Le PNV obtient le transfert de 20 compétences

L’affaire est à l’image de la tutelle sous laquelle le Pays Basque est maintenu. Pour obtenir la mise en œuvre quasi complète d’une loi organique votée par l’Espagne en 1979, il faut que six députés basques tiennent entre leur main la majorité qui permet à un parti espagnol dominant de gouverner et donc d’éviter une dissolution et des élections anticipées que, dans le contexte actuel, il serait sûr de perdre. Ce cas de figure ne se produit que très rarement, il vient d’avoir lieu le 15 octobre.
Déjà le 22 septembre, le PNV avait remporté la première manche en obtenant le transfert des politiques actives en matière d’emploi et des services sociaux maritimes (Enbata n°2147). La négociation s’est poursuivie durant presqu’un mois de plus, pour aboutir à un résultat inespéré. Une vingtaine de compétences seront transférées du pouvoir central espagnol à la Communauté autonome basque, dans les domaines suivants: transport maritime et fluvial, transport sur routes, validation des études et reconnaissance des études dans les cen-tres étrangers installés dans la CAV, ar-chives dépendant de l’Etat, exécution de la législation de l’Etat sur la propriété intellectuelle, enseignement de la religion da-ns le primaire, développement des services d’enseignement professionnels nautiques et de pêche. Au second semestre 2011, seront transférées les compétences sur le fond de garantie salariale, le crédit et la banque, le tourisme (agences de voyage, licence et inscription au registre d’activité), l’homologation des titres étrangers non universitaires, l’exécution de la législation sur les produits pharmaceutiques, la sécurité scolaire, les chemins de fer, les services privés de sécurité.

Ecofin et producteur
de neutrons en prime
Le gouvernement espagnol s’engage en outre à négocier en 2011 sept autres transferts: sur la gestion du régime de la sécurité sociale, la météo, les aéroports, les grands ports, le Centre d’études et d’expérimentation des travaux publics, le sauvetage maritime et l’administration institutionnelle du ministère de l’Industrie. A ce jour, il se refusait d’engager la moindre discussion sur le premier chapitre. Le principe sacro-saint de la caisse unique de sécurité sociale était opposée à la moindre demande de négociation. C’est la première fois que l’Espagne accepte de considérer qu’il s’agit d’une compétence négociable. Le seul chapitre qui soit demeuré hors de cette discussion est celui portant sur les prisons, une compétence hautement sensible et symbolique en Pays Basque.
Le PNV a en outre obtenu gain de cause sur des domaines ne figurant pas à l’époque du Statut de Gernika. Le gouvernement de Gasteiz aura une représentation au sein de l’Ecofin (1) et la relance des travaux de construction du TGV en Pays Basque a été garantie par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero qui envisageait il y a quelques se-maines un ralentissement des travaux à hauteur du quart de l’investissement prévu initialement et de 50% pour l’année 2010. La décision dé-cevra fortement les mouvements écologistes. Plusieurs autres projets considérables seront également mis en œuvre: la construction d’un producteur-accélérateur de neutrons en Bizkaia, le démarrage des travaux sur le nouveau port de Pasaia en Gipuzkoa et l’investissement de 112 millions d’euros dans divers domaines scientifiques et techniques en Pays Basque. Dernier point, le financement d’une étude pour le développement culturel et muséographique de l’estuaire d’Urdaibai (au nord de Gernika) classé par l’UNESCO comme Réserve de la biosphère et où la construction d’un deuxième musée Guggenheim est envisagée par la députation forale de Bizkaia (PNV). Ce projet se heurte à une forte opposition du gouvernement autonome socialiste et la «couleuvre» de ce financement est pour lui d’autant plus difficile à avaler.

