Habitat participatif et réhabilitation écologique : la coopérative d’habitants HABIA témoigne

Les membres de la coopérative d’habitants Habia, devant leur maison à Irisarri.

Dans un contexte de crise du logement et d’urgence écologique, des citoyen·nes inventent de nouvelles façons d’habiter : collectives, sobres et solidaires. Rencontre avec des membres de la coopérative d’habitants Habia à Irissarry qui montre qu’habiter autrement, sans spéculer, sans bétonner, et en créant du lien social… c’est possible. Pour aller plus loin, ne manquez pas la réunion publique sur les coopératives d’habitants du 3 décembre à 20h30 à la Salle pour tous d’Irissarry.

Enbata : Pouvez-vous nous présenter votre projet en quelques mots ?
Habia Koop : Nous sommes un collectif de sept personnes réunies autour du projet de création d’une coopérative d’habitants sur la commune d’Irissarry. L’idée principale est d’accéder à un logement individuel tout en s’inscrivant dans un projet collectif.

Comment l’idée est-elle née, et avec combien de personnes avez-vous commencé ?
L’idée a émergé au fil de discussions, il y a bientôt trois ans. Nous sommes tous dans la trentaine et à l’époque la plupart vivaient en colocation. Notre envie de sortir du système du privé locatif s’est heurtée frontalement à la difficulté rencontrée par beaucoup aujourd’hui d’accéder aux biens immobiliers en Iparralde. La spéculation bat son plein et la grande majorité des maisons sur le marché ne sont accessibles qu’à une frange de la population qui a les moyens de se les offrir en dehors de tout rapport au territoire ou à ses habitants.

L’idée du projet est née
à la fois de la volonté de ne pas participer
à cette course immobilière,
mais également et peut-être encore plus
du désir de construire quelque chose ensemble
de manière pérenne. 

L’idée du projet est donc née à la fois de la volonté de ne pas participer à cette course immobilière, mais également et peut-être encore plus du désir de construire quelque chose ensemble de manière pérenne. Si au début, lors des premières rencontres, nous avons pu monter jusqu’à une douzaine de personnes, le groupe s’est rapidement stabilisé autour de ce qu’il est actuellement.

Quel statut juridique avez-vous choisi (coopérative d’habitants, association, SCIC…) et pourquoi ?
Nous voulions une forme juridique où se retrouve le caractère anti-spéculatif du projet. Nous voulions une prise de décision parfaitement horizontale en dehors de tout lien financier : une personne égale une voix. Enfin nous voulions une propriété collective. A force de discussions, de rencontres, la forme de la coopérative d’habitants s’est imposée à nous de manière évidente.

Quelles valeurs ou objectifs communs rassemblent votre collectif ?
Dans les réunions qui ont précédé la naissance de la coopérative, nous avons défini au sein d’une charte, l’ensemble des valeurs qui nous réunissent. On pourra notamment citer le rejet et la lutte contre toute forme de discrimination, l’engagement à se porter mutuellement assistance en cas de besoin, les prises de décision démocratiques, l’engagement écologique du collectif que ce soit dans la construction autant que dans la vie quotidienne, l’ouverture sur l’extérieur afin de ne surtout pas créer un entre-soi, la volonté de porter un modèle qui permette à chacun d’accéder à un logement avec un apport financier initial modéré et enfin la nécessité de faire vivre l’euskara au travers de tout le processus.

Pourquoi avoir choisi de réhabiliter un bâtiment existant plutôt que de construire du neuf ?
Pour des raisons professionnelles, familiales et d’attachement au territoire, nous avons choisi de localiser notre projet en barnekalde. La réalité locale s’est imposée à nous : de nombreuses maisons vides existent. Il nous paraissait inconcevable de venir s’accaparer des terres agricoles pour bétonner de nouveaux logements alors que tant de maisons ne demandent qu’à être retapées pour accueillir à nouveau des habitants. Voilà notre état d’esprit sur le moment. Après il faut regarder la réalité en face : nous avons eu beaucoup de chance de tomber sur la famille qui nous a cédé Bidartea puisqu’elle a cru à notre projet d’habitat collectif en dehors de toute logique purement immobilière.

Votre projet se présente comme une coopérative face à la spéculation immobilière : comment cela se traduit-il concrètement ?
La coopérative d’habitants vient transformer notre rapport à la propriété. Le logement n’est plus un bien patrimonial mais un droit pour toutes et tous. Le logement ne s’achète et ne se vend plus au gré de l’offre et de la demande, sa valeur financière est liée au prix de sa réalisation. Par ce fait, la coopérative d’habitants est un mécanisme anti-spéculatif efficace. La société coopérative est maître d’ouvrage et propriétaire du bien. Elle achète le bien, emprunte et réalise les travaux. Les coopérateurs ne sont pas propriétaires de leur appartement mais locataires. Le loyer est fixé en fonction des coûts du logement et non en fonction du marché par les coopérateurs eux-mêmes qui détiennent des parts dans la société.

En quoi votre démarche participe-t-elle à lutter contre l’artificialisation des sols ?
Beaucoup de grandes maisons restent vides dans nos villages et pourtant certaines mairies poussent à toujours plus de création de lotissements individuels. Il faudra un jour très certainement faire le bilan de cette politique urbanistique mais une chose est certaine : le rêve américain de la réussite individuelle par la construction d’un pavillon collé à d’autres pavillons au sein d’un lotissement construit sur des terres agricoles n’est et ne doit pas être la solution « miracle » aux problèmes d’accès au logement.

