La carotte et le bâton

Etchégaray
Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne président de la Communauté d’Agglomération Côte Basque Adour.

La Communauté d’agglomération, dont les compétences sont limitativement définies par la loi, ne peut, en l’état du droit applicable, répondre à la demande du territoire (concernant les huit compétences spécifiques) clairement exprimée par le Conseil des élus et le Conseil de développement du Pays Basque. Alors que le préfet va prendre son bâton de pèlerin pour visiter les intercommunalités et rencontrer tous les maires,il faut plus que jamais se saisir du nouveau texte présenté au Conseil des ministres du 18 juin dernier qui sera soumis au Parlement à l’automne. Car ce projet de loi offre des possibilités, moyennant quelques aménagements.

Lorsque le 5 octobre 2012, lors des Etats Généraux de la démocratie territoriale, le Président Hollande annonça le lancement de l’acte III de la décentralisation, le Pays Basque avait toutes les raisons d’espérer que sa revendication, vieille de plus de deux siècles, pourrait enfin avoir un écho.

Il est vrai que les espoirs de ce territoire, blotti au coin de l’Hexagone, avaient été déjà douchés par le Président Mitterrand qui, alors qu’il fut élu sur un programme dont l’une des propositions était “la création d’un département Pays Basque”, ne respecta pas cet engagement.

Qu’à cela ne tienne, les acteurs de ce territoire décidèrent de se réunir, ainsi que le fit dans un passé lointain le Biltzar, pour parler de son avenir. C’est dans cette démarche de prospective territoriale que furent créés en 1994 le Conseil de développement et en 1995 le Conseil des élus du Pays Basque. Deux composantes qui devaient alors constituer les deux faces d’une nouvelle gouvernance pour le territoire, à laquelle on doit le projet Pays Basque 2010 et la signature de la Convention spécifique 2000-2006, puis du projet Pays Basque 2020 avec la signature du Contrat territorial 2007-2013.

Ce mode de gouvernance, propre à notre territoire, inspira le législateur qui, par une loi du 25 juin 1999 (dite loi Voynet), donna aux Pays déjà créés par la loi Pasqua de 1995 les instances de gouvernance, notamment avec la création d’un conseil de développement. Mais l’on sait que la loi du 16 décembre 2010, portant réforme des collectivités territoriales, supprima la possibilité de créer de nouveaux pays, laissant néanmoins les pays déjà créés perdurer pour poursuivre les conventions territoriales dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Prise de conscience

Alors que le Contrat territorial arrivait à son terme fin 2013, les acteurs du territoire réclamèrent dans une très grande majorité une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque, la forme associative qui avait prévalu jusque-là ayant montré ses limites, notamment dans le nouveau contexte législatif. Ce fut donc la revendication d’une collectivité territoriale spécifique pour le Pays Basque qui prévalut désormais auprès de la majorité des maires, après qu’une expertise juridique demandée par le Conseil des élus ait confirmé la constitutionnalité et la pertinence juridique de ce choix.

L’impossibilité juridique était ainsi levée. Restait évidemment la volonté politique. Le Conseil des élus manifesta clairement fin 2013 sa demande de création d’une collectivité Pays Basque dans une quasi unanimité.

Après d’interminables atermoiements, la réponse négative du gouvernement arriva sans véritable argumentaire, mais dans un réflexe typiquement jacobin.

C’est dans ce contexte que nous arrive la proposition de M. le préfet Durand consistant à regrouper les 158 communes basques en une seule intercommunalité, en clair une “communauté d’agglomération du Pays Basque”.

On sait que les Communautés d’agglomération ont été créées par la loi Pasqua de 1999 et qu’elles ont notamment remplacé les anciens “Districts” (comme ce fut le cas pour le District BAB), lesquels avaient été institués par le législateur en 1959.

Devions-nous attendre d’être en 2014 pour apprendre que le Pays Basque pouvait se doter d’un tel statut juridique ?

Dans la “boîte à outils” présentée par le préfet, cette structure de droit public est pourtant préférée au Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR), récemment créé par loi MAPAM du 27 janvier 2014, dont on nous avait jusque-là vanté les mérites. Entre autres faiblesses, le PETR avait pour handicap majeur de n’avoir pas de fiscalité propre, notable différence avec la communauté d’agglomération.

