Reconfiguration palestinienne par David Lannes

On s’était habitué au statu quo qui règne en Palestine depuis la fin de la guerre fratricide de 2007: le Hamas gouverne la bande de Gaza sous blocus israélien alors que le Fatah dirige une Autorité palestinienne qui ne contrôle plus que la Cisjordanie. Ce statu quo n’a probablement plus longtemps devant lui: la candidature de la Palestine à l’ONU et les transformations politiques à l’œuvre en Egypte pourraient en effet favoriser un rapprochement entre le Hamas et le Fatah. Rendu possible par la chute de Moubarak et l’imminence de la candidature à l’ONU, un premier accord de réconciliation avait déjà été signé le 4 mai 2011. Cet accord n’a jamais été appliqué, mais un nouveau texte a été signé par les deux formations le 22 décembre. On peut y voir une conséquence de la nouvelle orientation politique de l’Egypte et de la toute nouvelle popularité de Mahmoud Abbas depuis son passage à l’ONU.
Oubliés le soutien à Moubarak, les multiples preuves de collaborations avec Israël et le mépris pour la population de Gaza pendant les bombardements de décembre 2008! Mahmoud Abbas est aujourd’hui l’homme qui a tenu tête à Obama en s’adressant le 23 septembre 2011 à l’Assemblée générale de l’ONU pour y présenter la demande d’adhésion de la Palestine. Cerise sur le gâteau, l’Unesco a fait de la Palestine son 195e Etat membre le 31 octobre dernier, offrant ainsi à Mahmoud Abbas l’occasion de présider un autre moment historique.

Le Hamas a lui aussi le vent en poupe
Bien sûr, il faut beaucoup relativiser le rôle d’Abbas… Il y a un an, il ne pensait certainement pas mener à terme sa campagne onusienne, mais plutôt s’en servir pour forcer Israël à reprendre les négociations. Ce sont les refus répétés du gouvernement de M. Netanyahu (n’acceptant pas un gel de la colonisation «ne serait-ce que pour trois heures») qui ont en quelque sorte contraint Mahmoud Abbas de continuer sur la voie qu’il avait annoncée. Quant à l’Unesco, le problème de l’adhésion palestinienne se pose à chaque assemblée générale depuis 1989, et Abbas aurait perdu toute crédibilité en faisant machine arrière cette fois-ci encore. Mais quelles qu’en soient les motivations, l’offensive diplomatique d’Abbas lui a indéniablement valu un net regain de popularité.
Le Hamas a lui aussi le vent en poupe. L’accord passé avec Israël en octobre pour libérer le soldat Gilad Shalit en échange de 1.027 prisonniers palestiniens a été fêté comme une grande victoire dans la bande de Gaza. Même si le Hamas a fait de grosses concessions pour obtenir cet accord (des prisonniers de grande notoriété comme Marwan Barghouti n’ont par exemple pas été libérés), il en retire un grand bénéfice. Le Hamas tire également profit de la montée en puissance du mouvement des Frères Musulmans auquel il appartient. Comme le souligne amèrement un officiel du Fatah dans The Economist, «le Hamas fait partie d’un mouvement islamiste de 150 millions de personnes qui est en train de remporter le printemps arabe». Notons enfin que le réchauffement des relations avec l’Egypte devrait permettre de sérieusement limiter les effets du blocus israélien sur Gaza.
Les frères ennemis palestiniens peuvent donc tous deux se sentir suffisamment en position de force pour reprendre langue sur un processus de réunification. Ils y ont par ailleurs intérêt. En effet, le regain de popularité actuel du Fatah ne fait que cacher l’absence de perspectives du parti de Mahmoud Abbas. Il n’a aucun espoir de pouvoir reprendre les négociations avec Israël qui vient de refuser l’ultimatum fixé par le Quartet pour avancer des propositions. Il va également devoir faire face aux mesures de rétorsion économiques que les Etats-Unis et Israël risquent d’infliger à l’Autorité palestinienne en raison de son aventure à l’ONU. Israël menace en effet de retenir les droits de douanes touchés en son nom, et les Etats-Unis ont déjà suspendu les deux tiers de leur aide annuelle. Il faudra enfin gérer la frustration que l’échec annoncé de la candidature palestinienne à l’ONU (en raison du veto américain) ne manquera pas de susciter au sein de la population. S’il est effectif, l’accord signé avec le Hamas le 22 décembre pourrait donc offrir une porte de sortie honorable pour le Fatah et Mahmoud Abbas.

Israël n’est plus le maître du jeu…
Le Hamas est probablement plus serein que le Fatah, mais il doit faire face à une contestation interne grandissante. Depuis 2009, le Hamas a en effet imposé un cessez-le-feu à tous les groupes armés de la bande de Gaza et son leader en exil Khaled Meshal a convenu avec Abbas, lors de la signature de l’accord de réconciliation du 22 décembre, que «la phase actuelle doit se limiter à une résistance pacifique acceptable par la communauté internationale». Cette évolution n’est pas du goût de tous, et c’est certainement pour apaiser ses troupes que l’homme fort du Hamas à Gaza, Ismaël Haniyeh, affirmait la semaine dernière que «la résistance et la lutte armée sont la voie et le choix stratégique pour libérer la Palestine du Jourdain à la Méditerranée». Une réconciliation avec le Fatah légitimerait en quelque sorte le virage idéologique du Hamas et lui permettrait de se réimplanter de nouveau en Cisjordanie dont il est de fait banni depuis les affrontements de 2007.
On se doute bien que ce rapprochement n’est pas du tout du goût d’Israël. A l’occasion du troisième anniversaire de l’assaut de Gaza qui avait causé la mort de1.400 Palestiniens et de 13 Israéliens, le chef d’Etat major de l’Etat hébreux a annoncé qu’une nouvelle opération militaire contre Gaza aurait lieu «tôt ou tard», et qu’elle serait «rapide et douloureuse». Elle devra surtout se faire sans la complicité passive de Moubarak, ce qui la rend bien plus délicate. Et c’est là un des autres aspects de la reconfiguration de la région: Israël n’est plus le maître du jeu…

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