Un ouvrage de l’historien Alexandre Dupont révèle des aspects peu connus du mouvement carliste à la fin du XIXe siècle, l’importance de son impact en Iparralde sur fond de difficultés rencontrées par l’État français pour mettre en œuvre ses pouvoirs régaliens. En écho avec l’histoire récente de notre pays, cette approche intéressera vivement le lecteur basque d’aujourd’hui.
Un gros ouvrage issu de dix ans de recherches présente comment un mouvement politique européen, une «internationale blanche», a organisé la solidarité pour soutenir les carlistes, durant leur deuxième guerre contre le pouvoir central espagnol (1872-1876). Son théâtre d’opération se situe quasi exclusivement en Pays Basque et en Catalogne, là où quelques années plus tard, émergent les mouvements nationalitaires que l’on sait. Les deux régions présentent la caractéristique d’être transfrontalières, d’où un impact important du carlisme en Catalogne Nord et en Iparralde.
L’objet essentiel du livre ne porte pas sur le carlisme et ses guerres, mais sur le mouvement qu’il a suscité auprès des catholiques et royalistes, y compris la Papauté, malgré l’opposition du gouvernement français face à cette «internationale blanche». Plus qu’une guerre civile espagnole, cette guerre carliste est d‘abord internationale, elle concerne et mobilise toutes les puissances européennes et au-delà. L’histoire de ce mouvement catholique, monarchiste et conservateur est celle d’un échec. D’où le fait que dans l’historiographie, la contre-révolution demeure un angle mort relativement peu étudié. La fâcheuse tendance des historiens à prendre les États-nations modernes pour cadres de travail exclusifs de leurs recherches a fait le reste.
L’intérêt du travail d’Alexandre Dupont est de réintroduire les vaincus dans l’histoire de notre continent, mais aussi de repenser l’action politique et l’engagement, au prisme d’une lecture sociale de la politisation. Le contexte insurrectionnel de cette guerre conduit à des pratiques relevant de l’illégalité, de la dissidence et du banditisme social. Les carlistes et l’internationale blanche sont confrontés à la répression des États français et espagnol et il est impératif pour eux d’adapter leur action en fonction de cette répression. Durant cette meurtrière confrontation où malgré tout, ils estiment avoir des chances de vaincre, il leur faut mettre en place des stratégies d’accommodement, de contournement et de résistance. Les carlistes tenteront de constituer un embryon de gouvernement et d’État dans les zones libérées en Catalogne et en Pays Basque, mais la reconnaissance du statut de belligérant est refusée aux insurgés par l’Espagne et par la France, avec des conséquences considérables en termes juridiques, politiques, diplomatiques et militaires.
Le comité carliste de Bayonne, pivot de la base arrière
Ces années de conflit se déroulent dans un contexte particulier, celui du renforcement des Etats et de leur administration, à un moment où les frontières demeurent encore peu prégnantes. L’émergence et la construction d’un sentiment national unissant les habitants des territoires contrôlés par ces États, la politisation de la population au sein d’un espace public normé et défini par les élites, sont encore bien faibles.
Tout cela fait largement écho dans l’oreille du lecteur abertzale d’aujourd’hui. Grâce à un travail d’archives proprement colossal parce que multi-national, Alexandre Dupont parvient à reconstituer des pans entiers de notre histoire, à partir de fragments émanant aussi bien des soutiens aux carlistes que des autorités qui cherchent à les combattre. N’en n’ayant pas la compétence, nous ne ferons pas ici le compte rendu critique et exhaustif de cet ouvrage à nos yeux exceptionnel. Nous signalerons simplement quelques chapitres relatifs à Iparralde. Ceux qui en 2006 ont vu au Musée Basque de Bayonne l’exposition du Musée Zumalakarregi «A mis amigos de la frontera», se souviennent de l’importance des relais carlistes à Bayonne. Alexandre Dupont explore à son tour le rôle central du comité carliste bayonnais, tant pour le transport des armes en contrebande et le passage des volontaires venus de toute l’Europe, que pour la fabrication de faux papiers, la propagande, l’accueil des permissionnaires, des réfugiés ou des blessés. Ce comité n’est pas le seul, plusieurs sont actifs tout le long de la frontière, en particulier en Catalogne Nord.
