« Rien ne se crée sans les Hommes, rien ne dure sans les Institutions »

Jean-ClaudeIRIARTAinsi s’exprimait Jean Monnet avec les autres pères fondateurs de l’Europe, tandis qu’il s’engageait pour inscrire la construction européenne dans un processus évolutif.

Cette citation pourrait s’appliquer pleinement au contexte actuel du Pays Basque.

J’ai pris part ces 20 dernières années à la dynamique portée par le Conseil des Elus et le Conseil de Développement du Pays Basque. Que ce soit en tant que bénévole ou à titre professionnel, comme beaucoup d’autres, je me suis engagé dans ce dispositif pour contribuer au développement économique et culturel du Pays Basque, dans le seul cadre officiel qui s’offrait à nous; un cadre nous permettant de réfléchir et d’agir dans le domaine des politiques publiques, à l’échelle du Pays Basque. Nous étions plusieurs à penser, que le Pays Basque avait dans cette aventure, plus à y gagner qu’à y perdre et que dans le contexte politique du moment, l’organisation en place préservait les chances d’une institutionnalisation future même si nous savions que dans le même temps, d’autres pouvaient miser sur ce dispositif pour justifier de l’absence de traitement de la question institutionnelle. Le bilan de cette démarche collective reste très largement positif à mes yeux mais «rien ne dure sans les institutions» !

Les deux Conseils représentatifs des Elus et de la Société Civile du Pays Basque, ont d’ailleurs en quelque sorte acté l’arrêt de ce dispositif d’animation, en signifiant en 2012 les limites de cette organisation et en préconisant la création d’une Collectivité Territoriale à statut particulier.

Je pense qu’en l’état, le système associatif actuel ne redémarrera pas, car les énergies militantes feront défaut et que le contexte des finances publiques d’aujourd’hui ne permettra plus de maintenir l’illusion que l’on peut innover durablement dans le développement de projets et de politiques sans identifier une structure publique en charge et en capacité de les porter et de les mettre en œuvre.

Le moment est crucial car il nous faudra dans les mois à venir asseoir les bases d’une nouvelle organisation afin d’éviter un retour en arrière qui serait dramatique et donner du sens au travail collectif mené depuis 20 ans.

Dans le débat sur la question institutionnelle qui s’ouvrira à la rentrée, nous disposons d’un certain nombre de paramètres connus : notre organisation actuelle, un projet de Collectivité Territoriale à statut particulier (refusé à ce stade par le gouvernement) et toute une série d’outils de droit public récemment rappelés et précisés par le Préfet à l’ensemble des Maires. L’analyse politico-technique, déjà complexe, de ces différents scénarii propres au Pays Basque se complique d’autant plus que dans le même temps, les parlementaires sont mobilisés par l’examen d’un projet gouvernemental de réforme qui vise une modification très significative de l’organisation territoriale à l’échelle de la France entière. A ce stade nul ne sait encore ce qu’il adviendra de ce projet de loi mais il est impossible de dissocier l’idée que chacun s’en fait de la réflexion plus locale concernant l’organisation à privilégier pour le Pays Basque.

A ce moment du débat, il me semble important de ne pas oublier la volonté majoritairement partagée de trouver une alternative au système actuel, aujourd’hui dépassé, car devenu inefficace.

Je pense que dans le contexte financier que nous connaissons, les négociations à venir sur le prochain contrat souligneront encore plus cette limite. Si les Conseils des Elus et du Développement ou leurs successeurs souhaitent à l’avenir, continuer de peser sur les politiques publiques menées en Pays Basque, il leur faudra devenir légalement compétents pour définir ces politiques et disposer des moyens pour les réaliser. Toute organisation qui ne garantira pas cette exigence ne fera que maintenir l’illusion.

C’est la différence fondamentale entre les outils de type Pôle ou Syndicat mixte d’un côté et les outils de type Communauté d’agglo ou Communauté urbaine de l’autre.

Les premiers disposeront au plus d’un pouvoir de coordination entre EPCI mais ne seront pas habilités à définir et à mener des politiques, ni à disposer de ressources en propre. La validation d’un « Pôle Pays Basque » (d’équilibre ou métropolitain) fédérant plusieurs intercommunalités dont les périmètres devront être de toute façon redessinés, nous éloignerait d’après moi, pour de longues années de la perspective d’une institution Pays Basque dotée de véritables compétences.

A ce moment du débat, il me semble aussi important de ne pas oublier tout le travail collectif mené au sein des deux Conseils et de Batera afin de structurer un projet institutionnel partagé par des citoyens de toutes sensibilités et de ne pas oublier non plus la manière dont le gouvernement l’a longtemps traité avant d’y apporter au final une réponse négative.