Le modèle des coopératives d’habitants
peut contribuer à inventer de nouvelles manières d’habiter
les grandes maisons qui restent vides dans nos villages.

Historiquement et culturellement, la maison basque accueillait plusieurs générations sous un même toit. Nous croyons que le modèle des coopératives d’habitants peut contribuer à inventer de nouvelles manières d’habiter ces grandes bâtisses dans la continuité de ce qu’elles ont toujours été.

Quelle relation entretenez-vous avec les acteurs locaux (commune, intercommunalité, associations, habitants du quartier) ?
Nous sommes la deuxième coopérative d’habitants à nous implanter à Irissarry, ce qui, ramené au nombre d’habitants, en fait très certainement la commune d’Europe la plus densément peuplée de coopératives d’habitants ! La première coopérative, Zertzekozera, de la maison Etxegoinberria a été créée il y a maintenant cinq ans environ et ils arrivent aujourd’hui au bout des travaux. Nous avons coutume de dire que nous sommes leurs enfants, tant ils ont défriché le terrain devant nous, que ce soit au niveau des banques, des institutions et des manières de construire le projet. Au niveau des institutions, nous sommes accompagnés dans notre projet par la Maison de l’Habitat et de l’Énergie à Saint-Palais, qui est délégataire de l’ANAH (MaPrimeRénov’, …) pour le Pays Basque. Au niveau du conseil communautaire de l’Agglomération Pays Basque, certains élus poussent l’argumentaire en faveur des coopératives d’habitants. Un sujet est particulièrement évoqué, celui des cautions bancaires. Certaines grandes métropoles comme Bordeaux ou Toulouse ont en effet décidé de se porter caution auprès des banques sur les projets de coopérative d’habitants. Avec la possibilité de revendre le bien immobilier, le risque financier est quasiment nul pour la puissance publique, mais c’est parfois la clé pour l’émergence de nouvelles coopératives.

Comment s’organise la gouvernance du collectif au quotidien ?
Nous fonctionnons de manière démocratique dans la prise de décision : une personne égale une voix. Nous sommes accompagnés par plusieurs « facilitateurs » extérieurs qui nous permettent d’être efficaces et justes lorsque de grosses décisions doivent être prises, par exemple sur de gros investissements ou sur des choix importants pour la bonne continuité du projet. Cette aide extérieure nous permet dans la mesure du possible de sortir des relations d’égo qui peuvent parfois parasiter les débats, pour arriver à une position commune. Récemment, nous avons expérimenté la gestion par consentement sur la définition du futur montant des loyers de chaque appartement (en fonction de la surface, des revenus des foyers, du nombre de personnes,…) et cela s’est révélé très efficace.

Comment trouvez-vous l’équilibre entre espaces privés et partagés ?
L’idée principale reste que chacun ait accès à un logement individuel « classique » où son intimité, sa vie privée soient garanties et qu’à côté, des espaces communs permettent de partager des moments. Nous avons tous bien expérimenté la colocation et ce qu’elle comprend de partage total de la vie quotidienne et il était hors de question pour nous de prolonger à une plus grande échelle ce mode de vie.

Quels outils utilisez-vous pour faciliter la prise de décision et prévenir les tensions ?
C’est enfoncer une porte ouverte que de dire ça, mais la clé de tout reste la communication. Lorsque nous regardons le chemin parcouru, il est évident que nous avons progressé collectivement sur la question et des moments de tensions passés auraient pu être résolus différemment avec les outils dont nous disposons aujourd’hui. Rien n’est linéaire et des moments de parfaite concorde succèdent à d’autres plus complexes : l’expérience que nous en avons retirée nous permet d’améliorer cette communication entre nous. En tout cas, la question est centrale : beaucoup de collectifs s’effondrent sur ces questions de PFH (putain de facteur humain) plus que sur des aspects financiers.

Avec le recul, quels sont selon vous les principaux atouts de ce type d’habitat ?
Les atouts sont multiples, on peut citer : l’accession à la propriété facilitée, la création de lien social, la rénovation de vieilles bâtisses… S’il fallait n’en garder que quelques-uns, nous dirions que ce type d’habitat permet d’accéder à un logement de qualité à moindre coût dans une démarche écologique et solidaire.

Et les inconvénients ou points de vigilance pour d’autres collectifs qui souhaiteraient se lancer ?
Nous n’en avons pas fait l’expérience, mais nous l’avons vu sur d’autres collectifs, il y a un point de vigilance à avoir sur les entrées et les sorties du groupe, que ce soit aux niveaux financier et humain. Il faut également préciser que ce type d’habitat est encore peu répandu ici à l’inverse d’autres pays comme la Suisse ou le Québec, il est donc parfois compliqué de communiquer avec les banques ou les institutions qui ne le connaissent pas.

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui envisagent une démarche similaire ?
Foncez ! C’est un modèle qui a de l’avenir, qui permet de s’épanouir au sein d’un collectif que vous choisissez, qui respecte la personne et son environnement,… Enfin, afin de partager notre expérience, nous avons fixé une réunion publique sur les coopératives d’habitants le 3 décembre à 20h30 à la Salle pour tous d’Irissarry.

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