Le village gaulois

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Les élus abertzale sont en Pays Basque aux avant-postes de la défense de l’environnement. Dernier avatar dénoncé ici : une énorme piscine à vagues pour l’apprentissage du surf à Saint-Jean-de-Luz… en surplomb de l’océan.

Lentement mais sûrement, il semblerait que les politiques publiques aient entamé depuis quelques années une mue vertueuse en matière environnementale. On ne peut que regretter qu’elle soit trop lente et trop faible, mais au moins depuis le Sommet de Rio le chemin est mondialement tracé.

De parking en piscine géante

Pourtant, trente ans après ce sommet historique, certains villages dans le monde résistent encore et toujours à “l’envahisseur idéologique”. En Gaule aussi, où pourtant l’évolution des mœurs marque une volonté toujours plus forte d’un changement de braquet dans la transition écologique, Saint-Jean-de-Luz s’impose encore une fois dans l’actualité par sa capacité à se maintenir dans son “splendide isolement”.

Déjà, la ville s’était singularisée par le lancement d’un grand projet de requalification du centre-ville, avec comme élément cardinal un grand parking sous-terrain de 7 niveaux, prévu à quelques dizaines de mètres du port.

À l’heure où tout le monde cherche à imaginer les meilleures solutions pour vider les centres urbains de leurs flots de voitures, en particulier dans les zones touristiques, voici que Saint- Jean-de-Luz décidait au contraire de les attirer au plus près de l’hypercentre, sensible au lobby commerçant et sourd à toute conscience environnementale. En termes de village gaulois, on a rarement fait mieux. L’on pensait qu’on avait tout vu mais que nenni, la fin de la dernière mandature apporta son nouveau lot de (mauvaises) surprises. Cette fois, c’est un projet de vague artificielle qui fait débat.

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À l’origine de cette histoire, il faut remonter encore plus loin. En 2014, parmi les nouvelles figures de son équipe, Peyuco Duhart avait entre autres intégré Manuel De Lara, un ancien collaborateur de plusieurs figures politiques de la Droite locale, passionné de nouvelles technologies notamment numériques, mais surtout d’océan et de surf. Doté d’un vaste entregent dans ces domaines comme dans d’autres, De Lara apportait dans sa valise sa proximité avec les dirigeants de Quicksilver-Boardriders, avec qui il promouvait “l’écosystème” transfrontalier Ocean Tech tourné vers les sports de glisse sur le littoral basque et prétendant en faire un pôle de référence mondial. Enjeu pour la ville : maintenir et même développer localement cet écosystème riche de plusieurs entreprises prestigieuses dont certaines de dimension internationale, avec à la clé une renommée pour Saint-Jean-de-Luz et bien sûr des emplois autour du siège social européen de Quicksilver situé dans la zone industrielle de Jalday, potentiellement enrichi d’une “Halle créative”.

Un espace de plus de 7 hectares
serait ouvert à l’aménagement
au-dessus du siège de Quicksilver,
prévoyant une énorme piscine à vagues artificielles,
une résidence hôtelière d’une centaine de chambres
et des espaces de bureaux.
Le tout sur des terres anciennement agricoles et naturelles.

Développement économique ou développement soutenable ?

La situation pourtant n’était pas des plus confortable pour Boardriders, qui durant les années suivantes perdra son dirigeant emblématique dans de dramatiques circonstances, puis sa propre santé financière jusqu’à licencier 136 salariés sur ses pôles de Hossegor et Saint- Jean-de-Luz et carrément vendre son siège luzien au début 2020. Autre drame luzien, le décès du maire Peyuco Duhart, remplacé par son premier adjoint Jean-François Irigoyen. Enfin dernière péripétie, la sécession de De Lara de l’équipe du nouveau maire, allant jusqu’à sa candidature propre en 2020. Les projets engagés avec Boardriders se poursuivirent malgré tout, dans une opacité telle que l’on n’en connaissait aucun détail, mais sans imaginer qu’il puisse y avoir matière à inquiétude majeure. Cela, jusqu’à l’étude attentive par Herri Berri de l’une des Opérations d’Aménagement (OAP) du PLU en révision générale. Et quelle ne fut pas la surprise de découvrir qu’un espace de plus de 7 hectares serait ouvert à l’aménagement au-dessus du siège de Quicksilver, prévoyant une énorme piscine à vagues artificielles (superficie totale de 10 terrains de rugby), une résidence hôtelière d’une centaine de chambres et des espaces de bureaux. Le tout sur des terres anciennement agricoles et naturelles appartenant pour partie à la Ville. À la veille des élections, le PLU fut adopté malgré le vote contre des seuls élus Herri Berri, puis il fut approuvé par l’Agglomération.

Trente ans de retard

Un tel projet est un désastre écologique évident, artificialisant toujours plus de sols, nécessitant des quantités astronomiques d’eau et d’énergie, tout cela pour qu’une élite capable de payer 50€/heure puisse surfer avec vue sur… les vagues de l’océan distantes d’1,5 km. Droit sur son surf, le maire soutient que “ce projet est évidemment porté par des amoureux du surf et de la nature” et que de toute manière “on construit bien des piscines pour nager alors que l’on habite au bord de l’océan” [sic]. Pourtant, même les surfeurs de Surfrider Fondation se sont depuis déclarés opposés au projet. Herri Berri a lancé une pétition[1], qui connaît déjà un énorme écho, et appelle d’ores et déjà à la mobilisation citoyenne contre ce nouveau “Grand Projet Inutile et Imposé”, qui est passé en catimini dans le cadre d’une révision de PLU achevée à la va-vite au coeur de la campagne électorale.

Mais au-delà de ce seul cas et de sa dimension quasi caricaturale, comme penser qu’une ville puisse encore porter ce genre de projets en 2020, en ayant en outre l’audace de s’afficher vertueuse en matière environnementale ? Comme si l’on reprenait encore trente ans de retard sur l’Histoire…

[1] https://www.change.org/p/non-%C3%A0-la-piscine-%C3%A0-vagues-%C3%A0-saint-jean-de-luz

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Une réflexion sur « Le village gaulois »

  1. TOUT est dit dans cet article et BIEN dit
    Il faut stopper c eprojet par tous les moyens

Les commentaires sont fermés.