Autonomie de la Corse : où en est le processus ?

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La démarche corse s’enlise quelque peu, en partie victime de l’absence de majorité gouvernementale. Le média Corse Via Stella fait ici le point sur les prochaines étapes. Enfin, le 2 août, François Alfonsi, ex-député européen et leader abertzale corse a publié l’analyse de la bataille en cours replacée dans une perspective historique depuis l’affaire d’Aleria (22/08/1975), acte de naissance du nationalisme corse.

Le 30 juillet dernier, le Conseil des ministres a validé le projet de loi constitutionnelle « pour une Corse autonome au sein de la République ». Une étape décisive mais qui n’efface pas certaines oppositions. C’est le début d’un parcours qui s’annonce encore long.

Première étape : le Sénat à la mi-octobre dans une chambre dominée par la droite et qui devrait largement amender le texte. Gérard Larcher, président du Sénat et patron des Républicains, avait écrit au Premier ministre François Bayrou pour lui demander de suivre les recommandations du Conseil d’État. Dans son avis finalement non retenu par le gouvernement, l’institution recommandait notamment de revoir des notions sensibles, comme celle de « communauté corse » ou de « lien singulier à la terre« .
Deuxième étape, mi-novembre : l’Assemblée nationale. Là aussi, le texte sera débattu, mais dans un contexte probablement un peu plus favorable ; encore faut-il que le gouvernement Bayrou reste en place. La rentrée de septembre s’annonce compliquée. Et si le Premier ministre est censuré par l’Assemblée, rien n’assure que le gouvernement suivant reprendra les travaux où ils en étaient.

La possibilité d’un référendum

Si jamais le projet de loi parvient à éviter ces écueils et à être voté, le président de la République convoquera à Versailles le Parlement réuni en Congrès. Pour passer, le « oui » devra rassembler plus des 3/5 des voix du Sénat et de l’Assemblée nationale réunis. Autre question en suspens, l’éventualité d’une consultation locale. Un référendum à l’échelle de la Corse est toujours réclamé par la droite et l’extrême droite insulaires.
Si le texte survit à toutes ces étapes, Emmanuel Macron sera finalement tenu de promulguer la loi modifiant la Constitution et entérinant l’autonomie de la Corse. S’ouvrira ensuite un autre combat, l’écriture d’une loi organique définissant les contours de cette autonomie.

50 ans après Aleria
Enfin l’autonomie pour la Corse ?

Le 2 août, François Alfonsi, ex-député européen et leader abertzale corse a publié l’analyse suivante de la bataille en cours replacée dans une perspective historique depuis l’affaire d’Aleria, acte de naissance du nationalisme corse.

Ce 30 juillet 2025 a lancé une grande bataille politique. Le gouvernement, saisi par le ministre François Rebsamen, a annoncé le projet de réforme constitutionnelle que le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, va soumettre au Parlement. Déjà, le débat fait rage, et une issue favorable pour cette réforme constitutionnelle reste incertaine.
Lors de ces votes du Parlement, il s’agira, ni plus ni moins, que de lever la grande hypothèque qui avait été la source profonde des évènements d’Aleria, et que le négociateur d’alors Libert Bou avait synthétisé en une formule : « Même 200.000 Corses autonomistes ne feront pas changer la Constitution française ».

Edmond Simeoni raconte, dans une interview donnée à Corse Net Infos en août 2014 : « La déclaration de Libert Bou est le déclencheur d’Aleria ». Il décrit la décision de l’exécutif de l’ARC de passer à l’action, prise dans « un véritable climat d’ébullition politique et de radicalisation ». De la décision d’entrer armés dans la cave : « Comme nous ne voulions pas être expulsés par trois grenades lacrymogènes et deux gifles, nous prenons des fusils de chasse avec la conviction certaine et partagée que nous ne les utiliserons pas. Ils sont un élément de dissuasion vis-à-vis des forces de l’ordre ». On connaît la suite…

Au « niet » de 1975 répond donc, un demi-siècle après, le « oui » du gouvernement de François Bayrou et du président de la République Emmanuel Macron. Entretemps, trois générations se sont succédées qui ont porté la lutte du peuple corse avec courage et persévérance.

Mais la bataille politique de 2025 n’est pas encore gagnée. Elle ne fait qu’entrer dans sa phase finale et décisive. Face au « oui » des plus hautes autorités de l’Etat, se dresse déjà le « non » du conservatisme français le plus obtus, symbolisé par l’avis contraire donné par le Conseil d’Etat et par les déclarations fracassantes du président du Sénat Gérard Larcher.

68% des suffrages exprimés

Il ne faut cependant pas sous-estimer le parcours qui a permis d’arriver à ce stade. La montée en puissance du vote nationaliste depuis 2014 en a été l’élément le plus fort. Il a exprimé démocratiquement, et sans contestation possible, la volonté du peuple corse, celle des « 200.000 Corses » revendiquant l’autonomie. Libert Bou l’avait envisagé comme un cas d’école improbable et inatteignable ; les urnes corses l’ont matérialisé par 68% des suffrages exprimés. Comment se prétendre une démocratie européenne et rester fermés à la volonté du peuple corse quant à l’avenir de la Corse ? D’autant plus que la revendication d’autonomie est vécue comme simple et naturelle par la plupart des autres démocraties de l’Union européenne.
Les émeutes provoquées par l’assassinat inexpliqué dans sa prison d’Arles d’Yvan Colonna a été l’élément déclencheur du processus en cours, en ce qu’elles ont apporté la preuve que la mobilisation de 1975 avait franchi les générations, et que, cinquante ans après, la colère était toujours aussi grande parmi la jeunesse corse. Et que, si l’assaut des jacobins contre le processus d’autonomie en cours devait l’emporter, cela provoquerait en retour la même onde de choc que celle qui a suivi les déclarations de Libert Bou en 1975.

Le vote final sera serré

Tel sera l’enjeu du débat au sein du Parlement français, Assemblée nationale et Sénat, puis lors du Congrès de Versailles : revenir à l’avant-Aleria, ou s’engager vers l’avenir à travers une solution politique. Gérard Larcher et ses congénères savent que la pression politique sera maximum lors du Congrès, et qu’il devra prendre des responsabilités lourdes ce jour-là en s’opposant tout à la fois à la volonté du peuple corse, à celle du président de la République, et à celle du gouvernement. C’est pour cela qu’ils ont essayé de peser en amont du Conseil des ministres, à travers l’avis du Conseil d’Etat et par la déclaration du président du Sénat. Le combat pour le maintien de la formule négociée lors des accords de Beauvau avec Gérald Darmanin est décisif. Il a été gagné, ce qui permet d’aller de l’avant.

Durant les trois mois qui viennent, il faudra serrer les rangs, marginaliser les élus corses à la solde du pire des conservatismes parisiens, et faire ressentir le rapport de forces essentiel, celui d’un peuple corse uni et déterminé.

Les majorités requises au Parlement sont très élevées. Cependant, les députés et sénateurs qui voteront en faveur de l’autonomie ne le feront pas tous par conviction. Beaucoup voudront simplement éviter d’être cloués au pilori comme responsables des évènements graves qui résulteraient inévitablement d’un camouflet parlementaire fait à la Corse, auquel ils auraient contribué.

Le vote final sera serré, mais une porte a été enfin ouverte par 50 années de luttes et de sacrifices depuis un certain 22 août 1975.

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