Palestine : la fin du paradigme des deux Etats

D’un point de vue israélien, le conflit palestinien est presque réglé: les habitants de Gaza croupissent dans leur prison à ciel ouvert alors que les habitants du bantoustan de Cisjordanie sont re-poussés au-delà d’un mur de 730km de long et administrés par un régime corrompu et collaborationniste. Beaucoup s’insurgent contre le sort réservé aux Palestiniens, mais qui s’en soucie? Les Etats-Unis maintiennent leur soutien politique et financier (3 milliards de dollars par an, soit environ 20% du budget total de leur aide à l’étranger) et l’Union européenne, premier partenaire commercial d’Israël, lui a confirmé son statut de «partenaire privilégié» («Israël est membre de l’UE sans être membre de ses institutions» résume Javier Solana). Enfin, les déclarations antisémites nauséabondes des grands pays arabes masquent mal leur complicité de fait avec l’Etat hébreu…
Englués dans cette configuration, les Palestiniens peuvent envisager trois scénarios. Le premier est la signature d’un accord de paix en 2011. Ce serait de loin la pire solution. Plus faible que jamais, l’Autorité palestinienne ne pourra espérer que ce que Benjamin Netanyahu daignera lui accorder, soit tout au plus «un Etat palestinien démilitarisé, sans contrôle sur son espace aérien et son champ électromagnétique, et sans le pouvoir de signer des traités ni de contrôler ses frontières». Comment imaginer en effet que Mahmoud Abbas fasse plier Netanyahu alors que ce dernier vient d’humilier Obama en lui refusant un gel de 90 jours sur la colonisation en échange d’un veto systématique des Etats-Unis contre toute résolution anti-israélienne à l’ONU et de 20 avions de combat F-35?

Solution à un seul Etat
Devant le refus de Netanyahu de geler la colonisation, l’Autorité palestinienne ne devrait même pas envisager la poursuite des négociations —ce serait en effet se situer en deçà des exigences américaines! Il n’est pas sûr que M. Abbas ait la dignité de s’en tenir à cette ligne, mais on ne peut pas non plus écarter qu’il mette en application le projet de son Premier ministre Salam Fayyad de déclarer un Etat palestinien en 2011. Un Etat que le Brésil, l’Uruguay, l’Argentine et la Bolivie viennent par ailleurs de reconnaître dans ses frontières de 1967 (bande de Gaza, Cisjordanie et Jérusalem Est). Reconnu par 106 pays (sur 192), la légitimité de cet Etat devrait dépasser de loin celle du Kosovo qui n’est reconnu que par un groupe de 72 pays dont l’importance démographique est environ cinq fois moindre. Pourtant, c’est la Palestine, plus que le Kosovo qui fait aujourd’hui figure de chimère politique! Il y a malheureusement fort à parier que cette situation n’évolue guère puisque la Chambre des représentants américaine vient d’adopter —à l’unanimité!!!— une résolution appelant à «refuser la reconnaissance de tout Etat palestinien déclaré unilatéralement et à bloquer toute résolution du Conseil de sécurité pour établir ou reconnaître un Etat palestinien en dehors d’un accord négocié par les deux parties».
Cet échec prévisible du scénario «unilatéral» devrait définitivement enterrer la «solution à deux Etats» qui a servi de référence unique ces dernières décennies. Déjà peu évidente lors des Accords d’Oslo en 1993, la viabilité d’un hypothétique Etat Palestinien semble aujourd’hui hors de portée: on dénombrait 270.000 colons en 1993 contre 490.000 aujourd’hui; l’expulsion des Arabes de Jérusalem Est s’accélère (selon l’ONU, 396 immeubles ont été rasés en 2010 contre 275 l’an dernier); le mur de séparation prive les Palestiniens de l’accès à de nombreuses ressources (terres agricoles, eau), etc. La député arabe israélienne Haneen Zoabi estime donc que «la réalité va plutôt dans le sens d’une solution à un seul Etat […] Nous luttons pour un Etat normal pour tous ses citoyens et dans lequel les Palestiniens et les Juifs israéliens seraient complètement égaux».

Système d’apartheid
Cette perspective explique probablement les nombreuses crispations racistes observées en Israël à l’encontre des 1,3 millions d’Arabes israéliens: manifestations anti-arabes, lettre de 300 rabbins interdisant de louer des maisons à des «non juifs» ou autorisation de villages communaux interdits aux Arabes (les Juifs israéliens «devraient avoir le droit de vivre dans une communauté où ils ne sont pas menacés par le mariage intercommunautaire ou la perspective de devenir une minorité culturelle ou religieuse» estime à ce sujet le Jerusalem Post). C’est dans le même registre que s’inscrit l’exigence de Netanyahu que les Palestiniens reconnaissent Israël comme l’Etat du peuple juif ou le «serment de loyauté à un Etat juif et démocratique» exigé aux candidats non juifs à la nationalité israélienne ainsi qu’aux associations. Haaretz rapportait récemment que la Knesset a voté 21 projets de loi discriminatoires à l’égard des arabes en 2010, contre 12 en 2009 et 11 en 2008.
Selon Mustafa Barghouti, «un système d’apartheid contre les Palestiniens est devenu une norme acceptable en Israël». Les plus hauts dirigeants n’hésitent pas à prôner ouvertement une politique de nettoyage ethnique. «La bonne approche n’est pas la paix contre les territoires mais l’échange de territoire et de populations» estime ainsi le ministre des Affaires Etrangères Avigdor Lieberman. Son objectif est de priver «au moins la moitié» des Arabes israéliens de leur nationalité, une mesure qu’il estime démocratique malgré l’opposition des concernés: «La minorité arabe représente 20% de la population; 80% est juive. Parmi ces 80%, 70% sont d’accord avec cette idée». Cette évolution vers un régime d’apartheid assumé coïncidant avec l’abandon de la solution «à deux Etats» pourrait bien fédérer les forces palestiniennes autour d’une nouvelle forme de lutte pour l’égalité des droits à laquelle les Etats-Unis auraient plus de mal à s’opposer. Netanyahu pourrait alors cesser de se vanter d’avoir «assommé les accords d’Oslo».

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