L’héritage des “Troubles”

GerryAdams

En Irlande du Nord, gérer l’héritage du passé troublé et violent  est le dernier et le plus difficile défi pour une société qui émerge d’un conflit. Le potentiel dévastateur d’un passé conflictuel et la nécessité pour les différentes parties de parvenir à un accord pour que ce passé n’hypothèque pas le futur de l’Irlande du Nord est patent. Une nouvelle approche du passé par les différentes parties impliquées laisse une lueur d’espoir.

Les quelques jours que dura la garde à vue de Gerry Adams suffirent à faire vaciller les institutions nord-irlandaises alors que ces structures héritées des Accords du Vendredi Saint en 1998 semblaient pourtant bien arrimées.

L’arrestation d’Adams illustre parfaitement le potentiel dévastateur d’un passé conflictuel et la nécessité pour les différentes parties de parvenir à un accord pour que ce passé n’hypothèque pas le futur de l’Irlande du Nord. Ce n’est évidemment pas chose facile et, pour reprendre les termes de Theresa Villiers, actuelle secrétaire britannique à l’Irlande du
Nord, “s’il y avait une solution facile, elle aurait fait partie des accords de 1998”.

Menaces sur la stabilité politique

En 2009, un Groupe consultatif sur le passé présidé par deux religieux, Lord Eames et Denis Bradley, avait rendu public un rapport sur le sujet au terme de 18 mois de travaux. Pour Denis Bradley, “gérer l’héritage de notre passé troublé et violent […] est le dernier et le plus difficile défi pour une société qui émerge d’un conflit”. Il n’existe en particulier pas de recette miracle, et c’est pourquoi le comité ne proposa pas une déclinaison locale de la Commission vérité et réconciliation qui officia en Afrique du Sud, mais plutôt une Commission sur  l’héritage visant à “aider la société à avancer vers un futur partagé, enquêter sur les crimes du passé, et obtenir des informations sur les cas de meurtre […]”.

Pas d’amnistie immédiate en échange de confession donc… Le groupe consultatif sur le Passé prévoyait également “que le plus proche parent de chacune des personnes mortes en raison du conflit en Irlande du Nord depuis 1966 reçoive une indemnisation unique et définitive de 12.000£”. Cette mesure suscita une telle levée de boucliers chez les Unionistes qui n’admettaient pas que des familles de militants de l’IRA puissent être indemnisées que le rapport de Eames et Bradley fut enterré…

Outre le ressentiment causé par les quelque 3000 meurtres non résolus des Troubles, deux autres menaces mettent toujours la stabilité politique de l’Irlande du Nord à rude épreuve, même si elles peuvent paraître futiles.

La première est relative aux drapeaux : l’Union Jack doit-il flotter sur les bâtiments officiels ? Les particuliers peuvent-ils marquer leur territoire en le couvrant de drapeaux britannique ou irlandais ?

La seconde a trait aux innombrables parades qui dégénèrent fréquemment en affrontements.

Afin de régler ces trois problèmes non résolus par les accords de 1998, l’Irlande du Nord a demandé en juillet dernier la médiation de Richard Haass, un ancien diplomate américain.

Après plusieurs mois de travail, et la rédaction de 7 versions différentes d’une proposition d’accord, Richard Haas fut malheureusement contraint d’annoncer l’échec de sa médiation le 31
décembre dernier.

Gerry Adams, le Président du Sinn Fein avait bien déclaré que son équipe de négociateurs estimait qu’il y avait “la base pour un accord dans les propositions mises en avant”, mais les Unionistes firent capoter les négociations en refusant de se plier à un “code de conduite” pour les parades et à un compromis sur les drapeaux.

Une fois passée la stupeur de la garde à vue de Gerry Adams,
de nombreux acteurs politiques d’Irlande du Nord
ont réclamé la reprise des discussions,
malgré les désaccords persistants
sur les drapeaux et les parades.

Rapport Eames et Bradley

En janvier dernier, Haass a rendu publique la dernière version du texte qui avait été proposé aux différents acteurs, afin de les placer devant leurs responsabilités. On retiendra en particulier de ce texte de 39 pages qu’un consensus avait (presque) été trouvé sur la gestion des crimes non résolus des Troubles. Ce consensus reprend d’ailleurs les grandes lignes du rapport de Eames et Bradley, rendu plus acceptable par 5 années supplémentaires de statu quo.

Les principaux points en sont les suivants :

• Soutien aux victimes et au survivants : “la première exigence pour un traitement exhaustif de l’héritage du passé doit être de subvenir aux besoins sociaux et de santé des victimes et des survivants”. Un important point de discorde subsiste toutefois : aucune définition consensuelle des “victimes” n’a pu être trouvée.

• Création d’une Unité d’enquêtes historiques chargée des affaires liées au conflit.

• Création d’une Commission Indépendante pour le Recueil de l’Information qui se chargerait, à la demande des familles, de démarcher les groupes paramilitaires ou les gouvernements afin d’obtenir des informations de la part des responsables des exactions. Un point essentiel ici est que “les déclarations données dans de telles conditions seraient irrecevables devant les tribunaux et protégeraient les individus de l’auto-inculpation”. Le rapport insiste sur le point qu’il n’est cependant pas question d’amnistie “sous quelque forme que ce soit”. Aucune protection n’est en effet accordée contre d’éventuelles poursuites basées sur d’autres éléments à charge.

• Création d’un groupe sur l’Histoire chargé de produire “une chronologie factuelle du conflit […] de 1968 à 1998. Dirigé par des universitaires qualifiés, “il n’aurait pas pour but de condamner ou de pardonner, mais de mettre à disposition du matériel contextualisé et basé sur des faits avérés”.

L’échec de la médiation de Haass, malgré ces avancées notables, a précédé de quelques jours l’arrestation de Gerry Adams.

A toute chose malheur est bon : une fois passée la stupeur, de nombreux acteurs politiques d’Irlande du Nord ont réclamé la reprise des discussions, malgré les désaccords persistants sur les drapeaux et les parades. Comme l’a déclaré Amnesty International, “les progrès réalisés par les parties, et par l’équipe de Haass, vers une nouvelle approche du passé ne doivent pas être gâchés ou obscurcis par un désaccord sur d’autres problèmes”.

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