Le massacre des paysans

AGriM

Le départ d’Andde d’Uhaldegaraia après celui d’Edouard de Garralda nous a tous secoués, ébranlés. D’autres diront mieux que moi combien ils étaient dynamiques, actifs au service des paysans du Pays Basque, combien ils manqueront dans notre monde paysan.

Beaucoup se posent la question : que s’est-il passé dans leur tête? Eh bien, il ne s’est rien passé. C’était des paysans aussi sains d’esprit que de corps. Ils n’avaient pas de tendance dépressive. Ils ne se sont pas suicidés. On les a tués. On les a assassinés. Savez-vous que chaque année plus de 600 paysans font la même chose? Oui! 600 par an, soit pratiquement douze par semaine, deux par jour. Cela fait 6.000 tous les dix ans. Un vrai massacre. Non! Il ne s’agit pas de suicides mais d’assassinats. Ils ont été écrasés par un rouleau compresseur conçu et manipulé par d’autres. Des paysans comme Andde, Edouard et des autres, ils s’en foutent. Ce massacre de paysans, ils n’en ont même pas conscience.

Comme Baal, Ashera, Mammon et les autres idoles de l’Ancien Testament nous avons aussi les nôtres qui leur sont bien supérieurs. Ils s’appellent Argent, Progrès, Développement, Croissance, Rentabilité, Rendement etc…. Puisque nos idoles demandent du sang humain, on leur en donne. Cela ne pose aucun problème. Vous qui croyiez que le sacrifice d’Isaac par Abraham avait marqué la fin de cette barbarie!

Dans mon enfance j’ai appris qu’il y avait un quatrième commandement de Dieu qui nous interdit de tuer. Quand je vivais au milieu de la forêt vierge Ivoirienne j’ai vu que chez les païens n’ayant jamais entendu parler de la Bible, il était aussi interdit de tuer. Dans certaines sphères du monde dit civilisé, l’on a dépassé ce stade jugé trop primitif, trop réactionnaire. Puisqu’il faut tuer, pour le plus grand bien de l’humanité bien sûr, versons du sang humain qui a une valeur bien supérieure à celui des veaux ou des boeufs de l’Ancien Testament. Ces nouveaux sacrificateurs, il leur faut 600 victimes par an.

Et personne ne bouge. Où sont les élus? Ceux de Paris, ceux de Bruxelles, formatés dans les mêmes « grandes » écoles : ENA, Agro, Polytechnique etc… Où est la presse? Ils ont d’autres chats à fouetter. Cet avion qui s’écrase dans la forêt landaise, cet alpiniste qui dévisse sur le Mont Blanc, toute la France doit être au courant. Immédiatement. Des paysans ? Vous rigolez! Quel est le poids d’un petit cul-terreux à côté d’un pilote ou d’un alpiniste ?

Vous entendrez à la radio ou à la télé qu’en telle ville un policier s’est suicidé, que c’est le 27° ou le 34° de l’année : ils sont 45 par an dans ce cas. On nous a informés de la condamnation à la prison ferme du directeur de France Telecom à la suite d’une vague de suicides dans les PTT dont on nous a entretenus longuement : il y avait eu une cinquantaine de suicides en un an. Ces jours-ci on nous aussi parlé en long et en large de l’attentat du Bataclan, en 2015 : 135 victimes. Tous de trop les uns comme les autres. Mais nous sommes très loin des 600 paysans.

Il est tout à fait normal que l’on soit touché par la mort de policiers, des facteurs etc… que l’on compatisse à la douleur de leurs familles. Les paysans seraient-ils les seuls à ne pas avoir droit à la compassion ? Pourquoi ce silence assourdissant autour de ces assassinats en masse ? Sur le fronton des mairies vous lirez « égalité ». L »égalité » veut-elle que l’on s’émeuve de certains morts, alors que ces centaines d’assassinats sont considérés comme quantité négligeable ? Les paysans seraient-ils une classe inférieure, les délits de nos sociétés supérieures européennes? Les derniers survivants des serfs du Moyen Age? Taillables et corvéables à merci!

Journaliste à la retraite, je trouve scandaleux et intolérable le silence de l’ensemble de la presse sur ce drame. Combien de fois ne nous ont-ils pas informés sur le mauvais traitement des bêtes dans les abattoirs. Mais sur le massacre annuel de 600 paysannes et paysans, c’est silence radio. La presse française serait-elle plus sensible aux cochons qu’à des personnes humaines?

Le feuilleton du match OM-Marseille ou l’épopée de Messi sont toujours d’actualité : que Messi soit à Paris ou à Barcelonne, cela changera-t-il le cours de l’histoire? Ici, c’est la vie de 600 paysans et paysannes qui est en jeu. Chaque année. Et c’est le silence, si ce n’est à des doses homéopathiques.

