La percée est une addition

CorseAlors que le débat des élections régionales s’animait sur le rempart dressé face à la vague du Front national dans l’hexagone, le destin de la Corse prenait par surprise l’opinion publique française, sa classe politique et médiatique. Une percée nationaliste Corse, qu’on n’aurait pas vu venir, prenait démocratiquement le pouvoir de l’institution insulaire taillée sur mesure par le Statut particulier dessiné par Joxe en 1991, revu par Jospin en 2002. Rien de tout cela pour qui comprend la trajectoire nationale corse depuis l’acte fondateur de la cave d’Aleria, en août 1975, prise au fusil de chasse par Edmond Simeoni et les premiers abertzale dont son frère Max.

Il n’y a pas eu de percée nationaliste le 13 novembre dernier, mais intelligence et maturité politique par le dépassement, enfin réalisé, des deux familles de patriotes jusqu’ici séparées par la lutte armée du Front de libération de la Corse, FLNC.

Ceci éclate à la simple lecture comparée des résultats électoraux du 13 décembre avec ceux précédents de 2010.

Au second tour de l’élection territoriale de 2010 la liste Gilles Simeoni recueillait 25,89% des suffrages exprimés et celle de Jean-Guy Talamoni 9,85%. Si elles s’étaient présentées unies, leur simple addition les aurait portées à 35,74%, un score quasi identique à celui d’aujourd’hui, 35,34%.

Il y a cinq ans, les abertzale corses étaient déjà la première force politique de la communauté de 320.000 habitants de l’île de beauté. Le premier enseignement est donc qu’unis, les abertzale de Corse ou d’ailleurs sont en capacité de changer l’histoire.

Deuxième enseignement de la prise de pouvoir abertzale à Ajaccio: son déroulé et son contenu. “Coup de tonnerre sur la Corse” titre le Monde pour la journée historique du 17 décembre portant élection à la présidence de l’Assemblée territoriale et à la tête de l’exécutif, exception corse propre à son statut particulier. L’utilisation de la langue corse quasi-exclusivement par Jean-Guy Talamoni et en alternance avec le français pour Gilles Simeoni, pour leurs discours officiels d’intronisation, sidéra les observateurs du continent (à qui on avait remis des traductions en français) oubliant que depuis quelques années les langues “régionales” sont entrées dans la constitution de la République, article 75-1, au titre du patrimoine de la France. Certains maîtres à penser exigent du président de la République un rappel à l’ordre français.

Le cérémonial d’investiture, en forme de serment du jeu de paume, de type anglo-saxon, prêté par les neufs membres de l’exécutif, gouvernement de l’île, sur un traité de 1768 de Pascal Paoli, père de la nation corse indépendante, apparaît comme une gestuelle sacrilège aux yeux des jacobins. Le nouveau leader corse, Gilles Simeoni, 48 ans, fils d’Edmond présent à la cérémonie, avocat et maire de Bastia depuis mars 2014, ville où il a obtenu le 13 novembre 45,77% des voix, lance un appel solennel au gouvernement et à l’Etat français: “Le peuple corse existe et il sera reconnu parce que cela est conforme à l’histoire et au droit”. C’est alors l’évocation implicite de l’histoire spoliée de ce peuple acheté à la république de Gênes par la France en 1768 comme on achetait alors une ferme avec ses fermiers et son bétail, suivi de la conquête militaire de l’île par les troupes de Louis XV à la bataille de Ponte Novo. Revient aussi dans cet hémicycle d’Ajaccio le discours improvisé de 2004 par le charismatique fondateur du nationalisme moderne Edmond Simeoni, resté dans la légende corse. Cette singulière prise démocratique du pouvoir se clôturait par l’hymne corse, Diu vi salvi Regina, chanté debout par la quasi-totalité des élus, qui venait ainsi rappeler tout l’acquis des votes de cette assemblée territoriale depuis deux décennies: statut de résident, co-officialité de la langue corse, statut fiscal, amnistie des preso…

Reste à mettre en place le volet Corse de la loi NOTRe, la collectivité unique par la dissolution des deux départements dans l’assemblée territoriale. Soit la réalisation par la loi de ce qu’avait rejeté le référendum du 6 juillet 2003, organisé par Sarkozy, ministre de l’Intérieur. Bref, un remake du processus européen de 2005.

Juin 2014, le FLNC dépose les armes. Pas plus que pour ETA avec Madrid, Paris ne renvoie alors le moindre signe. Mais cet acte majeur et irréversible scelle en revanche la réconciliation des deux familles nationalistes aujourd’hui parvenues unies au pouvoir de l’institution spécifique. Ce pacte patriotique est d’autant plus significatif que la violence corse s’est transformée en guerre civile entre factions rivales causant une vingtaine de morts. La percée d’aujourd’hui, la victoire abertzale corse, découle de cette inestimable addition dans l’oubli des douleurs.

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Une réflexion sur « La percée est une addition »

  1. Hola Jakes ! Zinez lerro eder eta hunkigarriak…erakasgarriak guretzat ere…
    Kantu berri batean errana den bezala: » Bidea luze luze, bainan luzeago zen atzo !  » – La route est longue, longue mais elle était plus longue hier ! »

    URTE BERRI 2O16 ON ONA !

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