Le dégel au Sahara ?

280px-Western_Sahara_(orthographic_projection)Près de 30 ans après le cessez le feu au Sahara occidental, le Front Polisario parvient à relancer l’engagement d’un referendum sur son territoire en dénonçant les accords commerciaux entre le Maroc et l’Union Européenne.

Le Sahara Occidental est selon l’ONU le dernier “territoire non-autonome” (c’est-à-dire non décolonisé) en Afrique. Pour beaucoup, ce territoire désertique de 266.000 km2 était condamné à conserver ce statut indéfiniment, tant le droit international semblait avoir peu de prise sur le Maroc qui occupe 80% de l’ancienne colonie espagnole.

Mais les indépendantistes sahraouis du Front Polisario ont entamé il y a deux ans une stratégie de dénonciation des accords commerciaux entre l’Union Européenne (UE) et le Maroc. Une stratégie qui réussit à faire vaciller le statu quo… avec le soutien inattendu de John Bolton, le très conservateur conseiller à la sécurité nationale de Trump !

Après seize ans de guerre, le Front Polisario (soutenu par l’Algérie) avait signé en 1991 un accord de cessez-le-feu avec le Maroc, qui prévoyait l’organisation d’un référendum d’autodétermination dans les six mois et l’établissement à cet effet de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour un référendum au Sahara Occidental).

Les deux parties n’ont cependant jamais pu s’entendre sur la composition du corps électoral, et le Maroc —qui propose depuis 2007 une autonomie sous autorité marocaine— semble ne plus envisager la tenue d’un référendum…

Bataille juridique

C’est dans ce contexte que le Front Polisario s’est engagé dans une bataille juridique visant à dénoncer les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc, notamment pour la pêche et l’exploitation des gisements de phosphate.

Cette campagne a conduit la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) à statuer en 2016, puis en 2018, que “le peuple sahraoui n’a pas disposé librement de ses ressources naturelles, comme l’impose pourtant le droit à l’autodétermination”.

Ces décisions de la CJUE minent les négociations entre la Commission européenne et le Maroc, à tel point que même les jeunes du Parti Populaire Européen ont appelé à exclure le Sahara Occidental des accords de libre échange passés avec le Maroc.

Ebranlé par cette offensive juridique, le Maroc a réagi avec véhémence en accusant le Front Polisario d’avoir des liens avec Al-Qaida au Maghreb islamique et avec l’Organisation de l’Etat islamique, en menaçant l’UE de se diriger vers d’autres partenaires commerciaux comme la Russie ou la Chine, en menaçant d’ouvrir le robinet à migrants, etc.

De manière plus constructive, le royaume chérifien a réintégré l’Union Africaine (UA) qu’il avait quittée en 1984 pour marquer son désaccord avec l’organisation qui refusait de reconnaître son autorité sur le Sahara Occidental.

Ce retour s’est effectué malgré l’opposition de l’Afrique du Sud et du Zimbabwe —qui mettaient comme préalable le retrait des soldats marocains du Sahara Occidental— mais avec l’accord de l’Algérie, soutien historique des Sahraouis, et même celui du Front Polisario. Ce dernier se réjouit de voir que “le Maroc a accepté sans condition les principes et les objectifs contenus dans l’acte constitutif” de l’UA qui est très explicite sur le droit à l’autodétermination.

Cette volonté des deux adversaires de prendre une posture conciliante n’était probablement pas étrangère à la tenue d’une réunion du Conseil de Sécurité portant sur l’avenir de la MINURSO.

Cette dernière est normalement reconduite sans encombre chaque année, mais la récente nomination de John Bolton comme nouveau conseiller à la sécurité nationale de Trump a changé la donne.

Responsable en grande partie des mensonges sur les armes de destruction massive irakiennes qui ont motivé l’invasion de l’Irak en 2003 et partisan d’une intervention militaire en Iran, cet ultra-conservateur a été salué par le Front Polisario comme “un ami du peuple sahraoui”. Cela semble complètement improbable mais s’explique par le fait que Bolton avait travaillé avec James Baker, le représentant de l’ONU au Sahara Occidental qui avait proposé en 2004 un plan prévoyant une période d’autonomie de cinq ans suivie d’un référendum d’autodétermination. Ce plan avait été refusé par le Maroc, et Bolton en aurait gardé un certain ressentiment.

Conflit gelé

Il faut donc peut-être voir la patte de Bolton dans la volonté affichée par les Etats-Unis de remettre en question le rôle de la MINURSO, qui est selon eux “un exemple de manuel d’une mission de maintien de la paix qui ne sert plus un objectif politique” car le Conseil de Sécurité “a laissé le Sahara occidental devenir un conflit gelé”.

Toujours est-il que le Conseil de Sécurité, dans sa résolution 2414 d’avril dernier, a affirmé “la nécessité d’accélérer le processus politique” et n’a reconduit la MINURSO que pour six mois afin de faire monter la pression sur les deux parties.

Il se pourrait donc que la situation change davantage dans les six mois à venir que durant les 27 dernières années. Durant ces six mois, les deux parties vont devoir s’attirer les bonnes grâces du Conseil de Sécurité et tout particulièrement des Etats-Unis. Le Front Polisario s’est ainsi empressé de montrer ses bonnes dispositions en déclarant “sa pleine disponibilité à engager des négociations directes sans conditions préalables avec le Maroc”. Rabat a par contre choisi d’user de la bonne grosse ficelle diplomatique en rompant ses liens diplomatiques avec l’Iran ! Personne ne croit aux raisons avancées (le Hezbollah, qui s’ennuierait un peu au Liban et en Syrie, serait venu soutenir militairement le Front Polisario), mais Bolton, obsédé par l’Iran, appréciera toujours le geste… Plus que sur le soutien de leur “ami” Bolton, c’est donc la bataille juridique lancée par le Polisario sur les accords commerciaux qui pourrait enfin “dégeler” la situation au Sahara Occidental.

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