Le PNV fait plier le gouvernement espagnol (1/2)

Mariano Rajoy (à droite)  à La Moncloa avec le Porte parole du PNV au Congrès Aitor Esteban (à gauche).
Mariano Rajoy (à droite) à La Moncloa avec le Porte parole du PNV au Congrès Aitor Esteban (à gauche).

En échange du vote du budget de l’Etat espagnol, le PNV obtient un milliard six cents millions d’euros supplémentaires de revenus fiscaux, ainsi qu’un ensemble considérable d’aides en matière d’infrastructures économiques et culturelles. Voici un décryptage de l’accord signé entre Gasteiz et Madrid le 3 mai dernier. Les cinq députés PNV aux Cortes votent donc cette année en faveur du budget présenté par Rajoy. Qu’en sera-t-il l’année prochaine?

Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy est très affaibli. Non seulement par la corruption et les scandales à répétition, mais surtout parce que son parti est loin de la majorité absolue aux Cortés. Le PP ne dispose que de 137 députés et il lui en faut 176 pour faire voter le budget 2017. Alors Mariano Rajoy est obligé de négocier avec Ciudadanos (32 élus), UPN, Coalition canarienne, le seul député de Nouvelles Canaries et… le PNV dont les 5 députés valent de l’or. Les Canariens ont obtenu au total 850 millions d’euros et le PNV a fait monter les enchères. Après des semaines de négociation, un accord a été signé in extremis le 3 mai, pour éviter que dans la procédure d’approbation du budget de l’Etat, les députés basques fassent capoter le projet. L’accord comporte 36 chapitres.

Le premier porte sur le calcul du cupo, quote-part que la Communauté autonome basque qui collecte la plupart des impôts, verse chaque année au gouvernement central pour les compétences qu’elle ne détient pas. Ce cupo est réévalué tous les cinq ans et fait l’objet d’une négociation au couteau. En échange de ses cinq voix, le PNV a obtenu le reversement d’un milliard quatre cents millions d’euros, qui met fin à dix années d’incertitude financière.

Mais ce n’est pas tout. L’Etat versera 3,380 milliards d’euros pour achever d’ici 2023 la construction du TGV basque, aujourd’hui en panne. Une nouvelle qui décevra les opposants aux voies nouvelles de TGV en Iparralde. Le gouvernement de Gasteiz n’a de cesse que de relier le « Y basque » au réseau européen, il veut y parvenir en 2025. Toujours en matière d’infrastructure, 15 passages à niveau de lignes de chemin de fer classiques, en particulier autour de Bilbao, seront supprimés ou réorganisés pour les sécuriser.

Electricité, culture et police autonome

Troisième point: baisse du prix des tarifs de l’électricité destinée aux entreprises de la Communauté autonome, soit un gain de 50 millions d’euros. Le prix du KW sera identique à celui pratiqué en Navarre, Cantabrie et Castille-Léon.

Quatrième point: 220 millions d’euros seront attribués à la construction de deux plates-formes logistiques à Lezo (Gipuzkoa) et en Araba. La police autonome basque aura directement accès aux sources d’information policière européenne, sans passer par le filtre de l’Etat, en particulier auprès du Centre de renseignement contre le terrorisme et le crime organisé ou d’Europol. Les effectifs de la Erzaintza seront augmentés, le conflit judiciaire qui a défrayé la chronique pour le recrutement de sa 26ème promotion est clos. L’Etat abondera à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros supplémentaires au budget de grandes institutions culturelles: Euskaltzaindia, Aranzadi, Eusko ikaskuntza, Artium, salines d’Añaña, université d’Arrasate, Musée maritime de Bilbo, festival de cinéma de Donostia, opéra de Bilbo, etc. 1,7 millions d’euros seront attribués à l’aménagement de la plage de Zumaia, et le projet de construction d’un véhicule électrique recevra 50 millions d’euros. Le plan d’assainissement de la haute vallée du Nervion bénéficiera d’une importante dotation et la construction d’éoliennes recevra une pourcentage plus important des fonds européens FEDER. Le gouvernement basque récupèrera les terrains de la centrale nucléaire de Lemoiz qui n’a jamais été mise en route depuis 1984, du fait d’une opposition acharnée et violente.

