Droit de vivre au pays Versus Main invisible du marché

Un sondage montre que les habitants du Pays Basque sont soucieux de ne pas laisser le problème du logement à la seule loi du marché et sont favorables à une régulation publique pour en encadrer les règles.

Le sondage IFOP réalisé pour le compte de Sud-Ouest a donné, pour la première fois, une photographie de l’état de l’opinion locale sur la question du logement en Pays Basque. 72 % des personnes interrogées constatent une pénurie de logements disponibles au Pays Basque. Sur un territoire où les 2/3 sont propriétaires, on trouve pourtant une majorité de 55 % pour demander un encadrement des prix de vente et de 63 % favorable à un encadrement des loyers !

Indispensable régulation publique

Enfin, 71 % des personnes interrogées plébiscitent la mesure de compensation qui est entrée en vigueur le 1er mars 2023. Le directeur de l’IFOP Jérôme Fourquet souligne le « véritable consensus sur le diagnostic et les solutions » révélé par le sondage : « Il y a une majorité de personnes qui pensent qu’il faut une régulation publique et que si on n’enlève pas la main invisible, on n’y arrivera pas ».

Effectivement, ce premier sondage sur le logement en Pays Basque signe une vraie victoire culturelle et idéologique de ceux qui ont multiplié ces deux dernières années actions et propositions pour protéger le droit de vivre et se loger au Pays.

C’est un acquis indéniable qui ouvre la porte à d’autres victoires, et qui invite à maintenir la pression et la mobilisation. Le constat est désormais largement partagé : la fameuse main invisible du marché ne sert pas l’intérêt général, bien au contraire elle lui nuit frontalement.

L’échec de la main invisible

Selon Adam Smith, auteur ayant inspiré le libéralisme économique, la poursuite de l’intérêt individuel entraîne pour chacun un comportement qui a pour effet d’aboutir, au niveau de la nation, à la meilleure organisation économique possible.

Le mobile « égoïste » qui amène chaque individu à améliorer sa situation économique engendre donc au plan collectif des effets bénéfiques en réalisant l’intérêt général comme si les individus étaient « conduits » à leur insu par une « main invisible », véritable mécanisme autorégulateur du marché qui permet, grâce à la concurrence, une utilisation optimale des ressources productives.

La destruction préoccupante de la biodiversité ou la déstabilisation actuelle du climat démentent depuis longtemps cette théorie qui se casse également les dents sur la question du logement.

Si on laisse libre la poursuite de l’intérêt individuel dans les domaines foncier et immobilier d’un territoire attractif comme le Pays Basque, sans encadrer et réguler fortement ce marché, on arrive tout droit à une aberration environnementale et sociétale, et au délogement des populations locales chassées par ceux qui ont un pouvoir d’achat plus important.

Délogement en marche

Ce délogement est en marche et frappe en premier lieu les personnes les plus vulnérables de notre société. La transformation en airbnb permanents des logements jusqu’ici habités à l’année a d’abord pénalisé les personnes aux plus petits revenus : personnes invalides, femmes seules avec enfant, jeunes étudiants ou travailleurs précaires qui payaient un petit loyer pour des studios, T1 voire T2 et étaient les premiers visés par les « investisseurs financiers ».

Ces petits logements convenaient très bien aux couples séjournant une semaine sur la côte basque et pouvaient s’acheter pas trop cher en permettant donc, grâce aux locations sur Airbnb ou LeBonCoin, un retour sur investissement rapide. Les personnes ainsi délogées ne parvenaient plus à se reloger dans le parc locatif privé, amputé de milliers de ces logements transformés en meublés de tourisme et où les loyers avaient flambé. Elles n’avaient plus, comme perspective, que de trouver un logement social (le fameux tonneau des Danaïdes où la production de nouveaux logements sociaux sert à absorber le flux des foyers délogés du parc locatif privé qu’on n’a pas protégé de la spéculation) ou partir.

Alda a récemment dénoncé la proportion tout à fait anormale de congés pour vente ou pour reprise en Pays Basque nord. Selon les propres chiffres du ministère de la justice, les assignations devant le juge pour « validité de congés expulsions » au Tribunal de Bayonne n’ont cessé d’augmenter depuis 2012. Pour ne prendre que la dernière année pour laquelle nous disposons de telles statistiques, 2019(1), leur nombre est supérieur à celui des procédures similaires pour les tribunaux de Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes… réunis !

Et maintenant les personnes âgées

Alda le voit chaque semaine dans ses permanences (2) et constate, avec préoccupation et une indignation grandissante, qu’un autre type de public vulnérable est de plus en plus souvent en première ligne de cette grande vague de délogement : les personnes âgées aux revenus modestes, frappées par des congés pour vente ou des congés pour reprise factices. Leur statut de locataire protégé (3) ne tient pas face au profil des acheteurs. En effet, une majorité des acheteurs de futures résidences secondaires a plus de 65 ans, donc l’âge permettant de faire sauter la clause de locataire protégé chez les locataires âgés.

Et ces « nouveaux propriétaires basques » n’ont apparemment aucun état d’âme au moment de déloger des personnes plus âgées qu’eux pour faire de leur logement un pied-à-terre qui restera vide la plus grande partie de l’année.

Sans état d’âme

En écho à cette absence d’état d’âme, les propriétaires airbnb et responsables de conciergerie, qui s’étaient mobilisés en masse lors du Forum logement co-organisé par Sud-Ouest et Entzun le 23 mars dernier, ont accueilli par des huées méprisantes un cri d’alarme sur ce problème.

Figurant parmi les intervenants de ce Forum, je venais d’énumérer la liste des personnes âgées victimes d’un congé délivré par des propriétaires de plus de 65 ans et ne trouvant pas à se reloger, dont Alda s’occupait cette même semaine où se déroulait ce Forum : Jeanne, 72 ans, de Bidart ; Lucienne 86 ans d’Anglet ; Denise, 76 ans, de Bayonne ; Jocelyne, 68 ans, d’Anglet ; Yves et Jacqueline, 90 et 87 ans, d’Anglet ; Joseph et Marie-Aurore, 83 et 77 ans d’Anglet ; Jacqueline, 91 ans, de Bayonne.

Continuer à gagner, et vite !

Pour toutes ces personnes et tant d’autres, nous devons continuer à gagner, et vite, d’autres victoires après celle de la compensation. L’interdiction des congés pour vente quand le bien doit devenir une résidence secondaire, la possibilité de servitudes imposant un pourcentage le plus haut possible de résidences principales dans les PLU(i), la taxation maximale des stocks et des flux pour les résidences secondaires et la possibilité d’imposer une mesure de compensation dans ce domaine également, l’inversion des règles absurdes de fiscalité qui aujourd’hui avantagent la location de courte durée sur la location à l’année via des baux de 3 ans, des aides et dispositifs spécifiques pour la production de logement social en zone tendue etc.

C’est ce qu’ont réclamé avec force les milliers de manifestants réunis à Bayonne ce samedi 1er avril 2023.

(1) Les données relatives au contentieux locatif ne sont plus disponibles depuis l’entrée en vigueur de la loi de programmation et de réforme pour la justice du 23 mars 2019

(2) Alda accompagne désormais de 20 à 25 nouvelles familles ou personnes en butte à divers problèmes de logement chaque semaine, soit plus de 1000 en rythme interannuel !

(3) Quand on a plus de 65 ans, le propriétaire qui vous remet un congé est tenu de vous proposer une solution de relogement, sauf si lui-même a plus de 65 ans…

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