Alexandre Dupont.
La guerre entraîne une crise diplomatique entre l’Espagne et la France. Les autorités madrilènes se plaignent du manque de célérité des fonctionnaires français chargés de réprimer, ils seraient complices ou soutiendraient tacitement le camp conservateur. Les consuls espagnols envoient des observateurs pour surveiller la frontière, ils se font attaquer. Les carlistes dénoncent la répression par voie de presse. Le marquis de Nadaillac, préfet du département, est dans l’œil du cyclone : il est accusé par les diplomates espagnols de refuser d’interner le prétendant carliste Don Carlos rentré en France ou de ne pas vouloir diligenter une enquête sur les magasins d’uniformes carlistes à Bayonne ; pire, de laisser passer des voitures de munitions en Espagne. En réalité, confronté à une population basque pro-carliste, le préfet modère son action pour maintenir le calme.
La frontière, obstacle et ressource
Au début de la deuxième guerre carliste, l’établissement définitif de la frontière franco-espagnole n’a que quelques années et son tracé a fait l’objet de trois traités définitivement entérinés par un accord en 1868. L’État tente à ce moment-là de se donner l’image d’une puissance s’exerçant uniformément sur toutes les parties du territoire qu’il contrôle. Or, ce n’est guère le cas à un moment où, pour l’un des belligérants, la frontière est une ressource permettant d’accéder à une zone de refuge. La présence d’une base arrière des territoires conquis par les carlistes conditionne largement la guerre. Les régions de Bayonne et de Perpignan passent pour des villes de permission, des «centres de conspiration, des refuges, des nœuds de communication avec le reste du monde», écrit un journaliste carliste.
Animé par la volonté d’isoler, de sanctuariser la région, la France réorganise ses troupes pour garantir l’inviolabilité de son territoire. En réalité, elle n’en a pas vraiment les moyens. Cela exigerait un formidable déploiement de forces et elle est confrontée à des populations qui connaissent parfaitement le terrain et sont impliquées dans des «sociabilités transfrontalières» très anciennes. Elles supposent connaissances techniques, tactiques et recours à la clandestinité. Les passeurs et leurs réseaux jouent ici un rôle central. La situation en Pays Basque est encore plus facile : un embryon d’État carliste contrôle une bonne partie de la Navarre et du Gipuzkoa. À Ainhoa par exemple, les voitures passent, le commissaire français qui a été acheté fait semblant de contrôler les passeports. Convictions politiques et intérêts économiques s’entremêlent, la solidarité pro-carliste de la population d’Iparralde remet en cause l’homogénéité de la réponse de l’État.
Don Carlos, prétendant carliste.
Celui-ci met en place des mesures d‘internement des réfugiés et d’assignation à résidence dans des villes situées au centre de la France. Nombreux sont ceux qui s’en évadent pour repartir au combat. À cette époque, les mesures d’expulsion et de gestion des réfugiés ne sont pas soumises au domaine judiciaire. Le statut de réfugié manque de clarté dans sa définition même, il y a nécessité d’interner les réfugiés sur preuves et une dizaine d’instances décisionnelles gouvernementales interviennent, d’où un imbroglio dont profitent les carlistes. Ces derniers jouent beaucoup sur les délais et mettent en œuvre des pratiques de transaction et de négociation avec l’autorité. L’intervention des populations locales aussi bien en Iparralde qu’en Catalogne Nord, comme le recours à la presse, sont décisifs. Les autorités sont un peu dépassées face à une solidarité transnationale, les outils de la répression «se voient contournés ou subvertis par les acteurs», note Alexandre Dupont.
La capacité des carlistes à échapper aux mesures d’internement montre combien l’État est faible, en cette fin du XIXe siècle, il ne parvient guère à appliquer la loi sur le territoire où il prétend exercer le monopole de la violence légitime. Il est alors en cours de rationalisation administrative, «les limites mises à l’intrusion des agents de l’État dans le cercle privé des individus sont le résultat de l’émergence progressive d’un État de droit».
