
L’Edito du mensuel Enbata
Les cendres des incendies monstres de Californie sont encore chaudes et Paris Hilton et son chihuahua pleurent toujours la disparition de leur bicoque de 1 300 mètres carrés de Beverly Hills, à Los Angeles (à moins qu’il ne s’agisse de la beach house de Malibu, les sources manquent de précision sur le sujet). 14 000 hectares partis en fumée, 24 morts, 12 000 habitations détruites : les habitants d’une des régions les plus riches de la planète font face à l’amère réalité des effets concrets du dérèglement climatique. Comme ce riverain qui, sur Quotidien, partage ce témoignage déchirant : « Un jour, vous êtes dans votre piscine, et le lendemain, vous n’avez plus rien ». C’est désormais une communauté de destin qui les lient aux Africains (163 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë en 2024) ou aux Bangladeshis avec 5,6 millions de victimes des inondations en 2024 (« Un jour, tu es dans ton bidonville, et le lendemain, tu n’as plus rien. »). Dans un monde où le dérèglement climatique n’est plus une prédiction rabat-joie d’une poignée d’écolos hirsutes et de climatologues fans de carottes, l’adaptation est devenue un enjeu majeur auquel nos sociétés sont tout autant impréparées qu’elles ne le sont pour sa grande soeur atténuation. La question de « qui paye » et « qui assure » y devient centrale. Aux État-Unis, les incendies de Californie pourraient être les plus coûteux du pays avec une estimation à 275 milliards de dollars (il est donc probablement plus rentable d’investir dans la lutte contre le dérèglement climatique plutôt que d’en payer les pots cassés, mais c’est une autre histoire). Le département du Trésor étasunien a publié une étude mi-janvier montrant que les propriétaires vivant dans des régions les plus à risque de catastrophes climatiques ont payé leurs assurances 82 % plus cher que ceux dont le logement est situé dans des zones moins risquées du pays. Dans la Californie démocrate, c’est l’État local et son fonds assurantiel public qui est censé couvrir ceux qui ne sont plus assurés (c’est donc en partie la collectivité qui va payer). En France aussi, les questions d’assurance commencent à dessiner une nouvelle géographie des inégalités. Dans le Nord, après les vagues d’inondations records de 2024, c’est le niveau des cotisations d’assurance qui grimpe dangereusement. À Blendecques (4 800 habitants), la cotisation annuelle est passée de 47 000 à 142 000 € en 2025 avec en prime une nouvelle franchise de 500 000 €. Les particuliers eux aussi en font les frais, et certains se sont vus tout bonnement radiés de leur assurance habitation. Dans le Sud-Est, c’est la commune entière de Breil-sur-Roya qui s’est vue radiée.
Et si nous décidions de ne pas indemniser les résidences secondaires en cas de catastrophe naturelle ? Si le budget des assurances est en souffrance à cause de l’augmentation des catastrophes naturelles, allons à l’économie ! Au Pays Basque, sous l’effet du dérèglement climatique, l’océan grignote inexorablement le trait de côte et menace les habitations en flanc de mer. Des localisations prisées pour lesquelles les montants peuvent atteindre des sommes astronomiques et qui servent plus souvent de résidence secondaire que d’habitation principale au pêcheur du coin. Il serait quand même plus logique de privilégier les habitants à l’année des zones à risque (qui n’ont rien demandé) plutôt que d’indemniser les résidences secondaires (souvent chères) de ceux qui peuvent s’en payer d’autres et dont le mode de vie a contribué à cette panade généralisée. Si, au passage, cela participe à dissuader d’investir dans des résidences secondaires là où frappe la crise du logement, tant mieux. De toute façon, comme a dit Paris Hilton (dont la fortune est estimée à 300 millions de dollars en 2018) : « L’important, c’est l’amour qu’on se porte« .