Fausses évidences

Le 1er mai de Bizi à Bayonne.
Le 1er mai de Bizi à Bayonne.

Des manifestations sporadiques sont organisées contre le projet de loi El Khomri à travers l’Hexagone, des Nuits debout mobilisent également les opposants les plus convaincus. Le fossé entre partisans et adversaires du projet de réforme de l’organisation du travail se creuse. Derrière les débats sur la loi El Khomri se cache un véritable enjeu de société.

Les débats sur la loi El Khomri ont réactivé les débats sur la “flexibilisation” du marché du travail. Elle relève en effet du credo habituel des libéraux sur les entraves au libre  fonctionnement du marché du travail qui l’empêcheraient de s’ajuster correctement.

Pour créer de l’emploi, il faudrait assouplir les possibilités de licenciement… Un raisonnement qui oublie une réalité économique simple : le travailleur est aussi un consommateur, qui sans emploi, consomme moins, et restreint donc les possibilités de la production elle-même.

Pourquoi les entreprises n’investissent pas et n’embauchent pas ?

Fondamentalement parce que leurs carnets de commande ne sont pas pleins. Malgré des décennies de mesures successives de flexibilisation du marché du travail, le chômage n’a pas baissé…

Au-delà des fausses évidences, une perspective de long terme contribue à mieux appréhender le chômage dans son caractère structurel.

Quelques chiffres permettent d’illustrer cela.

Depuis le début du XIXe siècle jusqu’au début des années 2000, en France la production a été multipliée par 25, et le volume d’heures de travail total nécessaire a baissé de 12,5%. On ne peut comprendre ces deux chiffres qu’en prenant en compte les gains de productivité (multipliée par 28), c’est-àdire l’augmentation du volume de la production obtenu avec une même heure de travail. Dans le même temps, la durée individuelle de travail a été divisée par deux. Sans cette diminution du temps de travail individuel, le fait qu’une production accrue ait nécessité un volume horaire global en diminution aurait engendré un chômage gigantesque dans le contexte d’une forte croissance de la population active.

Le chômage apparaît ainsi comme une modalité forcée de partage du travail : compte tenu de la productivité et du cadre légal en vigueur, l’économie ne nécessite pas un volume horaire global suffisamment élevé pour donner du travail à tous.

Partager le travail

A partir de là, il ne peut y avoir que trois scénarios.

Premier scénario : on pense qu’une croissance économique importante pourra à elle seule mettre fin au chômage de masse.

Deuxième scénario : à défaut de croissance, on s’entête dans la voie des mesures de flexibilisation qui ont montré leur inefficacité, et on prend le risque d’une fragmentation durable de la société entre ceux qui ont un emploi, et ceux qui n’en n’ont pas.

Troisième scénario : on partage le travail de façon équitable, c’est-à-dire en faisant en sorte que chacun travaille, mais en quantité moindre. Cela consiste à procéder à une diminution significative du temps de travail légal (passage des 35 heures aux 32 heures hebdomadaires), pour résorber structurellement le chômage.

Pour ce qui est du premier scénario, la conjoncture économique actuelle laisse à penser que les phases de croissance soutenues sont révolues pour les pays de l’OCDE ; elles seraient  d’ailleurs totalement incompatibles avec les contraintes écologiques auxquelles nous sommes déjà confrontés.

Le second scénario semble le plus probable. Mais pour prendre la mesure des risques sociétaux qui lui sont liés, il faut tenir compte des évolutions technologiques en cours. En effet, les progrès en matière de nanotechnologie, d’intelligence artificielle, d’impression 3D, d’objets connectés, de bases de données etc. constituent une rupture technologique dont nous avons encore du mal à visualiser l’ampleur.

Au-delà de la menace
sur les emplois faiblement qualifiés,
la rupture technologique en cours
pourrait également fortement affecter
des emplois qui sont
ceux d’une large partie
des classes moyennes.

Construire une société plus juste

Pour donner un exemple (qui personnellement me sidère), l’entreprise Robosoft basée à Izarbel à Bidart a mis au point un robot (“kompaï2”) destiné à accompagner à domicile les  personnes dépendantes dans leur quotidien. Kompaï2 est capable d’envoyer des mails, d’appeler le médecin si nécessaire, d’aider la personne à changer de posture, à se lever, à  déambuler, à prendre ses médicaments, à téléphoner… Face à une automatisation des processus de production qui a considérablement impacté l’industrie par le passé, le maintien de l’emploi s’est basé ces dernières décennies sur le développement des activités de service. Comme nous le montre Kompaï 2, la nouvelle donne technologique va aussi toucher de plein fouet le secteur du tertiaire. Ainsi, au-delà de la menace sur les emplois faiblement qualifiés, la rupture technologique en cours pourrait également fortement affecter des emplois qui sont ceux d’une large partie des classes moyennes. On mesure ainsi le choc sociétal que cette rupture pourrait engendrer.

Le troisième scénario  reste donc le dernier souhaitable et praticable. Il est aujourd’hui prôné par un certain nombre d’organismes internationaux comme l’ONUDI (Organisation des
Nations Unis pour le Développement Industriel. Voir le rapport d’avril 2013 : Croissance verte : de la productivité du travail à la productivité des ressources).

Quoiqu’en disent les détracteurs du partage du travail, on ne pourra pas venir à bout du chômage, et construire une société plus juste, sans une diminution significative du temps de travail.

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