Soutien des populations locales et sentiment national
En Iparralde, le soutien populaire au carlisme questionne la diffusion du sentiment national des populations dont on connaît l’identité culturelle et les résistances larvées à l’État. Elles passent par des pratiques de «banditisme social», l’insurrection carliste réactive cette résistance par la déstabilisation de l’espace frontalier. En septembre 1876, un rapport du consul de France en poste à Donostia adressé au ministère de l’Intérieur, affirme qu’il «serait prudent de franciser davantage nos Basques du département des Basses-Pyrénées qui pour la plupart ne parlent pas le français, mais seulement le basque et quelquefois l’espagnol et dont toutes les sympathies sont étroitement liées à celles de leurs frères de race d’Espagne». Ce document reflète les limites de la construction des Etats-nations. Le contexte économique et social va dans le même sens. Selon un historien américain, les habitants d’Iparralde considèrent alors que l’État nie leurs intérêts économiques qui sont dépendants du commerce transfrontalier.
Entouré de sa garde rapprochée, Santa Cruz, un des chefs militaire de la seconde guerre carliste.
Le tracé de la frontière est en cours et l’espace pyrénéen correspond à une société de frontières, avec des caractéristiques propres en termes d’organisation socio-économique et de sentiments d’appartenance. Conflits et négociations se font de vallée à vallée (cf les traités ancestraux des lies et faceries), la frontière n’est pas un obstacle infranchissable, mais une zone intéressante commercialement. Les populations via leurs élus font donc pression sur l’État pour qu’il négocie avec les carlistes installés en Hegoalde. Scénario compliqué parce que la France refuse de reconnaître le pouvoir des rebelles. La guerre apparaît ainsi pour les peuples frontaliers comme une occasion de récupérer des marges de manœuvre face aux États. A l’inverse, la guerre constitue pour les autorités une opportunité pour renforcer leur pouvoir sur la frontière, un laboratoire afin de construire des outils de contrôle, à une époque où le passeport n’est pas en usage.
Les populations désirent préserver leur vieille organisation transfrontalière. Or les carlistes abaissent les droits de douane lorsqu’ils contrôlent la frontière et favorisent la contrebande. Maires et fonctionnaires locaux souhaitent préserver la stabilité et les équilibres, ils entendent les réclamations des frontaliers et ils transigent ou freinent les décisions édictées par Paris. Les choix des élus en faveur des carlistes ne sont pas contradictoires, ils sont même compatibles avec leur soutien officiel de la majorité au pouvoir en France… Les comportements politiques sont complexes, ils ne suivent pas une rationalité rigoureuse, à plus forte raison perçue a posteriori. Selon un rapport de la préfecture de police, le maire de Biarritz, le sous préfet de Bayonne, le chef des bureaux de la sous-préfecture, le commissaire de police, tous collaborent avec les carlistes et seraient vendus à la rébellion. Du fait du recrutement local de la fonction publique, ils sont issus d’un monde frontalier plutôt favorable au carlisme. En 1872, le maire de Ciboure refuse, faute de moyens, d’interner les nombreux carlistes présents dans sa commune, mais surtout parce que la population leur est favorable. Le 14 avril 1873, vingt-six élus de St-Jean-de-Luz, Ciboure, Urrugne, Hendaye, Biriatou, Ascain, Senpere, Ainhoa, Sare et Guéthary, écrivent une lettre au président de la République. Ils protestent contre la politique d’internement des carlistes qui «fournissent des bras pour l’agriculture, des marins pour nos barques de pêche, et l’été des baigneurs qui, en échange de la santé, laissent à nos pauvres populations les moyens de supporter les rigueurs et les chômages forcés de l’hiver». Deux conseillers généraux basques interviennent dans le même sens lors d’une séance en 1871. L’engagement de ces élus résulte d’une collusion entre intérêts personnels, convictions politiques et souci des populations qu’il convient de préserver des effets de la guerre.
Le carlisme de la population d’Iparralde se montre au grand jour et scandalise le gouverneur du Gipuzkoa. Le soutien affiché lors d’une fête d’école à Ciboure en 1872 frise l’incident diplomatique. Le vice-consulat de Saint-Jean-de-Luz est attaqué deux fois, l’écusson aux armes de l’Espagne est arraché. Les Luziens offrent trois cents lits pour héberger les réfugiés, ils fournissent nourriture et voitures. La gendarmerie use de la force pour empêcher la foule d’apporter charpie, vêtements, draps et rafraîchissements aux soldats.
