Le sens du 8 avril

Sens8AvrilCe fut une initiative sans précédent: la société civile prenait le relais d’ETA pour mener le désarmement de l’organisation. Par la nature de l’implication de la société basque dans l’écrasante majorité de ses composantes et l’ampleur de la mobilisation, ce 8 avril restera dans les annales des résolutions de conflits. Maintenant que le désarmement est réalisé, dans de très bonnes conditions, il faut mettre sur la table de discussion tous ces sujets qui auraient pu, légitimement, être autant de conditions posées par les uns ou les autres.

Le lendemain de Luhuso, nous n’avions qu’une conviction : nous n’avions pas le droit d’abandonner en rase campagne un dossier qui avait provoqué tant de mobilisations et de soutiens, et suscité tant d’espoirs.

Nous sentions la responsabilité d’aller jusqu’au bout du désarmement. Ce désarmement que les Etats auraient voulu mener à coups d’opérations policières dans le but d’infliger une humiliation totale à ETA.

C’aurait été encore une bien triste “victoire” sensée assouvir les soifs de haine et de vengeance, mais tellement dangereuse pour l’avenir.

Une fin de conflit de ce type ne pourrait que favoriser l’émergence de nouvelles situations de violences.

Et la frustration qu’elle aurait générée aurait plongé un large secteur de la société basque dans l’impossibilité d’avancer sur le chemin d’un vivre ensemble apaisé au Pays Basque.

Le désarmement n’est une mauvaise nouvelle que pour ceux qui veulent continuer à cultiver les stratégies de tension. Ce qui caractérise le processus du Pays Basque, c’est son caractère unilatéral. Pour avancer, il se voit obligé d’activer la société civile : du coup, ce qui était un handicap peut avoir quelques atouts. Cette société civile, de près ou de loin, à un moment ou un autre, et par le fait qu’elle s’est trouvée dans un camp ou un autre, a été particulièrement touchée par ce conflit. Il est donc légitime qu’elle s’empare de la question et qu’elle s’implique dans le processus.

Un autre scénario, conforme aux processus de paix plus classiques, aurait été celui de la relation ETA/Etats accompagné par des spécialistes en la matière.

Unilatéralité du processus

Mais notre réalité est autre : elle est celle de l’unilatéralité, que nous ne connaissons pas mais que nous expérimentons. Elle a l’avantage de la participation, de la pédagogie et de l’écoute. Elle a l’obligation de la transversalité, et en ce sens, elle est révolutionnaire par rapport à l’histoire vécue.

Par son implication, la société civile lui donne de la force. Ainsi, les observateurs déployés sur les sites des arsenaux et les milliers de personnes rassemblées sur la place Saint André inscrivent dans le marbre l’adhésion populaire au processus, ainsi que la légitimité et l’irréversibilité de la journée historique du 8 avril. Quel que soit le sujet, l’implication citoyenne est une richesse, elle est complémentaire aux autres instances, notamment institutionnelles. Elle n’est une menace pour personne, elle est le fondement et le signe d’une société en bonne santé démocratique.

“Si le désarmement permet la paix, ce n’est pas encore la paix !” avons-nous proclamé le 8 avril. Ceci signifie simplement que nous sommes au milieu du guet, au point de rupture entre le passé et l’avenir. Une page se tourne, et c’est le moment d’aborder les conséquences du conflit. Le désarmement qui correspond à une décision politique de s’inscrire dans le débat exclusivement démocratique, dégage un chemin qui s’annonce complexe. Il sera jalonné par un ensemble d’initiatives et de convergences, de réalités matérielles et immatérielles, de démarches individuelles et collectives.

L’unilatéralité en sera le moteur, mais elle ne pourra pas tout toute seule.

Pas à pas, le paysage évolue

Le désarmement, volontairement, a eu lieu sans contreparties politiques. Mais il était clair que celles-ci étaient mises provisoirement de côté pour ne pas attendre encore cinq années de plus. Maintenant que le désarmement est réalisé, dans de très bonnes conditions, il faut mettre sur la table de discussion tous ces sujets qui auraient pu, légitimement, être autant de conditions posées par les uns ou les autres.

Il faut très vite que, notamment Paris, envoie un signal de type “bien reçu”.

Très concrètement, cela passe par la libération d’Oier Gomez, ce qui vient d’être accordé ce 24 avril et par une modification de la politique pénitentiaire (dispersion, etc.). Le pas de l’un peut enclencher le pas de l’autre, et ainsi de suite. Au fur et à mesure des pas, le paysage évolue et les personnes qui cheminent aussi.

La question des victimes, de toutes les victimes, a été mise en avant avec force et gravité ce 8 avril parce que rien ne peut se reconstruire sans connaître le passé, sans entendre, écouter et respecter les paroles des victimes. Les différentes séquences de la journée du 8 avril et les paroles dont chaque mot était pesé, avaient été pensées pour contribuer à cet état d’esprit qui permettra le passage d’un passé douloureux à un avenir à co-construire.

Ici aussi, il faudra faire le chemin pas à pas avec l’aide de personnalités qui ont une expérience en la matière et qui sont prêtes à nous aider.

Enfin, je parlais de transversalité au début. Elle existe en Iparralde même si on peut aller toujours plus loin dans ce domaine. Au sud, elle a apparu de façon spectaculaire le 5 avril à Bilbo, mais il faut lui donner corps durablement dans la société. Il y a des gens de bonne volonté, d’horizons différents, qui peuvent créer ce socle. Il faudra y travailler, car c’est une condition incontournable.

Une dynamique doit s’emparer du processus, et les Etats doivent s’impliquer, avec intelligence. Car enfin, tout le monde a à y gagner avec une paix juste et durable.

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