« La lutte contre le dérèglement climatique est la clé de la prospérité du XXIè siècle »

Canfin
(*) Pascal Canfin, ministre délégué au Développement auprès du ministre des Affaires étrangères en France de 2012 à 2014, il est depuis le 1er juillet 2014, Conseiller principal pour le climat du World Resources Institute (WRI), think tank américain classé comme le plus influent au monde sur les questions environnementales1, dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat. Il est parrain de Lurrama 2015.

«Selon le FMI, les subventions aux énergies fossiles représentent 10 millions de dollars par minute dans le monde. Le premier enjeu est donc non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ! Avec le dérèglement climatique, nous sommes face à un défi immense et historique et nous ne devons donc nous priver d’aucun levier : l’action individuelle, les collectivités locales, les entrepreneurs verts dont on a besoin pour la transition mais aussi bien sûr changer les pratiques des grandes entreprises et prendre les bonnes décisions politiques. ». Ce vendredi 6 novembre Pascal Canfin (*) parrain de Lurrama 2015 donnera une conférence sur les enjeux climatiques à 18h00. Il répond aux questions d’Enbata.info.

Quels sont les enjeux de la COP21 qui se déroulera à Paris du 30 novembre au 11 décembre ?

Aujourd’hui, la planète est sur la voie d’un réchauffement de +4 degrés depuis le début de l’ère industrielle. Ça peut sembler peu mais en réalité ces +4 degrés pourraient avoir des conséquences très graves pour nos sociétés et nos modes de vie, avec des terres englouties par la montée des océans, de plus grandes sécheresses, une baisse importante des rendements agricoles et donc de la sécurité alimentaire, etc.
L’enjeu principal de cette COP21 est donc que les Etats trouvent un accord afin de nous ramener sur une trajectoire qui ne dépasse pas +2 degrés de réchauffement, seuil au-delà duquel les scientifiques parlent de «point de non-retour». Et la conférence de Paris est bien la dernière chance d’y parvenir.

Idéalement, quel type de mesures pourraient être prises à Paris et pourraient réellement changer la donne ?

A Paris, les Etats vont s’engager sur plusieurs points. Tout d’abord, chaque pays a pris des engagements de réduction de gaz à effet de serre. Ces engagements nous font passer d’une trajectoire de 4 degrés à une trajectoire de 3 degrés. Il reste donc la moitié du chemin à parcourir. Cela passe notamment par un cadre qui oblige les Etats à rehausser leurs engagements tous les 5 ans, et dès que possible avant 2020.
Par ailleurs, Paris doit aussi être un moment de solidarité climatique mondiale. En 2009 à Copenhague, les pays développés s’étaient engagés à transférer 100 milliards de dollars par an pour le climat aux pays en développement d’ici 2020. A la COP21, les pays riches vont devoir montrer comment ils vont honorer cet engagement notamment vis à vis des pays les plus vulnérables qui, sans cette solidarité, n’ont aucune chance de faire face au dérèglement climatique.

Vers quoi se dirige (malheureusement) la décision finale qui risque de se prendre à Paris ?

Pour que Paris puisse être considéré comme un succès il faut d’une part que le premier accord universel soit trouvé. Je rappelle que le protocole de Kyoto ne couvre plus que 15 % des émissions de CO2. Mais encore faut-il que cet accord soit cohérent au regard de la limite des 2 degrés. Or, pour l’instant, nous n’y sommes pas et cela va être un des enjeux clés jusqu’à la dernière minute de se mettre d’accord sur des mécanismes qui font que le respect des 2 degrés reste possible. Par ailleurs, au-delà de l’accord, il faudra regarder tous les engagements pris par les collectivités locales – 1000 maires des grandes villes du monde entier seront à Paris pendant la COP –, les entreprises, le secteur financier pour évaluer l’impact de toutes les décisions prises à Paris.

Qu’est-ce qui explique que la crise économique et sociale semble couvrir l’urgence écologique/climatique ?

Les enquêtes d’opinion montrent une sensibilité croissante aux enjeux et aux conséquences du dérèglement climatique. Et cela va bien au-delà de la France ou de l’Europe. L’opinion publique la plus inquiète dans les enquêtes internationales est l’opinion chinoise !
Par ailleurs, il n’y a aucune opposition entre l’économie et écologie, bien au contraire !
Certains ont peur que la transition écologique se fasse aux dépends de l’économie et de l’emploi. Or c’est absolument l’inverse. La condition de notre prospérité au XXIe siècle, c’est justement de lutter contre le dérèglement climatique.

Comment expliquer la gravité de la situation climatique à nos concitoyen-nes sans tomber dans le fatalisme ou les paralyser avec l’effet de sidération ?

Il faut dire la vérité tout simplement. La vérité est que si l’on ne fait rien nous allons au devant d’un énorme problème et je ne vois pas au nom de quoi il faudrait mettre la tête dans le sable pour ne pas regarder la réalité en face. Mais la vérité c’est aussi que les solutions existent dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’agriculture… et qu’il faut prendre maintenant les bonnes décisions.
Par ailleurs, chacun peut être partie prenante de cette solution par exemple en changeant de banque pour faire en sorte que son argent ne serve pas les énergies fossiles, en basculant vers un opérateur électrique 100% renouvelable comme Enercoop, en privilégiant les solutions alternatives à la voiture lorsque c’est possible, en diminuant sa consommation de viande et en achetant des produits frais et de saison à des producteurs locaux qui font le choix d’une agriculture respectueuse de la nature. Si nous sommes des millions en France à faire cela, je peux vous dire que l’impact sera rapide et radical !

« Quelle transition nécessaire devra être mise en place entre le modèle économique dominant, et celui qui s’imagine et s’expérimente ici et là?

Le modèle économique n’est dominant que parce que nous acceptons de nous y soumettre ! Tous les exemples que je viens de donner peuvent changer profondément le système économique si nous sommes nombreux à les suivre. Par ailleurs, je pense qu’il ne faut surtout pas opposer les modes et les niveaux d’actions. Nous sommes face à un défi immense et historique et nous ne devons donc nous priver d’aucun levier : l’action individuelle, les collectivités locales, les entrepreneurs verts dont on a besoin pour la transition mais aussi bien sûr changer les pratiques des grandes entreprises et prendre les bonnes décisions politiques. C’est l’ensemble qui fera l’écosystème du changement. Je sais bien que de nombreux lobbies sont là pour s’y opposer. A nous de les dénoncer et d’être plus forts.

Quel mécanisme de financement peut permettre/renforcer tout cela ?

Savez vous que, selon le FMI, les subventions aux énergies fossiles représentent 10 millions de dollars par minute dans le monde ! Le premier enjeu est donc non pas de dépenser plus, mais de dépenser mieux ! Par ailleurs j’ai rédigé au printemps un rapport à la demande du président de la République, « Mobiliser les financements pour le climat une feuille de route pour financer une économie décarbonée » , qui fait le point sur tous les outils de financement possible. Je pointe bien sur la taxe sur les transactions financières. La décision politique sur ce sujet doit être prise en novembre. Il faut là aussi que la pression citoyenne soit au rendez vous.

 

(*) Pascal Canfin, ministre délégué au Développement auprès du ministre des Affaires étrangères en France de 2012 à 2014, il est depuis le 1er juillet 2014, Conseiller principal pour le climat du World Resources Institute (WRI), think tank américain classé comme le plus influent au monde sur les questions environnementales1, dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat.

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