Un homme

UnHommeComme souvent, un homme célèbre meurt et les commentaires du monde médiatique frisent le panégyrique. Certains écrits, certaines radios et moins la télé(1) osent clamer —ou rappeler— des réalités moins flatteuses à l’endroit de cet “homme exceptionnel” comme vient de l’avancer l’ancien premier ministre Dominique de Galouzeau de Villepin à l’adresse de son mentor tout en dressant un portrait moins lisse : “Il ressemblait un peu à tous les Français, il était à la fois râleur, un peu menteur, gouailleur, ripailleur, mais en même temps le coeur sur la main et attentif aux autres”.

Un quidam, interrogé par France Inter, s’enflamme : “Il portait haut l’humanisme et la France des lumières.” Holà, on se calme ! Et si l’on parlait justement d’ombre et de lumière ?

Et si on évitait de sombrer dans des hommages par trop encomiastiques ? Et si, même pour un président de la République, on tissait des portraits plus en phase avec une introspection de bon aloi ?

Jacques Chirac s’en est allé. Mais encore ?

Vains dieux !

Parce qu’il est sans nul doute de bon ton de s’interroger sur cette propension au culte du chef. L’homme a souvent besoin de dieux pour espérer trouver un salut après sa mort mais il a aussi besoin de vénérer des sous-dieux avant son trépas. Assurément la société française n’échappe pas à un certain consumérisme de l’idolâtrie. Il faut trouver chez l’autre matière à révérer ! L’image au travers du filtre des écrans vient décupler cette vénération. Et l’exceptionnel supposé vient secouer des vies sans éclats et apporter du suc et du sens à des parcours de vie plus communs. Alors, on a beau savoir que “Poussière tu es et poussière tu retourneras” et peut être bien parce qu’on le sait finalement, on se met à exorciser la mort. Alors que nous reste-t-il sinon de bader l’homme, la femme, rendus publics ?

Villepin béni

Ainsi, les médias —et particulièrement les radios et chaînes d’info— en font des tonnes en relayant ardemment les commémorations, deuil national et autres hommages en émissions spéciales et interviews souvent insignifiantes et inconsistantes. Certes, Jacques Chirac, élu à deux reprises président de la République française, a compté dans le paysage politique français. Mieux, il a eu quelques fulgurances. Il a été l’un des rares députés de droite en 1981, à voter l’abolition de la peine de mort. Il y a eu bien sûr cette opposition franche à la guerre en Irak face aux États-Unis et à l’Angleterre avec le discours historique de Dominique de Villepin en février 2003 devant le Conseil de sécurité de l’ONU. De même, en juillet 1995, à l’occasion des cérémonies commémorant le 53e anniversaire de la rafle du Vel d’hiv, il a, pour la première fois, reconnu la responsabilité de l’État français dans la déportation et l’extermination de juifs durant la seconde guerre mondiale(2). On peut lui reconnaître aussi une vraie politique de lutte contre l’insécurité routière et le cancer.

Haundi cap !

Et puis, en exergue, il faut valider ce qui restera comme une loi éminemment révolutionnaire pour la société française par trop engoncée dans la norme : celle de février 2005 “pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées”. Elle instaure le droit à la compensation personnalisée des conséquences du handicap et leurs prises en charge financière, l’obligation d’emploi d’au moins 6% de travailleurs handicapés pour les entreprises d’au moins 20 salarié.e.s, le renforcement de l’accès aux espaces publics, et au cadre bâti neuf ainsi que la simplification des démarches par la création des Maisons départementales de personnes handicapées (MDPH). Et enfin, elle instaure et garantit l’intégration scolaire en reconnaissant à tout enfant en situation de handicap, le droit d’être scolarisé en milieu ordinaire, dans l’école la plus proche de son domicile avec la mise en place d’aménagements et bien sûr, d’accompagnants scolaires (AVS, AESH…). S’il reste encore beaucoup à faire —et notamment une vraie formation et un statut digne pour ces personnels—, force est de reconnaître que cette loi a chamboulé pour les générations actuelles et à venir le regard sur le handicap, sur la différence. Localement, l’association Chrysalide et ses responsables Anouk et Patrice Lagisquet, Jean-René Garcia entre autres, ont particulièrement contribué depuis 30 ans, à cette avancée des consciences.

Sans chichi

Pour le reste, l’homme Chirac généreux — souvent avec l’argent des autres— aura marqué son époque par ses trahisons successives afin d’accéder au pouvoir suprême en enfumant le peuple avec sa “fracture sociale” aux présidentielles de 1995 ou en jouant sur l’insécurité en 2002 pour piquer des voix à son concurrent Jospin(3). Il a de fait, conforté la fonction présidentielle et son système politique vertical en usant et abusant de ses prérogatives. C’est lui qui, en 1988, fit donner l’assaut —prélude à un massacre— dans la grotte d’Ouvea en Kanaky, lui qui relance les essais nucléaires français en 1995, lui qui instrumentalise les fait divers à des fins électorales, lui qui s’en prend à l’Europe pour se soustraire à ses engagements, lui qui soutient le productivisme agricole en France pour s’attirer les bonnes grâce du monde paysan. C’est aussi lui qui cumule les trahisons en appelant à voter Giscard conte Chaban en 1974, qui démissionne du poste de Premier ministre en 1976 et qui fera voter en sous main, avec les autres barons du RPR, Mitterrand contre Giscard en 1981.

Repris de justesse

En devenant maire de Paris de 1977 à 1995, il va mettre la main sur un magot sans limite pour le RPR et son chef. Les passe-droits sont partout, le clientélisme règne en maître. Et les affaires commencent à éclater : en 2000 un ancien financier du RPR, Jean-Claude Méry, témoigne dans une cassette vidéo et accuse le président d’avoir reçu une commission de 5 millions de francs en espèces. Puis vient l’affaire dite des “frais de bouche”, révélée par le Canard enchaîné, qui vient perturber la campagne présidentielle de 2002 où le couple Chirac aurait dépensé 2,1 millions d’euros pour des dépenses alimentaires et de réception entre 1987 et 1995 soit en moyenne 4.000 euros par jour. La plainte déposée par Bertrand Delanoé son successeur aboutira sur un non lieu en 2003, les faits ayant été prescrits. Jacques Chirac sera quand même condamné à deux ans avec sursis en 2011 pour les fameux emplois fictifs de la mairie de Paris au profit du RPR. Avec Juppé comme fusible !

Gizona

La même nuit de son décès à 73 ans, entre le 25 et le 26 septembre, le Bayonnais Jean- Bernard Iriart, dit “JB”, nous tirait lui aussi sa révérence. Enfant du quartier Marracq et issu d’une famille bourgeoise, il était à mes yeux un homme remarquable d’intelligence, de respect et de curiosité. Il aimait les gens dont il n’attendait, lui, rien en retour. Ouvert sur le monde et humaniste, il aimait notamment “ceux qui sont différents” a-t-il dit un jour. Bien que lecteur du site d’info d’Enbata, il n’était ni abertzale ni sûrement de gauche, qu’importe. Un aurresku lui a été offert à la sortie de ses obsèques. Normal.

 

(1) A voir toutefois l’excellent documentaire Chirac de Patrick Rotman (2006) diffusé en deux parties le jeudi 26 septembre sur France 2. Consultable sur replay ou moteur de recherche.

(2) “Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français”.

(3) “Je vous surprendrai par ma démagogie” avait il lancé à ses conseillers au début de sa campagne de 1995.

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