Un train de retard ?

Ligne Bayonne-Toulouse desservant le CEF (voie unique pour les deux sens).

Alors que la Suisse, pionnière en la matière, met fin à sa ligne d’autoroute ferroviaire qu’elle juge obsolète, le choix de Brittany Ferries de développer ce mode de transport à partir du centre de fret de Mouguerre devrait être questionné par les pouvoirs publics, d’autant que ce projet nécessite des aménagements coûteux et qu’il menace les barthes.

La nouvelle ne fait pas grand bruit en Iparralde, elle n’est cependant pas sans importance : la Suisse met fin à sa ligne d’autoroute ferroviaire, la jugeant obsolète. Cette nouvelle nous intéresse au plus haut point, puisque ce mode de transport par autoroute ferroviaire est celui choisi par Brittany Ferries qui vient de s’installer sur le centre européen de fret (CEF) et qui souhaite, dans une deuxième phase, s’agrandir sur les barthes encore naturelles de Mouguerre. Rappelons que ce qu’on appelle « autoroute ferroviaire », ce sont des trains composés de wagons spéciaux à plancher bas sur lesquels les camions entiers sont chargés (avec cabine et remorque). Cette technique s’oppose à l’autre technique de transport ferroviaire dite « transport par combiné non accompagné », où seul le conteneur du camion est chargé sur le train. Au CEF, les opérateurs historiques utilisent cette dernière méthode.

Un peu d’histoire

La Suisse a été pionnière de l’autoroute ferroviaire : celle-ci a été mise en place dès 1960 pour traverser les Alpes suisses, reliant ainsi le sud de l’Allemagne au nord de l’Italie, transportant les camions et les chauffeurs qui dorment dans des wagons spéciaux. En 2001, la ligne avait été modernisée. Cependant, en 2023, le parlement suisse a décidé d’accorder ses aides financières pour la dernière fois : les opérations d’autoroute ferroviaire devaient cesser fin 2028. Mais cet arrêt est dorénavant anticipé dès la fin 2025, et ce pour des raisons de « restrictions sur le réseau ferroviaire », selon les termes de l’opérateur de cette ligne (RAlpin), autrement dit, à cause de problèmes techniques en cascade, notamment en Allemagne où on assiste à un effondrement du réseau ferré par manque de financement de son entretien.
Ce même danger guette la France : selon la SNCF, sur les 17 000 kilomètres de lignes dites « structurantes » de l’Hexagone, 4 000 sont menacées dès 2028. Sans parler des lignes de desserte fine qui dépendent des Régions. Le gouvernement français a d’ailleurs lancé en ce mois de mai un programme de réflexion « Ambition France Transports » dans le but de trouver des « solutions créatives » (!) de financement du réseau ferré. Mais, revenons à notre autoroute ferroviaire.

L’autoroute ferroviaire : une technique obsolète

Pourquoi son arrêt en Suisse était-il de toute façon programmé pour 2028 ? Parce que la solution est obsolète, tout simplement. Le transport par conteneurs bénéficie de progrès techniques de manutention par des grues. C’est cela la norme, qui permet de prendre sur un camion un conteneur, de l’empiler sur d’autres conteneurs, de le poser dans des bateaux, sur des trains, sur les essieux des camions… L’opérateur de l’autoroute ferroviaire RAlpin le reconnaît dans son communiqué de presse du 5 mai 2025 : l’avenir du transport ferroviaire, c’est le transport par conteneurs qui offre une solution plus efficace et adaptée aux besoins modernes de logistique. L’autoroute ferroviaire, c’est fini.

Des inconvénients en grand nombre

A Mouguerre, l’arrivée de Brittany Ferries a soulevé bien des questions, et le CADE a fait part de son grand scepticisme sur la technique elle-même : perte de place sur les trains (puisqu’on transporte les cabines des camions), et donc pour un train de longueur équivalente, perte de capacité pour les marchandises et gaspillage d’énergie. De plus, ce mode de transport nécessite de retoucher tous les tunnels car même surbaissés, les wagons avec leurs chargements sont plus hauts que la norme. Au Pays Basque où le foncier est très restreint, cette technique a également l’inconvénient d’être très gourmande en hectares : des quais plus larges sont nécessaires pour faire monter et descendre les camions, et aussi de grands parkings pour les camions en attente (on n’empile pas les camions comme des conteneurs !).
Le projet d’autoroute ferroviaire de Brittany Ferries démarre sur la partie déjà remblayée du CEF. Mais il est question, avant même de constater une quelconque (et hypothétique) saturation de leur terminal, de remblayer par anticipation les barthes. Par ailleurs, le transport par conteneurs peut encore s’étendre sans toucher aux barthes. En plus des coûts importants et des problèmes d’accès au CEF par la ligne actuelle, à voie unique depuis Bayonne, la position helvétique fait entrer un paramètre supplémentaire à prendre en compte avant d’accorder plus de foncier à l’autoroute ferroviaire. Il est urgent d’attendre avant de remblayer les barthes, disais-je dans un précédent article, les Suisses viennent donc conforter cette prudence.

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