Monsieur le sous-préfet

Liberté,égalité,fraternitéIl y a un an, je vous écrivais pour vous annoncer la bonne nouvelle : les candidats au bac de l’ikastola avaient fait 100%!

Le préfet n’aurait pas apprécié ma missive, mais ce sont des mauvaises langues qui racontent cela. Comme il est parti vers des horizons plus ensoleillés, je puis me permettre de récidiver. Eh oui! Je viens d’apprendre que mes jeunes amis de l’ikastola ont frôlé le record de l’an dernier : ils ont fait 98,2%, dont plus de la moitié avec mention. Dans les conditions que je vous avais exposées!

Et voilà que vous récidivez aussi : vous mettez à nouveau notre langue au tribunal. Après Hendaye, c’est Ustaritz qui est présumé coupable, pour avoir déclaré officielle notre langue, au même titre que le français.

“Présumé”, car ces élus jouissent bien sûr de la présomption d’innocence jusqu’à la décision du tribunal.

Le dernier des béotiens sait que cette déclaration ne portera aucun tort à la langue de Molière. Tous les Uztariztar continueront à manier le dialecte d’Ile-de-France avec autant d’aisance qu’un indigène d’Aubervilliers ou d’Evry. Sans doute avez-vous reçu des ordres de Paris où l’on a une perception assez curieuse du Pays Basque. Mais j’aurai sans doute l’occasion de toucher ce point un autre jour.

Puisque je parle de Paris, ne serait-ce pas précisément là-bas que l’on a voté une loi demandant aux municipalités un quota de 25% de logements sociaux? Ne vous aurait-on pas transmis le compte rendu de la dernière réunion de l’Acba? Nos élus républicains y ont fait savoir qu’ils excluent définitivement d’atteindre ce quota. Oui, il y a du terrain et de l’argent : pour une cité de l’Océan, pour un centre du Quintaou, pour des résidences secondaires, pour des golfs. Pas pour des gens qui ne sont même pas capables de se payer un logement.

J’ai attendu les jours suivants que ces messieurs soient aussi convoqués au tribunal en compagnie de ceux d’Uztaritz, mais en vain. Dans cette France où le mot Egalité est gravé sur les frontons de toutes les mairies, y aurait-il des lois sans conséquences qu’il faut appliquer à tout prix et d’autres, essentielles, que des multirécidivistes impénitents peuvent piétiner année après année, sans que l’Etat ne bouge?

Ce sont ces mêmes élus qui, assurés de la même impunité, refusent obstinément aux gens du voyage, le terrain prévu par la loi pour les recevoir. Paris ne vous demande donc pas de faire appliquer ces lois qui touchent pourtant un droit fondamental de toute personne !

Monsieur le sous-préfet, en tant que citoyen et contribuable français de nationalité Basque, j’éprouverais un grand plaisir si, en ces temps d’austérité, vous renonciez à gaspiller de l’argent pour payer les frais d’un procès sans aucune conséquence pour la langue française.

En tant que prêtre, j’éprouverais un plaisir tout aussi grand si vous pouviez faire appliquer la loi républicaine qui veut que chacun ait un logement. Elle n’est qu’une concrétisation bien tardive du message du prophète Isaïe, qui sentait, il y a déjà 2.500 ans, qu’il faut “héberger les pauvres sans foyer” (Is 58/7). Tous nos élus, enfants de la Bible, connaissent depuis leur catéchisme, ce bon conseil du messager de Dieu.