Si tout le monde s’accorde à reconnaître les avancées des politiques publiques permises par la CAPB depuis 2017, les débats sur son évolution pour améliorer sa gouvernance et élargir son champ de compétences au domaine social notamment se font jour. L’expérience de la métropole de Lyon est actuellement examinée de près. En quoi consiste-t-elle et pourrait-elle inspirer l’évolution institutionnelle du Pays Basque Nord ?
La création de la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB) en 2017 constitue une première réponse à la demande institutionnelle exprimée depuis plusieurs décennies par bon nombre d’acteurs de ce territoire. Par la fusion des dix intercommunalités en place, la CAPB réunit pour la première fois les 158 communes du Pays Basque Nord autour de compétences essentielles qui touchent à la vie quotidienne des 322 000 habitants de ce territoire.
La revendication institutionnelle qui précédait la création de la CAPB portait sur une collectivité territoriale à statut particulier. L’assemblée générale du Conseil des élus de novembre 2012 avait délibéré dans ce sens à une très large majorité. Elle visait la création d’une institution de niveau départemental dotée de compétences supplémentaires (logement, transport, agriculture, tourisme, économie, culture, langue basque, coopération transfrontalière) et gérée par des élus au suffrage universel direct.
Ce scénario était très largement partagé par de nombreux acteurs du Pays Basque Nord (Batera, Conseil de développement, CCI Bayonne Pays Basque, Biltzar…). Pourtant, le gouvernement français avait refusé de donner suite à cette proposition que les élus du territoire lui avaient suggérée en 2013. Il avait proposé d’examiner l’organisation institutionnelle du Pays Basque Nord dans le seul cadre de la réforme des intercommunalités adoptée en 2015 par le Parlement.

Si tout le monde s’accorde à reconnaître les avancées des politiques publiques permises par la CAPB depuis 2017, les débats sur son évolution pour améliorer la gouvernance et élargir son champ de compétences au domaine social notamment, se font jour. La référence à la métropole de Lyon est vue d’un bon œil par de nombreux acteurs regroupés autour de Batera, soucieux d’anticiper l’évolution institutionnelle de notre territoire. En quoi cette expérience peut-elle inspirer le Pays Basque Nord ? Regardons cela de près.
La métropole de Lyon : un accord politique à l’origine de la métropole
La métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015 dans le cadre la loi MATPAM du 27 janvier 2014. C’est une collectivité territoriale unique en France, créée par la fusion de la Communauté urbaine de Lyon et du Conseil général du Rhône sur les 58 communes qui composent le territoire du Grand Lyon (1,4 million d’habitants).
« La métropole de Lyon est une collectivité territoriale unique en France, créée par la fusion de la Communauté urbaine de Lyon et du Conseil général du Rhône sur les 58 communes qui composent le territoire du Grand Lyon (1,4 million d’habitants). »
L’accord politique scellé en 2012 entre Michel Mercier (président du Conseil général du Rhône) et Gérard Collomb (président du Grand Lyon) pour faire de l’agglomération Lyonnaise un territoire compétitif et dynamique à l’échelle européenne a été déterminant dans cette création. L’existence du modèle lyonnais basé sur la recherche de consensus pour affirmer la métropole de Lyon et l’avantage pour le département du Rhône de transférer à la métropole le musée des Confluences, qui lui coûte très cher, ont facilité cette création.
Des compétences très élargies combinant celles d’une intercommunalité et d’un département.
La métropole gère les compétences d’un département, à savoir l’action sociale (RSA, aide sociale à l’enfance, aide aux personnes âgées et handicapées, insertion professionnelle et sociale), la construction, l’entretien et la gestion des collèges, la protection maternelle et infantile et la santé publique. Au-delà, elle a les compétences issues de l’ancienne communauté urbaine, c’est-à-dire le développement économique, l’urbanisme et l’aménagement du territoire, l’habitat et le logement, les transports et les mobilités, la voirie et l’environnement. En outre, elle dispose de compétences spécifiques en matière de culture, de sport, de sécurité, de gestion d’équipement publics et de numérique. Elle a vocation aussi à développer des partenariats internationaux.
Elle disposait en 2024 d’un budget de 3,9 milliards d’euros (3,1 en fonctionnement et 0,8 en investissement) et de 9 400 agents.
