 contre les coupes budgétaires du gouvernement. Autres ou-blis, le magazine ne dénonce pas la dure répression de la police anglaise contre ces mêmes étudiants, ni même la répression meurtrière des gouvernements arabes avant de tomber, ni même la répression brutale de la police grecque, américaine ou russe face aux militant(e)s unis des mêmes indignations. En fait, on peut être élu personnalité de l’année pour les mouvements médiatiques que l’on arrive à créer et les journaux que l’on fait vendre et non pour les idées que l’on représente ou les coups que l’on peut recevoir pour avoir osé se révolter. Pour conclure, l’année 2011 a été l’année de l’éloge hypocrite de l’art de manifester et non celle de la crise du capitalisme et des dictatures comme cela aurait été préférable.

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