D’autres incidents publics, de multiples manifestations privées, une politisation structurée en réseaux pour favoriser toute une logistique avec le passage des hommes, de matériel et d’argent, des prise de position en chaire de la part du clergé, montrent que le Pays Basque nord se caractérise par un ample mouvement socio-politique en faveur des carlistes. Cette mobilisation transfrontalière illustre les capacités d’adaptation de populations périphériques qui défendent leur avenir en investissant leurs revendications dans le combat carliste, note l’historien Alexandre Dupont.
En revanche, le Béarn ne se sent pas concerné par cette affaire, l’indifférence y est quasi générale.
Age d’or de la contrebande
La pratique de la contrebande mobilise largement les populations frontalières. Elle questionne le rapport entre politique, illégalité et tradition. Le droit international ne s’applique pas à ce conflit. Les carlistes sont donc obligés de recourir à une contrebande massive car ils ne peuvent pas fabriquer d’armes, l’Espagne étant soumise à un embargo. La non reconnaissance diplomatique de la belligérance carliste réduit le mouvement à une simple révolte, alors que le gouvernement de Madrid peut recevoir armes et soutiens en tous genres.
Pas moins de 28 postes de douane maillent la frontière de Larrau à Hendaye. Les autorités franco-espagnoles sont en désaccord sur les mesures à prendre, les carlistes en profitent. Le contrôle carliste d’une partie de la frontière en Hegoalde devient un avantage puisqu’il supprime la moitié du contrôle douanier.
L’adhésion des populations au carlisme vient d’une inquiétude face à la déstructuration de leurs communautés traditionnelles par l’irruption du libéralisme et de l’État. Leur système agro-sylvo-pastoral qui vient du fond des âges est menacé par la répression de la contrebande, d’où une défiance des populations. Chaque habitant est, sinon un contrebandier, du moins un soutien en puissance de la contrebande, constate un général chargé de la répression et qui avoue son inefficacité. La société transfrontalière se mobilise et fait profiter l’internationale blanche de ses savoirs, de sa connaissance du terrain et de ses structures propres, aussi bien par voies terrestres que maritimes. Quelques affaires retentissantes et leurs prolongements judiciaires donnent un aperçu de l’ampleur du phénomène. La figure du bandit social, symbole d’une société paysanne en résistance contre les structures étatiques prend de l’épaisseur, dans un pays où la contrebande constitue depuis longtemps une prérogative des habitants et un commerce aussi passionnant que lucratif.
Alors se produit en cette fin du XIXe siècle la rencontre entre deux univers en contact : celui des carlistes, légitimistes provenant de l’aristocratie européenne qui apprennent l’illégalité et la clandestinité ; et celui de couches populaires qui s’approprient le discours politique du carlisme. Le rôle de ces dernières «désorganise le contrôle des Etats sur leurs territoires et leurs relations diplomatiques ; dès lors la contrebande, pratique traditionnelle du banditisme social, acquiert une tout autre signification, beaucoup plus politique et subversive», conclut Alexandre Dupont.
Après-guerre
A la fin du conflit en 1876, on estime à vingt mille le nombre de réfugiés qui franchissent la frontière, environ douze mille par Saint-Jean-Pied-de-Port. Nombre d’entre eux partiront en Algérie où la France favorise l’installation d’une colonie de peuplement. Le soutien au carlisme de la part des populations frontalières va assez rapidement s’éteindre, malgré les velléités des prétendants carlistes pour relancer le conflit. Basques et Catalans détourneront en partie leurs soutiens afin de répondre à leurs attentes politiques. Ils continueront à défendre leurs revendications par d’autres voies dont l’une aboutit, dans les dernières années du siècle, à l’émergence des nationalismes catalans et basques.
Ayant fait le choix pour Enbata de centrer ce compte-rendu sur les aspects de l’ouvrage d’Alexandre Dupont qui concernent Iparralde, de nombreux chapitres et non des moindres ne sont pas abordés ici. Certains sont surprenants, comme par exemple la déchéance de nationalité que l’État français veut infliger à ses ressortissants carlistes, partis se battre dans un pays étranger. Comme quoi l’histoire bégaie.