Une gouvernance soucieuse de faire le lien avec les communes et les citoyens
La métropole de Lyon fonctionne avec un conseil de la métropole composé de 150 élu.e.s au scrutin de liste à deux tours dans 14 circonscriptions électorales. Ces élu.e.s sont regroupé.e.s dans dix groupes politiques. Le conseil de la métropole est l’organe qui prend les grandes décisions budgétaires et stratégiques. La présidence (actuellement Bruno Bernard, écologiste) exerce des pouvoirs exécutifs similaires à celles d’un(e) président(e) de département ou de région.

La loi reconnaît l’existence d’une assemblée de maires nommée conférence métropolitaine. Celle-ci regroupe les 58 maires de la métropole. C’est une instance de concertation et de coordination sur des sujets d’intérêt métropolitain. La conférence métropolitaine des maires rédige et vote au début de chaque mandat le pacte de cohérence métropolitain définissant le cadre et les modalités de mise en œuvre des politiques publiques au sein de la métropole. Elle est également saisie et concertée pour avis sur les projets de la métropole tels que le plan local d’urbanisme et de l’habitat, le plan climat-air-énergie territorial…
Il existe en outre des conférences territoriales des maires. Elles sont au nombre de dix et regroupent plusieurs communes qui partagent des problématiques semblables et cherchent à y répondre ensemble au travers des projets de territoire. Elles sont consultées pour avis lors de l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de la métropole.
Enfin, la mobilisation de la société civile se fait au travers du conseil de développement, instance de participation citoyenne.
Le cadre et les outils des politiques publiques de la métropole
La métropole de Lyon est tenue d’élaborer, dans un délai de neuf mois suivant le renouvellement du Conseil de métropole, un pacte de cohérence métropolitain entre elle et les communes situées sur son territoire. Il est adopté par la conférence métropolitaine des maires à la majorité qualifiée et arrêté par délibération du conseil de métropole, après consultation des conseils municipaux des communes du territoire.
Par ailleurs, les maires, au travers des conférences territoriales, ont la possibilité d’élaborer des projets de territoire pour lesquels des enveloppes financières sont prévues. Sur la période 2021/2026, 200 millions d’euros sont réservés à cette fin.
Quels enseignements ?
L’expérience de la métropole de Lyon est observée de près par le monde des collectivités. Si elle suscite des critiques de la part de certains élus locaux estimant une perte de pouvoir des maires dans les politiques de la métropole, personne ne souhaite revenir en arrière (cf le rapport d’information du Sénat de décembre 2022). Son statut particulier inspire même d’autres grandes agglomérations (Marseille, Lille, Toulouse). La métropole de Lyon est ainsi devenue un laboratoire qui peut inspirer les modes de gouvernance locale en France.
Au Pays Basque Nord, le modèle lyonnais se rapproche de l’accord politique établi en 2012 autour d’un projet de collectivité à statut particulier. La gestion des compétences sociales relevant du département et des compétences intercommunales par une instance unique peut créer les conditions d’une meilleure offre de services aux citoyens du territoire et d’une capacité à agir plus conséquente.
« Au Pays Basque Nord, le modèle lyonnais se rapproche de l’accord politique établi en 2012 autour d’un projet de collectivité à statut particulier. »
D’autre part, l’élection des élu.e.s au suffrage universel direct renforce leur légitimité et la volonté des électeurs s’en trouve mieux respectée. Si ce système ne permet pas la représentation de toutes les communes dans les instances décisionnelles – comme c’est le cas avec la CAPB –, la création de la conférence métropolitaine des maires permet de corriger cela. Il s’agit là d’un enjeu fort pour le Pays Basque Nord : l’évolution de la CAPB vers une collectivité à statut particulier demandera d’imaginer sa gouvernance avec une présence active des maires.
Enfin, la création d’une collectivité dotée de compétences élargies donnerait au territoire les moyens de peser dans les grands choix stratégiques transfrontaliers en coopération avec la Communauté autonome d’Euskadi, de la Navarre et de la Nouvelle-Aquitaine.
Cependant, si la création de la métropole de Lyon a été le résultat d’un accord politique scellé en haut lieu entre les présidents du département du Rhône et du Grand Lyon, les forces vives du territoire n’ont pas été associées. Gageons qu’en Iparralde, les réflexions engagées au sein de Batera créent les conditions pour un projet d’évolution institutionnelle partagé avec les élus et les citoyens du territoire.