Qui décide pour nous ?

Quidécide

 L’Edito du mensuel Enbata

La construction de la Ligne à grande vitesse ou LGV, pour laquelle nous devrons payer un impôt supplémentaire, bouleversera le territoire d’Iparralde, ses équilibres économiques, démographiques, culturels, linguistiques, environnementaux, tout son système de mobilités. Bien que ce projet soit majoritairement contesté par nos élus locaux, il nous est imposé par des décideurs situés à Pau, à Bordeaux, à Paris, à Bruxelles et même à Bilbao. Les Basques, qu’ils soient d’origine ou d’adoption, ne maîtrisent pas leur devenir.

Cette politique coercitive nous est infligée dans d’autres domaines. L’Education nationale refuse de nous entendre lorsque nous demandons que les enfants que nous scolarisons en euskara grâce à des efforts inouïs, puissent passer leurs examens en basque. En plein cœur d’une Europe qui devait gommer les frontières interétatiques, qui érige en totem la libre circulation des personnes, Paris et Madrid remettent en place les barrières, au nom de l’antiterrorisme et de la lutte contre l’immigration. Nos protestations n’aboutissent qu’à la création d’une commission, et « quand on veut enterrer une décision, on crée une commission », dixit Georges Clemenceau.

Ces phénomènes ne sont pas nouveaux. La création des radios bascophones s’est faite dans l’indifférence crasse de nos tutelles, investir de l’argent d’Hegoalde dans des SCOP d’Iparralde s’est heurté aux foudres de la COB (Commission des opérations en bourse), la création d’EHLG eut pour principal adversaire —y compris devant les tribunaux— du corps préfectoral aux ordres des managers de l’agro-industrie paloise. Hier, les abertzale se sont dressés contre la MIACA voulant bétonner/aménager/déménager la Côte basque et aquitaine, sous l’impulsion de Jacques Chaban Delmas et d’un brillant énarque à son service, Emile Biasini, « grand commis de l’Etat ». En remontant plus loin, qui décida à notre place d’envoyer nos jeunes gens crapahuter dans les djebbels pour casser du fellagha, ou au casse-pipe en 1914-18, chair à canons dans des guerres qui ne les concernaient en rien ? Etc.

L’épandage généralisé du chlordécone qui empoisonne ad vitam æternam les populations de Martinique et de Guadeloupe a été décidé par des puissances politiques au services d’intérêts économiques qui n’avaient rien de caribéen. Idem pour les 20 millions de tonnes de déchets radioactifs abandonnés à l’air libre au Niger par la société française Areva. Les abeilles survivantes voient enfin le bout du tunnel face au lobby agro-industriel —si bien introduit au sein de l’État central— qui, depuis 2018, a prolongé jusqu’à l’extrême l’épandage des néonicotinoïdes. Toujours le pot de terre contre le pot de fer. Qui décide pour les peuples pâtissant au premier rang, qui met en péril notre biotope tout entier?

Dans les combats qui sont les nôtres, certains élus jouent le rôle historique des notables carriéristes qui trahissent les intérêts du peuple basque. Ils sont les intermédiaires entre les indigènes de la périphérie et les « élites » parisiennes. Ils s’auto-proclament avocats de nos intérêts, mais ont pour rôle essentiel de conforter le pouvoir central, d’asseoir sa toute puissance. Souvent au nom de «l’intérêt général », cette escroquerie intellectuelle qui masque l’omnipotence du plus fort, venu de Paris ou de Bordeaux. Depuis longtemps, ces gens-là sont d’abord la courroie de transmission d’intérêts qui nous sont étrangers et ils ont le culot de nous reprocher notre absence d’ouverture, notre repliement identitaire. Jean-Jacques Lasserre, président du conseil départemental, est de ceux-là.

L’arrivée de la LGV en Iparralde, ne fera qu’accélérer une évolution dite inéluctable, à l’œuvre depuis des années : l’accueil en Pays Basque de toute la richesse du monde. Le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales, avec 1% des plus riches qui captent 63% des richesses produites, est accablant à cet égard. Les entreprises européennes devraient en 2023 verser 387 milliards d’euros à leurs actionnaires (1). Ôte-toi de là que je m’y mette. Pour te faire partir, voici mes euros et mes dollars. Tu peux aller t’installer plus loin et rester ainsi à mon service, grâce aux « emplois essentiels » que tu occupes. « Lurra behin saldua, betiko galdua », titrait hier une banderole à Itxassou. Tout cela fleure bon la colonie de peuplement, moyen efficace pour faire disparaître en l’assimilant un peuple, sa culture et sa langue.

Des Etat-nations défendent leurs intérêts et décident à notre place, au nom du plus grand nombre et de la loi du plus fort parée des discours de la démocratie. Serions-nous condamnés à toujours subir ? Les abertzale répondent non, ils résistent et s’organisent. EHBai, héritier de 60 ans de lutte de libération nationale, est le fer de lance de ce combat historique, il cristallise d’autres mouvances, des compagnons de route essentiels qui ne partagent pas toutes nos idées. Une majorité d’élus de la CAPB les conforte et l’on frémit pour demain à l’idée d’une prise de pouvoir de notre pré-institution par la droite dure, de fait, anti-basque avérée.
Qui décide de quoi pour nous et nos enfants ? Cette interrogation place la question nationale basque au cœur du débat. Dans cette perspective, la manifestation du 1er avril prochain à l’initiative de Herrian bizi-Se loger au pays, constituera un rendez-vous à ne pas manquer. « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres ». Le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie est plus que jamais d’actualité : un tyran seul n’a de puissance que celle que nous lui donnons (1576).

(1) Voir https://www.oxfamfrance.org/rapports/nouveau-rapport-la-loi-du-plus-riche/ et étude annuelle de la société de gestion Allianz Global Investors publiée le 26 janvier.

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