Le changement

Le 10 septembre dernier les amis d’Andde avaient rempli la vaste église de Mendionde et ses trois rangées de galeries une heure avant l’heure des funérailles; des centaines ont dû rester dehors. Nous lui avons assuré une très belle cérémonie qui a mis un peu de baume dans des coeurs déchirés. Il ne faudrait pas nous croire quittes à la sortie de l’église, avec le sentiment du devoir accompli, pour reprendre le train train de la vie quotidienne, comme avant. Il est temps que cet « avant » cesse. Le départ d’Andde doit être le début du changement; il doit préparer le jour où les paysans ne seront plus considérés comme des sous-humains, Tout juste bons à servir de victimes pour les sacrifices offerts aux dieux modernes si vénérés cités plus haut. Non! Les paysans sont des êtres humains au même titre que tous les autres, aussi respectables et estimables que tous les autres, jouissant des mêmes droits et devoirs. Du droit à la vie en premier lieu.

Les paysans comptent donc dans leurs rangs 6.000 décès tous les dix ans; ce massacre n’est pas l’effet du hasard. Il est urgent de chercher quelle en est la cause . De démasquer les responsables, les assassins, et d’arrêter le rouleau compresseur qui les écrase. C’est urgent. Chaque jour qui passe, c’est deux paysans de plus sur la liste des victimes. Une fois la cause trouvée il faudra y porter remède. Cela ne se fera pas sans peine ni douleur. Il faudra prendre des mesures drastiques. Cela demandera de l’argent. Il y en a. Combien de milliards le gouvernement n’a-t-il pas distribué à toutes le entreprises touchées par le fièvre chinoise ? Avec quelle rapidité! Résultat, en France, 309.000 millionnaires nouveaux ! Et en même temps l’on assassine plus de 600 paysans et paysannes! Chaque année! Et il y a des années que cela dure !

Paysans Basques vous êtes capables de vous mobiliser autour de cette cause. Vous avez fait la preuve de votre efficacité bien des fois déjà. Mais la solution ne se trouve pas ici. Les assassins ne sont pas ici. Il faut aller plus loin. Là où l’on décide. Ou que l’on ne décide pas. Même pour la presse : ce sont les lobbies parisiens qui font l’opinion publique et nous ne pouvons gagner sans mettre l’opinion publique de notre côté.

L’apôtre St-Jean disait que si nous voyons notre frère dans le besoin sans lui venir en aide, l’amour de Dieu n’est pas en nous. L’amour sans acte, cela n’existe pas. Alors, passons aux actes. Paysans, ne vous laissez pas assassiner en silence. Relevez la tête. Révoltez-vous pour que cesse ce massacre.

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2 réflexions sur « Le massacre des paysans »

  1. Super article ,il faut que les paysans arrête de se voiler la face , on est des esclaves dans tous les types d’agriculture . Lors du confinement on était métier essentiel ,on nous a vite oublié .

  2. Le suicide n’est pas un probléme de classe sociale . Et méme chez le millionnaire , on trouves des dépréssions , des suicides , et de la consommations de drogue dure en particulier chez leurs enfants ( qui est une autre formes de suicide plus lent ) .
    Cela touche les pays riches Scandinaves et aussi plus pauvre comme la Chine , en passant par les Amérindiens du Canada et les Inuits du Groenland . Et se n’est pas quelque chose de récent qui as pour origine le capitalisme et l’industrialisation mais quelque chose d’ancrée dans l’étre humains .
    Les agriculteurs ( ou paysans pour ceux qui sont proches de ELB , mais c’est un autre débat ) ne sont pas des cul terreux , se sont des chefs d’entreprise avec toutes les responsabilités qui vont avec ! Et c’est pour cela qui le taux de suicide y est plus élevée . Un chef d’entreprise qui travail bien souvent seul , beaucoup d’heure , jour et nuit aussi parfois , malades ou pas , dans le froid ou le chaud , et qui est responsables seul de ces échec ou de ces réussites . Dans un monde qui ne connait plus la faim , l’agriculteur est devenue inutiles . Donc il se supprime !!
    Rajouter a cela , l’administration agricole qui compte un fonctionnaire pour un agriculteur ( Mme Pécresse veut supprimer 150 000 fonctionnaires , pour ma part elle trouvera 1 millions facile ) , les chiens errants qui massacre les troupeaux , les maladies avec les hommes en bottes et combinaison blanche quelque jours plus tard . Et toutes les nouvelles menaces avec le retours de l’ours et du loup , le vegan ( qui n’as pas compris que si le singe est devenue homme , c’est grace a la viande ) , et l’association su aski qui a bien l’intention de faire interdire l’écobuage en allant gratter au porte du ministéres de l’écologie a Paris .

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