Quelque intérêt à lâcher du lest

Cet accord entre l’Etat central et un petit parti « périphérique » éclaire bien la marge de manoeuvre et les possibilités de négociation entre Basques et Espagnols. Ceux-ci ne consentent à négocier que lorsque cette opération sert leurs intérêts. Qu’il soit de droite ou de gauche, peu importe, le parti aux affaires à Madrid a parfois besoin des voix des Basques pour arriver au pouvoir ou approuver le budget de l’Etat. Alors le même scénario se met en place. Le PNV obtient ainsi en 2011 du gouvernement socialiste de Zapatero le transfert de 11 compétences officiellement attribuées trente ans plus tôt dans la statut d’autonomie. Aznar fit de même pour 6 transferts en 1996. Le cupo fut au coeur de négociations successives avec le PP en 2002 ou avec les socialistes en 2010, pour obtenir que ce système fiscal ne soit pas remis en cause.

Lorsque le pouvoir central dispose d’une majorité stable, quand il est solide, rien à attendre de lui. Si jamais il est fragile, alors tout change.

Le 7 octobre 1936, les Basques obtinrent après des années de tergiversation leur premier statut d’autonomie, alors que la République espagnole était déjà à genou et désirait ardemment le soutien des régions.

Le deuxième statut fut octroyé le 19 décembre 1979 lorsque le pouvoir central faisait sa mue post-franquiste, la Transition, période à haut risque éminemment incertaine et instable s’il en est. Là encore, à Madrid, aucun soutien n’était à négliger. Pour les Basques, les périodes qui permettent de secouer le cocotier avec quelque chance de succès, sont rares. Monnayer les voix de quelques députés rappelle la pratique des micro-Etats qui monnayent auprès d’une grande puissance leur voix à l’assemblée générale de l’ONU, en échange de la construction d’un hôpital, d’un stade, d’un aéroport….

Accorder ce que l’on a déjà donné

Deuxième remarque: la gué-guerre des Espagnols à l’encontre des nationalités de la Péninsule est incessante. Ils refusent de transférer des compétences accordées dans les textes depuis des années, ils brident ou remettent en cause par les voies législatives, administratives ou judiciaires les décisions des institutions autonomes, voire leurs compétences. Mais au final, tout cela constitue leur trésor de guerre lorsqu’ils sont obligés de lâcher du lest pour des raisons d’opportunité: ils accordent souvent ce qu’ils ont déjà accordé par le passé sur le papier ou les fonds et les compétences qu’ils ont bloqués ou laminés durant les années précédentes.

Excellent moyen pour Madrid de verrouiller le système, de gagner du temps. De décourager les revendications qui iraient au-delà des statuts en vigueur.

Le PNV indique aujourd’hui que 35 compétences, soit 25% du statut de Gernika, sont toujours en suspens. Il réclame en particulier le droit de gérer la caisse de la Sécurité sociale, la compétence sur les prisons et la possibilité de participer aux négociations internationales dont l’objet affecte les droits historiques des quatre provinces.

Beaucoup affirment que les statuts de la Communauté autonome et de la Navarre disposent de pouvoirs étendus. Leurs compétences fiscales font des envieux, en particulier du côté catalan.

Mais la liste de ce que vient d’obtenir le PNV laisse perplexe. Profitant de vents favorables, il doit se battre vaillamment pendant des mois pour… modifier les passages à niveau, récupérer quelques hectares de friche industrielle, assurer la pérennité de son système fiscal, financer la recherche et la culture, etc. Maintenir l’acquis, en somme. Tout cela en dit plus long qu’un long discours sur la sujétion des Basques face à l’Espagne, la nature, l’ampleur de leur dépendance.

Suite et fin de l’article, à la prochaine News Letter Enbata.info.

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