
Malgré des décennies d’efforts militants acharnés, l’euskara en Iparralde demeure une langue en sursis. Un sursaut, mieux, un grand bond en avant est nécessaire en renforçant les compétences et moyens financiers de la CAPB en matière de politique linguistique.
En Iparralde, un tout petit peu plus de 20% de la population maîtrise l’euskara. Mais les occasions de l’utiliser sont rares et trop souvent, elle reste cantonnée au milieu scolaire, sans parvenir à trouver sa place dans l’espace public au quotidien. Pour faire face à cette fragilité structurelle, des moyens massifs sont nécessaires dès maintenant. Le tissu associatif qui tient à bout de bras depuis des décennies avec des salarié·es pour la plupart sous-payé·es et des bénévoles qui en donnent toujours plus est en droit d’attendre un nouvel acte dans les politiques publiques.
Une langue en sursis
La situation est préoccupante. Les efforts de ces dernières années ont permis une accalmie sur la perte de locuteurs en valeur absolue. Mais l’afflux de population sur notre territoire toujours plus attractif n’encourage pas à l’optimisme. En effet, le pourcentage de locuteurs stagne ou régresse. Alors que l’UNESCO estime qu’une langue doit atteindre 30% de locuteurs pour la considérer comme sauvegardée, le chemin est encore long pour atteindre cet objectif en Iparralde.
Le principe même de “compétences partagées” entre la CAPB, le Département, la Région et l’État a permis la création de l’Office public de la langue basque (OPLB). Et cet éclatement multi-niveaux avait un sens : croiser les moyens, additionner les expertises, articuler les politiques publiques ou encore mutualiser les responsabilités. Après un long processus de définition des besoins, l’OPLB et les acteurs d’Euskalgintza ont pu quantifier l’effort financier nécessaire pour passer un saut qualitatif d’ici à 2050. Malheureusement, à l’heure des coupes budgétaires, le Département, la Région et l’Etat ont clairement annoncé qu’ils ne répondraient pas à ce niveau d’ambition. Seule la CAPB, institution du territoire, est au rendez-vous. Ce déséquilibre fragilise tout le dispositif. L’euskara mérite mieux qu’un engagement partiel : il a besoin d’un véritable sursaut collectif.
Maintenir et relancer l’OPLB
Lors d’un rassemblement, la démission de la présidente de l’OPLB a été demandée car elle représente le Département. Mais plus que Maider Behoteguy, n’est-ce pas l’institution départementale elle-même qui s’auto disqualifie en n’assurant pas les moyens nécessaires à la sauvegarde de ce patrimoine linguistique ?
L’OPLB reste l’outil commun, celui qui permet de penser la politique linguistique de manière cohérente à l’échelle du territoire. Mais il faut lui redonner une impulsion forte. Car aujourd’hui, l’inertie institutionnelle se paye au prix fort et pourtant nous n’avons plus de temps à perdre. L’horloge défile et chaque rentrée scolaire sans moyens supplémentaires est une occasion manquée pour inverser la tendance. On ne sauvera pas une langue millénaire avec de belles paroles. Il faut des moyens, stables et pérennes.
« Aujourd’hui l’intertie institutionnelle se paye au prix fort.
On ne sauvera pas une langue millénaire avec de belles paroles. »
N’est-il pas temps de se poser la question de la répartition de cette compétence ? Autrement dit, l’Etat français qui a bien besoin d’un choc de simplification de son mille-feuille institutionnel, aurait tout intérêt à réellement décentraliser cette compétence. Une CAPB au pilotage politique d’un Office Public renforcé et qui joue pleinement son rôle de bras armé opérationnel de la politique linguistique. Cela suppose de récupérer pleinement la compétence aujourd’hui morcelée et bien sûr les moyens qui vont avec. Activer le droit à la différenciation en fléchant les dotations nécessaires à l’exercice de cette compétence pourrait être une piste sérieuse.
Compétences partagées, responsabilités diluées
Cette question de compétences partagées dépasse l’euskara. Prenons l’exemple du tourisme. La CAPB a adopté une stratégie courageuse : sortir du tout-promotion, inventer un tourisme plus résilient, respectueux du territoire et de ses habitants, qui étale la fréquentation sur l’année et sur l’ensemble du Pays Basque. Mais dans le même temps, l’Agence départementale du tourisme (ADT64) vient de lancer une campagne de communication pour « ajouter des basquismes : une façon de rester en vacances en saupoudrant les expressions françaises de piment d’Espelette ». Là encore, la logique de compétence partagée perd son sens si chacun tire dans une direction différente.
Il est temps d’en tirer les leçons : qu’il s’agisse de sauver une langue millénaire ou de penser un tourisme durable, les décisions prises au plus proches des habitants s’avèrent les plus pertinentes. C’est cette cohérence qui fait aujourd’hui défaut. Et sans elle, les plus beaux discours resteront des slogans creux.