Ce projet reposait sur l’ensemble des compétences d’un Département sur lesquelles venait se greffer un certain nombre de responsabilités supplémentaires à négocier avec l’Etat et la Région. Sans présager du contenu final de la réforme territoriale, j’ai tendance à croire que les orientations qui fondent le projet de loi en cours structureront, tôt ou tard au-delà des alternances politiques, le paysage institutionnel français : agrandissement de la taille des régions et des intercommunalités, renforcement de leurs compétences respectives au détriment de celles des départements. Ce sentiment m’amène à penser qu’une revendication ambitieuse de collectivité territoriale à statut particulier devra demain s’appuyer davantage sur le socle des compétences intercommunales plutôt que départementales. Ce paramètre présente un avantage non négligeable puisque la structuration d’une organisation intercommunale puissante à l’échelle du Pays Basque dépendra principalement de la décision des élus de nos communes et non plus de décisions extérieures au Pays Basque.

Pour autant, le débat parlementaire qui se poursuit à la rentrée peut offrir des opportunités intéressantes pour enrichir le projet de loi d’un certain nombre d’articles susceptibles de faciliter le fonctionnement d’une intercommunalité à l’échelle du Pays Basque, respectueuse de ses originalités infra territoriales ou d’accélérer l’exercice de certaines compétences supplémentaires.

A ce moment du débat, il me semble enfin important de rappeler que les outils publics de droit commun aujourd’hui existants, sont pour la plupart très anciens. Ce n’est pas seulement parce que le Préfet exprime maintenant une invitation en faveur de l’émergence d’une Communauté d’agglomération à l’échelle du Pays Basque que ce scénario mérite soudainement attention mais c’est plutôt parce qu’aujourd’hui, les élus qui se sont exprimés en faveur d’une Collectivité Territoriale Pays Basque sont en situation de décider une telle organisation.

Les positions conservatrices ou anti basques sont aujourd’hui minoritaires dans les communes du Pays Basque. Les conditions semblent aujourd’hui réunies pour décider par nous-mêmes ce qui nous a été jusqu’ici refusé : être compétent pour mener des politiques publiques à l’échelle du Pays Basque, disposer d’un budget pour le faire et donner par là même une existence institutionnelle au Pays Basque. On peut également objectivement considérer que l’élargissement et le renforcement des intercommunalités mettront encore plus en exergue leur déficit actuel de légitimité démocratique et que la nécessité de désigner leurs représentants au suffrage universel direct dissocié du scrutin municipal s’imposera rapidement.

Avec un budget de l’ordre de 300 millions d’euros, une organisation de type Communauté d’agglomération ou Communauté urbaine pourrait, entre autres: organiser les transports urbains, les transports inter urbains et les transports scolaires à l’échelle de tout le Pays Basque, définir et financer les investissement en matière de zones d’activité économique pour tout le Pays Basque, assurer l’ingénierie en matière d’urbanisme pour toutes les communes du Pays Basque, exercer les délégations en matière d’habitat social sur l’ensemble du Pays Basque, décider sur le périmètre de ses compétences en Iparralde de développer des projets transfrontaliers avec le Gipuzkoa, la Navarre et la Communauté Autonome d’Euskadi, gérer les politiques d’eau et d’assainissement à une échelle bien plus pertinente qu’à l’ heure actuelle, piloter l’ensemble des actions en faveur de la transition énergétique, organiser le soutien des établissements d’enseignement supérieur et de recherche et donner enfin à la langue basque l’espoir d’une politique ambitieuse directement portée par une institution !

Ce dispositif permettrait aux communes de rester pleinement souveraines sur tous les domaines qui n’auraient pas vocation à être traités à l’échelle du Pays basque et de prendre directement part, via leur(s) représentant(e)s à la gestion de la Communauté Pays Basque.

Le savoir faire déjà acquis des 2 communautés d’agglo existantes, la pratique intercommunale maintenant ancienne des 8 autres communautés de communes et l’expérience acquise pendant 20 ans au sein des Conseils des élus et du développement font que le Pays Basque dispose aujourd’hui d’élus et de fonctionnaires territoriaux largement à même de faire vivre une telle collectivité. Des élus et des fonctionnaires capables de trouver les conditions d’une gestion équilibrée et solidaire entre les zones urbaines et rurales, capables d’imaginer un fonctionnement innovant et moderne, respectueux des spécificités infra territoriales et ouvert à l’expression de la société civile.

Le Pays Basque a su trouver dans les domaines culturel, linguistique, agricole, économique … des modes d’organisation et des outils permettant de répondre à des besoins précis. La volonté de se prendre en charge a généré de nombreuses initiatives. C’est cette même logique qui peut s’appliquer aujourd’hui dans le champ institutionnel.

Mon propos de ce jour ne vise qu’à contribuer au débat qui démarre, débat qu’il me parait fondamental de structurer et de conduire collectivement. L’enjeu est considérable et il est fondamental qu’à l’échelle de chaque intercommunalité aujourd’hui existante, les incidences d’une nouvelle organisation soient clairement identifiées et pesées.

Le Conseil des Elus du Pays Basque se doit de coordonner cette réflexion en s’appuyant sur l’implication des intercommunalités. Le Conseil de Développement et le collectif Batera ont leur rôle à jouer dans la diffusion de ce débat auprès du plus grand nombre.

Il nous faut je pense éviter de figer nos points de vue, pour des raisons partisanes ou personnelles avant de partager cet exercice d’analyse. Nous avons tous besoin de croiser nos réflexions et nos projections pour trouver une position collective et nous en rendre solidaires.

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