Bâtir une autre société écossaise

Gerry Mooney1
Gerry Mooney professeur en sciences sociales à l’Open university d’Ecosse

Le débat sur l’indépendance de l’Ecosse est en train de basculer. Le nombre de votes en faveur du oui au référendum se rapproche du non, alors que seules quelques semaines nous séparent du 18 septembre.

Le débat sur l’indépendance – plus exactement le débat sur le devenir constitutionnel de l’Ecosse – à ouvert sur des débats plus larges et plus importants sur le type de société que nous voulons pour l’Ecosse.

Le seul changement institutionnel ne répondra pas à ces questions, mais, comme partisan de l’indépendance écossaise, c’est la possibilité qui nous est offerte de bâtir un autre type de société qui guide mon choix et celui de centaines de milliers d’autres électeurs. Sur bien des aspects, ce qui est au coeur du débat n’est pas la question de savoir si l’Ecosse devrait rester membre de l’Etat-nation du Royaume-Uni ou devenir un Etat-nation indépendant. Un autre modèle d’Etat doit être envisagé: un Etat  écossais qui se soucie du bien-être des citoyens.

Une société plus juste?

Le projet d’un Etat écossais providence distinct doit être entendue dans son acception la plus large, non seulement comme un ensemble d’organisations sociales et institutionnelles, mais imaginée, au coeur même des éléments constitutifs d’une nouvelle Ecosse, comme une Ecosse socialement plus juste et plus égalitaire.

Alors que beaucoup de médias et de politiciens se concentrent sur des sujets perçus comme plus abstraits par les gens de la rue ou les communautés à travers l’Ecosse —l’Ecosse aura-telle besoin de forces armées? Y aura-t-il des bornes frontières entre l’Ecosse et l’Angleterre? Quid de l’appartenance à l’OTAN ou à l’UE?— les réunions qui explorent les moyens pour l’Ecosse de devenir une société plus juste et plus égalitaire —une société qui se démarque dans les domaines essentiels du modèle que la coalition au pouvoir au Royaume-Uni est en train de bâtir —attirent de très nombreux participants.

Le dilemme des Travaillistes
La perspective d’une Ecosse débarrassée à tout jamais de l’hypothèque d’un gouvernement Conservateur est formidablement attrayante. Et les pro-union du Better Together, notamment certains éléments du parti travailliste, peinent à
répondre aux attaques d’autres socialistes qui leur reprochent de s’être rangés au côté des Tories pour défendre l’union. Le parti travailliste est débordé sur son flanc gauche par la perspective d’une nouvelle Ecosse bâtie sur des valeurs et des politiques vues comme propres au “vieux Labour”.

La boutade “davantage de pandas géants que de parlementaires Tories” ne se réfère pas seulement au déficit démocratique dont beaucoup pensent qu’il caractérise le paysage politique écossais, dès lors que l’Ecosse est gouverné par un gouvernement de coalition du Royaume-Uni dont les deux membres ne sont arrivés, ici, que deuxième et troisième aux dernières législatives. Cette boutade sert aussi à se distancier des politiques menées par les Conservateurs et leurs alliés Libéraux-démocrates qui apparaissent largement décalées par rapport aux idées des citoyens écossais.

L’atmosphère politique punitive, anti-bien-être social et anti-immigration qui submerge des pans entiers de l’Angleterre apparaît de plus en plus étrangère au paysage politique qui prévaut en Ecosse.

C’est bien l’interaction entre nation et classe sociale
qui donne forme au débat sur le référendum
et l’orientation future de la société écossaise

Réalisme contre romantisme

Mais cela ne devrait pas conduire à une romanticisation aveugle de la société écossaise, vue comme une nation unie, un territoire homogène où règnent consensus et valeurs partagées, même si le mythe de la “social-démocratie” et de l’“égalitarisme” écossais reste puissant encore aujourd’hui. Comme les autres nations du Royaume-Uni, l’Ecosse est un pays profondément divisé, inégalitaire et injuste. Mais une possible indépendance ouvre la perspective que ces problèmes soient pris à bras le corps. De nombreux militants, d’organisations de campagne, de syndicats, se sont mobilisés pour dessiner un autre modèle pour l’Ecosse. Le soutien à l’indépendance n’a cessé de croître tout au long de 2014, mais la campagne négative menée par le clan pro-union –baptisée Peur du projet par ses opposants– signifie qu’il reste beaucoup à faire pour gagner une majorité à l’idée d’indépendance.

Des études comme celle publiée par le Centre de recherche sociale d’Ecosse montrent que le soutien à l’indépendance est très inégal à travers le pays et très marqué par l’appartenance sociale. Les électeurs les plus pauvres des territoires défavorisés sont beaucoup plus susceptibles de voter en faveur de l’indépendance. L’enquête montre que 40% de ceux qui gagnent moins de 1.200 livres par mois soutiennent l’indépendance, seulement 27% des ménages gagnant 3.700 livres ou plus.

Nation et classe sociale

Néanmoins, la notion de classe n’impacte pas le débat, même si des victoires comme celle sur la Bedroom tax en Ecosse traduisent la mobilisation des organisations de travailleurs à travers le pays. Alors que la campagne pro-indépendance a largement évacué le thème de l’“écossité” (scottishness), l’idée de l’Ecosse vue comme une nation exerce une attraction évidente sur les gens, notamment lorsque les politiciens Tories et des célébrités extérieures à l’Ecosse déclarent leur flamme avec leurs messages du genre “S’il vous plaît, ne nous quittez pas”. Mais c’est bien l’interaction entre nation et classe sociale qui donne forme au débat sur le référendum et l’orientation future de la société écossaise. A preuve: le succès de l’argument selon lequel l’Ecosse
devrait rejeter tout armement nucléaire – chose qu’une vaste majorité des Ecossais soutient– pour investir l’argent sur les dépenses publiques pour le bien-être des citoyens.

Traduit de l’anglais par la rédaction d’Enbata.

 

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