Le silence qui suit

EgunkariaLes poursuites contre le quotidien Egunkaria ont été définitivement abandonnées ce 14 octobre. Le quotidien basque est officiellement blanchi mais sans espoir d’indemnisation pour le préjudice subi. Pas même auprès de la presse française qui continue à se  taire.

La victoire est venue sans bruit, presque enrouée, après onze ans de tapage. Ce 14 octobre, les magistrats de la Cour régionale de Gipuzkoa ont définitivement abandonné toute poursuite à l’encontre du quotidien Egunkaria. Pas un non-lieu, mais plutôt
un non-droit, prononcé à huis clos, qui signe l’aveu que le quotidien n’a pas à être jugé.

Dans ce dernier dossier “économique”, qui faisait peser sur les dirigeants du journal des peines de 18 ans de prison, les faits étaient prescrits depuis belle lurette. Mais la justice espagnole poursuivait encore, avec un zèle grotesque et ridicule, et un acharnement qui a fini par trahir sa mauvaise foi. En laissant mourir à petit feu l’incendie qu’elle avait allumé, l’Espagne a cependant réussi à rester droite dans ses bottes, évitant le scandale qu’elle mérite sur ce sujet, le plus à même de susciter l’indignation en Europe.

On le sait déjà, dans la presse internationale, les Basques sont avant tout des “Basques présumés”. Présumés coupables en l’occurrence. Dès lors que les journalistes ont admis la fameuse “nébuleuse” qui enveloppe la société basque, ils acceptent les dégâts collatéraux.

Un peu comme les bombardements américains qui font passer les pertes civiles pour le mal nécessaire. La logique anti-terroriste a imposé le principe effrayant que pour attraper les poissons, il faut vider la mer. Au Pays Basque, les partis interdits, les associations, les attaques contre la langue ont fini par intégrer ce schéma médiatique. Et lorsque le 20 février 2003, sur simple ordonnance du juge anti-terroriste Juan del Olmo, le quotidien est fermé, ses dirigeants embastillés et torturés, les médias  regardent ailleurs. “Huit arrestations liées à l’ETA” lit-on dans la presse française, quand tout l’intérêt du procès porte justement sur la véracité de ce lien. Dans le Figaro, Egunkaria devient durablement un “journal radical”. Sept ans plus tard, le quotidien français Libération en est encore à poser la question : “Attaque à la liberté d’expression ou lutte légitime contre un satellite favorable au terrorisme ?” Reporter sans frontières, après une timide demande d’explication au gouvernement espagnol, mettra également 10 ans à demander “la relaxe” dans le procès Egunkaria. Et l’ONG de condamner dans le même temps des étudiants vénézuéliens anonymes qui prennent à partie des journalistes. Ca ne mange pas de pain.

Un journal ne peut pas faire de terrorisme Pourtant, le dossier Egunkaria était facile. Pas besoin de parler basque pour comprendre, d’abord, que le dossier d’accusation était honteusement vide. Même le procureur, au pénal, a fini par demander le classement sans suite de l’affaire. La défense pouvait difficilement faire mieux. Que l’Audience nationale poursuive l’instruction à marche forcée ne pouvait qu’éveiller le soupçon d’une collusion politique. “Attaque à la liberté d’expression ou lutte légitime contre un satellite favorable au terrorisme ?” C’est effectivement la question que l’on peut se poser si l’on ne s’intéresse absolument pas au dossier. Puis l’Audience nationale, a fini par ouvrir un second procès, économique, avec enfin du contenu. Le journal gonflait ses chiffres de diffusion. Comme tous les journaux en somme. Les dirigeants d’Egunkaria étaient accusés de profiter de cette falsification pour réclamer davantage de subventions.

En laissant mourir à petit feu
l’incendie qu’elle avait allumé,
l’Espagne a cependant réussi à rester
droite dans ses bottes,
évitant le scandale qu’elle mérite sur ce sujet,
le plus à même de susciter l’indignation en Europe.

S’il n’y avait eu prescription, un procès aurait prouvé l’inverse, puisque le gouvernement basque disposait des chiffres réels.

Entre temps, la Cour européenne des droits de l’Homme a condamné l’Espagne pour n’avoir pas enquêté sur les accusations de tortures dénoncées par le directeur du journal. “Lutte légitime contre un satellite favorable au terrorisme ?” On se le demande encore.

Mais surtout, ce que la presse européenne a oublié, c’est qu’un journal ne peut pas faire de terrorisme. Même le quotidien espagnol El Mundo, pourtant prompt à dégainer pour couvrir sans réserve le Partido Popular, le reconnaissait dans un édito consacré à Egunkaria. La presse est soumise aux mêmes lois que celles qui régissent la société. Un article qui fait l’apologie du terrorisme peut être attaqué. Un directeur de journal qui blanchit de l’argent au profit d’une organisation terroriste aussi. Mais un journal ne peut pas faire de terrorisme. C’est tout simplement impossible.

Le problème que pose l’affaire Egunkaria n’est pas dans le fracas des bottes d’une démocratie espagnole encore en chantier, ni dans les lois d’exceptions qui restreignent les démocraties. Le problème est dans le silence de ceux qui en sont les garants.

 

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Une réflexion sur « Le silence qui suit »

  1. excellent article plein de feu
    comme son rédacteur que j’admire
    salut à tous

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