Francisco Lopez ne demande rien
Le grand paradoxe de cet accord assez imprévu réside dans le fait qu’il est signé par un parti d’opposition sur le dos d’un gouvernement autonome qui ne demande rien… voire qui se montre réticent! (2) Certes, le Lehendakari Francisco Lopez a tenté de faire bonne figure en clamant qu’il était informé en temps réel de l’avancée des négociations entre les dirigeants du PSOE et le PNV, mais personne n’est dupe. Faute du soutien traditionnel des partis catalans ou galicien, Zapatero avait impérativement be-soin des voix des députés PNV pour sauver son gouvernement (3) et la formation d’Iñigo Urkullu a saisi cette occasion historique pour faire monter les enchères. Dès lors, Lopez n’avait plus qu’à se mettre au garde-à-vous.
Le hic est que le PNV ne tient vraiment son partenaire par le collet que pendant quelques semaines, le temps de la procédure du vote du budget de l’Etat espagnol par les Cortés. Au-delà, le PSOE tentera de trouver d’autres partenaires plus souples et moins gourmands. Aussi le négociateur du PNV, Josu Erkoreka député aux Cortés, est-il très méfiant, tant il craint à terme, un enterrement de première classe. En principe, ce serait au gouvernement autonome de suivre de près la mise en œuvre de tous ces transferts, sur le plan juridique, budgétaire, les mouvements de personnels, etc. Le PNV n’accorde évidemment aucune confiance au gouvernement socialiste basque dans cette affaire où ce dernier n’a ni la volonté ni les moyens de négocier quoi que ce soit avec Madrid. Josu Erkoreka redoute que le «Pays Basque perde demain le capital qu’aujourd’hui nous déposons entre les mains» de Lopez. Il était techniquement impossible de réaliser avant Noël tous les transferts signés entre les deux parties. Erkoreka a donc exigé la mise en place de deux instances bi-latérales dont font partie l’Etat espagnol et le Parti nationaliste basque: une première pour promouvoir un transfert rapide, une seconde pour suivre, évaluer leur mise en place, effectuer un travail de contrôle et «réduire les obstacles qui empêchent une stricte exécution».

S’engouffrer
par la porte entr’ouverte
L’accord ouvre la porte à des négociations sur le transfert de la Sécurité sociale dont le budget représente un «gros morceau». Le PNV compte bien s’engouffrer dans cette porte entr’ouverte par le PSOE et obtenir au moins une partie de cette compétence en 2011. Puisse le gouvernement socialiste espagnol demeurer aussi fragile le plus longtemps possible pour faire passer toutes les réformes économiques qu’exige de lui l’Union européenne.
Le transfert des compétences du pouvoir central vers la Communauté autonome est demeuré quasiment bloqué durant plus de 30 ans. Le verrouillage par Madrid débuta moins de deux ans après le vote du statut, avec le vote en 1981 de la LOAPA, la loi d’harmonisation des statuts d’autonomie, dont le but était de «décaféiner» le statut basque. Quelques rares transferts eurent lieu ensuite au compte-goutte, en fonction des besoins aux Cortés du parti espagnol au pouvoir. José Maria Aznar accorda quelques miettes sur le Cupo (pouvoir fiscal) puis le transfert de la compétence sur l’autoroute A-8. En 2009, Zapatero accepta en se faisant fortement tirer l’oreille et après une bataille homérique, le transfert des compétences en matière de Recherche et de développement.

Les deux préoccupations socialistes
La négociation qui vient d’avoir lieu a duré plusieurs mois. Josu Erkoreka qualifie les derniers jours de «frénétiques», tant les téléphones portables entre Zapatero, Urkullu et leurs équipes respectives, furent soumis à rude épreuve. La vox populi rapporte que la fumée émanait parfois des écouteurs, tant ils étaient chauffés à blanc! Aux dires du PNV, la contrepartie basque ne porte que sur le vote du budget 2011 de l’Etat espagnol. Les deux grandes préoccupations des socialistes étaient les suivantes: ne pas donner trop d’arguments au PP en donnant l’impression d’un pouvoir usé et affaibli, cédant trop face aux exigences des Basques et éviter de nuire à l’image d’un Lehendakari socialiste complètement out, qui depuis Gasteiz, se contentait de regarder passer les trains.
Il est si rare que David tienne Goliath. Le PNV n’a pu obtenir le 15 octobre qu’une partie de ce que la jeune démocratie espagnole avait gravé avec lui dans le marbre de la loi il y a trente ans. Ainsi va l’existence des petits peuples dominés, dépourvus du seul pouvoir qui vaille aujourd’hui, la souveraineté.

(1) Le conseil ECOFIN (ECOnomic and FINancial Affairs Council, en anglais) exerce le pouvoir législatif en matière économique et financière, dans certains cas en codécision avec le Parlement européen: le marché intérieur, la libre prestation des services, la protection du consommateur et les mesures liées à l’établissement de statistiques. Il examine actuellement un important dossier sur le contrôle des fonds spéculatifs à haut risque (hedge funds).
(2) Il y a quelques semaines, Lopez déclarait qu’il n’accepterait pas «les excès dans le transfert de la compétence des politiques actives en matière d’emploi». A cette occasion, quelques bonnes âmes lui ont gentiment rafraîchi la mémoire: le programme des socialistes en 1980 réclamait le transfert intégral du budget de la sécurité sociale.
(3) Il a également fait appel aux voix des députés de la Coalition canarienne qui ont obtenu pour leur archipel le transfert des politiques actives en faveur de l’emploi et des compétences sur la gestion de l’eau.

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