Souverainetés partagées

EuropePeuple1Malgré la victoire du non au référendum Ecossais du 18 septembre le rapport des peuples sans Etat à la souveraineté s’est totalement inversé.

D’abord parce que, contrairement à l’image du séparatisme violent, ce référendum fut une belle leçon de démocratie. L’acte d’union entre Ecosse et Angleterre de 1707 et trois siècles d’histoire commune portée par le Royaume-Uni —aventure coloniale, guerres mondiales, révolution industrielle, universalisation du mode de vie anglo-saxon— peuvent être rompus pacifiquement dans le cadre d’un divorce à l’amiable. On mesure, à la seule échéance conflictuelle de la prochaine consultation en Catalogne, la qualité de cette exception britannique.

Exemplaires aussi les règles du jeu arrêtées d’un commun accord entre Londres et Edimbourg: formulation de la question soumise au vote, composition du corps électoral exclusivement réservé aux résidents d’Ecosse qu’ils soient de souche, anglais ou membre de l’Union européenne et du Commonwealth, abaissement de l’âge électoral à 16 ans… C’est dire qu’un Pakistanais de Glasgow pouvait voter et pas un Ecossais de Londres.

Ainsi, une composante d’un Etat-nation européen peut pacifiquement faire sécession. N’est-ce pas là le plus précieux précédent géopolitique administré à tous les peuples de ce continent? Peut-on imaginer qu’un tel bouleversement de frontières internes de l’Europe ne puisse avoir un effet domino?

On peut comprendre, dès lors, le désarroi des institutions européennes prises de court par cette sécession possible d’une partie d’un Etat partenaire. On se trouve en effet dans un no man’s land juridique qu’aucun traité fondateur ne prévoit. Les textes actuels ne se réfèrent qu’aux seuls Etats constitutionnellement définis. Mais, au-delà de cet embarras européen, qui aurait sûrement trouvé une solution en cas d’indépendance écossaise car on ne peut laisser hors de l’Union des citoyens qui y sont déjà, c’est bien l’Europe qui permet aux peuples sans Etat d’atteindre démocratiquement la souveraineté.

Les nationalismes modernes, qui ont renoncé à l’impasse de la violence politique, ont acquis une véritable culture d’Etat par le biais de dévolution, de fédéralisme ou d’autonomie. Ils se mêlent déjà, directement ou indirectement, à la gestion parlementaire de l’Europe, tiennent bureaux à Bruxelles. L’Etat-nation qui les a longtemps niés ou contenus plus ou moins policièrement, cet Etat dominant a lui-même perdu de sa superbe en entrant dans le jeu de la communauté de destin à vingt-huit.

La formidable machine uniformisatrice en perdant certains de ses piliers régaliens, la monnaie et le service militaire, et en reportant des pans entiers de son avenir sur l’Europe ouvre autant d’opportunités aux minorités nationales prises au piège de sa tutelle. Entrer dans l’Europe, c’est accepter le principe du partage de souveraineté. Cela veut dire que chaque Etat partenaire est amputé de certains de ses attributs. Dès lors, nos minorités nationales peuvent s’engouffrer dans les espaces libérés au nom de la démocratie de proximité propre au  fédéralisme.

Le destin européen déjà partagé rend proche de nous le référendum écossais. Cette nouvelle conscience européenne rend aussi complètement anachronique la négation du peuple corse par le Conseil constitutionnel.

Sous cet éclairage, la Diada du 11 septembre à Barcelone, avec son million huit cent mille manifestants tout comme les trente mille bretons défilant à Nantes pour le rattachement de la Loire-Atlantique à leur région historique, créent des solidarités nouvelles et modifient en profondeur la construction européenne.

Artur Mas, chef du gouvernement de la Généralitat, face à l’agressivité de Madrid ira-t-il jusqu’à l’accomplissement du référendum du 9 novembre, ou cédera-t-il comme le fit le lehendakari Ibarretxe pourtant investi du vote favorable du parlement autonome de Gasteiz?

L’Europe a déjà passé outre le veto espagnol pour faire émerger et reconnaître  l’indépendance d’un pays sorti de nulle part, le Kosovo.

L’Union et ses institutions nous ont déjà en partie sortis du tête à tête avec Paris et Madrid. Nous savons que les peuples composant l’ancienne Yougoslavie, ces parties éclatées d’un Etat-nation récemment engluées dans des guerres fratricides (cent mille morts), frappent tous à la porte de l’Union. La Slovénie et la Croatie y sont déjà. Au-delà de la doctrine officielle, l’Europe est déjà entrée dans une phase post-étatique.

Les menaces de Madrid, à peine voilées de violence, envers la Catalogne référendaire ne sont que pure gesticulation. Espérons qu’Artur Mas et ses alliés de l’ERC en soient convaincus.

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