Dehors c’est pas dedans

DehorsDedansBrexitBon vent, souhaitions-nous à la Grande-Bretagne dans l’édito du mois dernier. Jeudi 23 juin, avec une participation record de 71,8%, 51,8% des électeurs britanniques ont choisi le grand large, provoquant un séisme politique en Europe.

On ne soulignera jamais assez le rôle néfaste joué par le premier ministre David Cameron dans ce désastre. On ne soulignera jamais assez la part prise par un seul homme dans le destin de son peuple et celui de la construction pacifique de ce continent né sur les cendres et les haines de la seconde guerre mondiale.

Pour assurer sa réélection de 2015, il a créé de toutes pièces ce référendum qui l’engloutit aujourd’hui. Il devait réduire au silence la minorité souverainiste du UKIP de Farage. Il lui donne les clefs de la victoire du Brexit. Il ravive l’éclatement du Royaume-Uni avec une Ecosse qui, pour demeurer dans l’UE, se dirige à nouveau vers l’indépendance et une Irlande du Nord qui, pour éviter la reconstitution d’une frontière avec la République d’Irlande où transitent quotidiennement 30.000 des siens, ressuscite le vieux rêve de la réunification. Et que dire de la mise en péril du joyau de la couronne, la Mecque de la finance mondiale, la City au coeur d’un Londres qui à 60% a voté à contre-courant de l’Angleterre pour rester européenne.

Mais voilà que ce malfaisant devient aussi un cynique en n’entendant démissionner de son poste de premier ministre qu’à l’automne, selon le calendrier de réorganisation de son parti conservateur appelé, tout tranquillement, à désigner son successeur.

Car il faut savoir que cette espèce d’homme public, sorti des meilleures écoles où se forge traditionnellement l’élite insulaire, veut s’en tenir non à l’esprit du référendum mais à sa lettre. Or, la consultation populaire du 23 juin, qui a provoqué un tremblement de terre, n’a émis formellement qu’un avis, seule la Chambre des Communes ayant pouvoir de décision. C’est ce que David Cameron, main dans la main avec sa gentille épouse, est venu proclamer sur le trottoir devant la porte de son domicile officiel : “Je ne crois pas qu’il soit opportun que je sois le capitaine qui mène notre pays vers sa prochaine destination”.

Puisque son pays peut attendre, l’Europe attendra aussi. Elle attendra que le premier ministre anglais, lui ou un autre, veuille bien adresser à Bruxelles la missive qui enclenchera la procédure de séparation prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne.

Nous sommes loin de la rigueur intellectuelle d’un Lionel Jospin au soir de sa défaite présidentielle de 2002. C’est pourtant l’honnête attitude adoptée par le commissaire britannique démissionnaire à Bruxelles, Jonathan Hill. Certes, entre partenaires, les procédures doivent être respectées et il n’est nullement question de règlement de comptes avec un pays qui a sauvé l’Europe de la vague nazie. Mais l’Union ne peut prendre le risque d’un pourrissement d’où pourraient fleurir les espérances des diverses Marine Le Pen du continent. Elle doit exiger de Londres une décision la plus rapide possible lorsqu’on sait que la majorité des députés, conservateurs et travaillistes, se sont prononcé contre le Brexit.

Face à la mauvaise volonté britannique d’assumer son divorce avec l’Europe, cette dernière doit en retour actionner tous les atouts dont elle dispose. Signifier, dès à présent, le départ des milliers de fonctionnaires insulaires qui travaillent au fonctionnement de l’Union. Organiser les débats parlementaires de Strasbourg sans les 73 eurodéputés britanniques. Etablir un moratoire des participations financières de l’Europe dans les multiples chantiers du Royaume-Uni, de même pour les subventions aux agriculteurs et aux pêcheurs. Bref, dresser, dès à présent, un arrêté de comptes en attendant l’accord définitif sur toutes les actions engagées en commun par l’Europe avec son partenaire démissionnaire.

S’organiser pour répondre au défi que nous lance la Grande-Bretagne est l’occasion, longtemps espérée, de resserrer les liens entre les 27 autres membres pour redéfinir les règles du jeu communautaire.

L’euroscepticisme se nourrit du dysfonctionnement. L’échec anglais révèle à quel point nous sommes toujours dans une Europe des Etats. Pour l’essentiel, rien n’est communautaire. Les caprices acceptés d’une Thatcher et d’un Cameron obtenant des dérogations suscitent ailleurs des velléités de départ et brisent l’esprit de solidarité.

L’Angleterre désormais absente de Bruxelles, il nous faut clairement redéfinir les compétences revenant aux Etats et à leurs parlements nationaux de celles qui doivent être gérées en commun.

Le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement en sera l’exécutif renonçant à son actuelle cacophonie de 27 souverainetés.

Dans ces compétences communautaires, la fiscalité et l’économie, dont la gestion politique de la monnaie unique, pour civiliser la concurrence sauvage entre partenaires. Mais aussi la définition d’une frontière et d’une politique migratoire.

Enfin le parlement de Strasbourg doit avoir droit de contrôle et d’investiture sur l’exercice de ces compétences communautaires. Et pourquoi ne pas élire une partie des euro-députés dans une circonscription unique aux 27 pays ?

Pour reprendre espoir dans la construction européenne, nul besoin de nouveaux traités, il y faut simplement une volonté politique. Le traumatisme du Brexit nous ramènera-t-il à la raison? Rien n’est moins sûr.

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre, financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.
« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.
Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.
Faites un don ou abonnez vous à Enbata : www.enbata.info/articles/soutenez-enbata

  • Par chèque à l’ordre d’Enbata, adressé à Enbata, 3 rue des Cordeliers, 64 100 Bayonne
  • Par virement en eusko sur le compte Enbata 944930672 depuis votre compte eusko (euskalmoneta.org)
  • Par carte bancaire via système sécurisé de paiement en ligne : paypal.me/EnbataInfo
  • Par la mise en place d’un prélèvement automatique en euro/eusko : contactez-nous sur [email protected]

Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.
Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.
«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.
Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.
Enbatari emaitza bat egin edo harpidetu: https://eu.enbata.info/artikuluak/soutenez-enbata

  • Enbataren izenean den txekea “Enbata, Cordeliers-en karrika 3., 64 100 Baiona“ helbidera igorriz.
  • Eusko transferentzia eginez Enbataren 944930672 kontuan zure eusko kontutik (euskalmoneta.org-en)
  • Banku-txartelaren bidez, lineako ordainketa sistema seguruaren bidez: paypal.me/EnbataInfo
  • Euro/euskotan kenketa automatikoa plantan emanez: gurekin harremanetan sartuz [email protected] helbidean

50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.
Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).