Exilés sans ancrage, société sans avenir

À l’approche des municipales, soutenons les listes qui défendent l’accueil et poussons nos villes à rejoindre le réseau des « villes accueillantes ».

Aujourd’hui, face au déferlement de discours et de propos racistes et haineux, la question migratoire suscite souvent une forme de lassitude et de résignation. Pourtant, l’accueil des migrants et la solidarité à leur égard sont plus que jamais indispensables.

La santé mentale est devenue l’un des symptômes les plus criants de notre crise collective. Partout, le tissu social craque : jeunes en détresse, mères isolées, soignants épuisés, agriculteurs acculés.

Mais il y a aussi ceux dont on s’émeut moins, sans droits, sans abri, sans statut : les personnes migrantes. Elles subissent l’indifférence, le rejet et cristallisent la haine. Les discours politiques de plus en plus hostiles, que l’on croyait lointains, résonnent désormais jusqu’ici, au Pays Basque.
Comme le rappelait Simone Weil, le besoin d’enracinement est « le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine ». Alors, ici, continuons à cultiver cette terre d’accueil : elle est le terreau d’un avenir commun, plus stable et plus serein.

Une société qui rend fou

Nous savons qu’une grande partie des personnes migrantes porte en elles le poids d’un passé marqué par la violence, la fuite, l’incertitude. Des années en mode survie, sans ancrage, laissent des traces : du stress, des troubles, du silence. Mais on mesure mal ce que notre société leur inflige une fois la frontière franchie. Une angoisse constante : être contrôlé, expulsé, empêché de construire quoi que ce soit.

Vivre sans papiers, c’est vivre dans l’épuisement du provisoire. Le film L’Histoire de Souleymane le montre avec justesse : quand on est sans papiers, chaque démarche, chaque attente devient un combat.

« Vivre sans papiers, c’est vivre dans l’épuisement du provisoire. »

Selon l’OMS, les migrants exposés à l’adversité ont davantage de risques de souffrir de dépression, d’anxiété ou de stress post-traumatique. Le suicide serait plus fréquent chez les demandeurs d’asile. Ces troubles sont liés à la précarité, à l’absence d’horizon et de soins. Et quand cette souffrance déborde, certains discours retournent la situation : la détresse devient suspecte, la fragilité devient menaçante. Même ici, en Iparralde, le préfet n’a plus de scrupule à appliquer avec zèle les politiques de Paris en assimilant délinquant et migrant.

Les politiques en place prennent les effets pour les causes. Elles produisent de la souffrance, puis s’en méfient. Refus de titres de séjour, obligation de quitter le territoire français (OQTF), assignations, enfermements : la réponse politique n’apaise rien. Elle ajoute de la pression, et produit les bombes à retardement qu’elle prétend désamorcer. En maintenant des milliers de personnes dans l’irrégularité, l’État français organise lui-même l’instabilité qu’il dit combattre. En 2024, plus de 140 000 OQTF ont été prononcées. Moins d’une sur dix a été exécutée. Le reste, c’est une clandestinité forcée, et une politique aussi inhumaine que coûteuse.

Garagiste en Normandie, saisonnier à Guéret, maçon en Iparralde, … La liste de cas réels d’OQTF est longue. Jusqu’à l’absurde : une aide-soignante sous OQTF, un psychiatre renvoyé d’un hôpital en manque criant de personnel. C’est l’État français qui se moque de l’hôpital et de la charité.

Et pourtant, dans une société vieillissante, où la question des retraites et du soin aux aînés se pose avec urgence, empêcher ces forces vives de s’installer n’a pas de sens. Qui, demain, s’occupera des plus âgé·es si l’on repousse celles et ceux qui veulent le faire aujourd’hui ?

Une humanité subversive

Aujourd’hui, la question migratoire suscite souvent une forme de lassitude et de résignation. Comme si le terrain avait été tellement occupé par les discours les plus durs qu’il ne resterait plus de place pour une parole de dignité. Rappeler une idée simple, comme le droit d’exister dans la dignité, suffit à déclencher une avalanche de réactions hostiles, de commentaires violents, comme venus d’un autre monde. Tenir un discours de solidarité semble désormais provoquer. Mais si ce langage paraît radical, c’est sans doute qu’il est devenu indispensable.
À l’approche des municipales, alors que certaines communes se revendiquent comme « villages vigilants », faisons un autre choix : soutenons les listes qui défendent l’accueil et poussons nos villes à rejoindre le réseau des « villes accueillantes ».
À l’heure où tout pousse à l’arrachement, créer des lieux d’ancrage humain, où chacun·e peut se tenir debout, est un acte profondément politique. Priver une partie de ses habitant·es de droits, de place et de reconnaissance, c’est organiser l’instabilité et l’insécurité.
Et pour celles et ceux qui veulent faire leur part, c’est toujours la même adresse : Etorkizuna (1). Continuons à cultiver cette terre d’accueil : elle est le terreau d’un avenir plus juste et plus serein. Offrir un point d’ancrage à ceux qui en ont été privés, c’est déjà tracer les lignes d’un avenir plus juste.

(1) www.etorkizuna-pb.eus

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