Compétences et fiscalité

Pour autant la Communauté d’agglomération ne peut, en l’état du droit applicable, répondre à la demande du territoire clairement exprimée par le Conseil des élus et le Conseil de développement du Pays Basque. La première raison, et non des moindres, est que les huit compétences identifiées comme devant être exercées à l’échelle du Pays Basque ne peuvent revenir dans leur intégralité à une Communauté d’agglomération, dont les compétences sont limitativement définies par la loi.

Certes, il n’est pas interdit de conventionner autour d’un projet concerté avec ces deux collectivités, mais la suppression de la clause générale de compétence  (excepté il est vrai pour la culture, le sport et le tourisme), qui permettait d’asseoir les “cofinancements”, rendra encore plus difficile ces politiques contractuelles qui ont jusqu’ici fait avancer bien des dossiers.

Or, la question des compétences est, avec la fiscalité, au coeur de la revendication des élus du Pays Basque. A droit constant, c’est-à-dire en appliquant le dispositif juridique tel qu’il existe aujourd’hui, le projet porté par le Conseil des élus ne pourrait pas voir le jour avec une communauté d’agglomération.

On peut parfaitement créer
un dispositif institutionnel dérogatoire
de coopération intercommunale,
dans l’esprit de ce qui a été possible
pour les métropoles de Paris et Marseille
et en s’appuyant sur la tradition et l’expérience
d’ingénierie territoriale du Pays Basque.

Reconnaissance institutionnelle

Plutôt que de recourir à la très ancienne technique de la carotte et du bâton, on aurait préféré que l’Etat (car le préfet ne fait aujourd’hui que suivre la volonté politique du gouvernement) propose au Pays Basque une adaptation dans le projet de loi tel que présenté au Conseil des ministres du 18 juin dernier.

Car dans le contexte du “big bang” institutionnel enclenché par l’Acte III de la décentralisation (loi MAPAM, avant-projet de loi Nouvelle Organisation Territoriale de la République), on peut parfaitement créer pour le Pays Basque un dispositif institutionnel dérogatoire de coopération intercommunale, dans l’esprit de ce qui a été possible pour les métropoles de Paris et Marseille et en s’appuyant sur la tradition et l’expérience en termes d’ingénierie territoriale du Pays Basque.

Evidemment les échelles ne sont pas les mêmes, mais les problématiques sont proches.

Alors que le préfet va prendre son bâton de pèlerin pour visiter les intercommunalités et rencontrer tous les maires, pour leur dire que le projet de loi prévoit la disparition des intercommunalités de moins de 20.000 habitants (7 sur les 10 intercommunalités du Pays Basque sont concernées), il faut plus que jamais se saisir du nouveau texte présenté au Conseil des ministres du 18 juin dernier qui sera soumis au Parlement à l’automne. Car ce projet de loi offre des possibilités, moyennant quelques aménagements.

Pour l’heure, il est possible d’imaginer une “mission de préfiguration” sous la double maîtrise d’ouvrage de l’Etat et du Conseil des élus et qui aurait pour mandat d’explorer l’acceptabilité politique et la faisabilité technique des différentes dimensions de ce scénario.

D’abord en termes de périmètres : celui de la future structure à l’échelle supra-territoriale et ceux des échelons de proximité à l’échelle infra-territoriale.

Ensuite en termes de compétences par la définition de ces compétences et leur répartition entre ces deux échelles.

Enfin en termes de gouvernance (modes de représentation et de désignation) et de fiscalité (mutualisation). Ceci pour éviter que l’on nous fasse le sempiternel procès d’ajouter au millefeuille institutionnel.

Rien n’empêche que l’on puisse discuter avec M. le préfet Durand à droit constant (c’est-à-dire en prenant les textes pour ce qu’ils permettent) tout en attendant de notre représentation nationale qu’elle écoute enfin la revendication du Pays Basque pour une reconnaissance institutionnelle.

Puisque notre République est décentralisée, ainsi que le dit la Constitution, faisons en sorte que le débat soit démocratique.

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