Ce livre réécrit l’histoire de la fabrique des Etats contemporains à rebours de leur présentation comme une réalité achevée et incontestée au XIXe siècle. Le tableau qu’il révèle de notre société en particulier en Iparralde, montre combien l’histoire des idées et celle des conflits armés travaillent en profondeur notre pays. Sa recherche de solutions politiques afin de survivre avec ses spécificités, demeure une constante de notre histoire. Les évènements et les comportements à l’œuvre il y a un siècle et demi en Iparralde, perçus avec les yeux d’aujourd’hui et au prisme de l’actualité ou de l’histoire récente, prennent un singulier relief.
+ Alexandre Dupont, Une internationale blanche, Histoire d’une mobilisation royaliste entre France et Espagne dans les années 1870, Editions de la Sorbonne, 422 p., 2020, 25 e.
Bonnes feuilles
Voici un extrait de la conclusion du livre d’Alexandre Dupont. Il offre un brillant éclairage pour comprendre le Pays Basque d’hier et d’aujourd’hui.
La définition d’un espace politique pacifié au sein d’un Etat, dépositaire de la légitimité du débat d’idées, n’est pas complètement achevée dans les années 1870. Le recours à la violence et à la guerre civile en est un signe indéniable. Plus généralement, l’État contemporain se situe à un moment clé de sa constitution. Quoique doté du monopole de la violence légitime, il ne possède pas encore les dispositifs lui permettant de concrétiser ce monopole. Cet état de fait multiplie les formes et les espaces possibles du politique. De là découle aussi l’inventivité dont l’aide au carlisme est le laboratoire. Sur une scène où le parti n’est qu’une forme politique parmi d’autres, il est possible de s’engager autrement. L’attitude des populations pyrénéennes dans le conflit est au croisement de ces réalités. Basques et Catalans ne sont pas des paysans dont il faut faire des Français ou des Espagnols. Ce sont des acteurs de communautés transfrontalières dont la réalité quotidienne s’organise à l’échelle locale. Là, dans ces marges territoriales, les Etats ne commencent à faire irruption qu’au milieu du siècle. Leur emprise se limite longtemps au maintien de l’ordre : l’État c’est le gendarme, le douanier ou le soldat. Le siècle passant, cette emprise se fait socio-économique. Les autorités prétendent contrôler le territoire, les personnes et les activités. Une société montagnarde, autonome quant à sa production et à son organisation, transfrontalière par ses circulations et ses processus de socialisation, est sommée d’entrer dans un nouveau rapport à l’État. Il ne s’agit plus de cohabitation, mais de subordination. Dans le même temps, les cadres du dialogue entre ces communautés locales et l’État sont déstructurés par l’émergence d’une scène nationale du politique avec ses codes, ses normes et ses pratiques. La dissidence des contrebandiers, des passeurs, des bandits sociaux désigne des pratiques illégales dont la dimension politique ne peut être comprise par l’État —si tenté qu’elle ait jamais pu l’être. Le discours politique porté par les Pyrénéens n’est plus audible. Alors, Basques et Catalans investissent la contre-révolution. Cette culture politique ne pourrait-elle pas être le véhicule des revendications de ces communautés ? Aider Don Carlos à reprendre le pouvoir, ne serait-ce pas se donner une chance de préserver les cadres traditionnels du quotidien, d’éloigner l’Etat du village ? La mobilisation transfrontalière des Basques et des Catalans dit quelque chose du destin de ces populations. L’émergence des nationalismes périphériques dans l’Espagne de la fin du XIXe siècle est une réponse au défi posé par l’évolution de l’État. Sur le fond, ces nationalismes sont une réponse radicale à l’intromission de l’État dans la vie des communautés. Sur la forme, le discours nationaliste rend audible le message d’autonomie dans l’espace national du politique. La guerre carliste est un maillon pour comprendre comment l’on passe d’une pensée du politique à l’échelle de la frontière, à la volonté de faire de cet espace local une scène nationale. Alexandre Dupont, Une internationale blanche, Histoire d’une mobilisation royaliste entre France et Espagne dans les années 1870, pages 330-33
L’ouvrage d’Alexandre Dupont.
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