Quel avenir pour Iparralde ?

L’hebdomadaire L’Express consacre sa couverture et un reportage au “Pays Basque victime de son succès”.
En voici la relation.

Enfin un journaliste de la presse hebdomadaire française qui porte un diagnostic relativement juste sur Iparralde. L’hebdomadaire L’Express a fait son grand titre ainsi: «Le Pays Basque victime de son succès» et il pointe dans ses sous-titres les maux dont il souffre: Flambée de l’immobilier, circulation difficile, menaces sur l’identité.
Il faut entrer dans le cœur de l’article pour avoir l’explication de cette situation: la
forte immigration dont est victime le Pays Basque Nord. Les abertzale qui depuis longtemps la dénoncent, même si c’est discrètement et pratiquent volontiers sur ce sujet l’auto-censure, se trouvent légitimés par cette enquète. Car est posé le principal paramètre qui va conditionner notre futur collectif. Comment sur un tout petit territoire de 2.900 km2 pourra-t-on accueillir indéfiniment une population allogène à la recherche d’un endroit convivial et où il fait bon vivre sans le défigurer d’une manière irréversible? Cette situation est tout à fait nouvelle dans l’histoire d’Euskal Herria. Jamais ce phénomène urbain ne s’est produit à une telle échelle.

Nos élus n’ont rien vu venir
Mais qui chez nous, dans ce monde en profond bouleversement, peut raisonner à 20 ou 30 ans? Qui chez nous dénonçait il y a trente ans ce que serait le Pays Basque d’aujourd’hui? Bien entendu, cette situation ne concerne pas seulement le Pays Bas-que mais de nombreuses régions françaises mais aussi du monde entier: c’est une problématique mondiale.
L’article commence avec ces mots: «Pau-vre Pays Basque, si longtemps intact (…) le voici qui s’en va d’un coup…» Ces mots de Pierre Loti écrits il y a un siècle nous pouvons les faire nôtres mais en y ajoutant d’autres raisons bien plus profondes et inquiétantes que l’auteur de «Ramuntxo» et que celles du journaliste de L’Express. Nous avons le sentiment que nous sommes en train de perdre quelque chose d’essentiel de notre identité. Cela va bien au-delà de la nostalgie. La marchandisation généralisée du Pays Basque, de ses symboles et de ses habitants nous conduit à une mutation qui est bien plus importante que les querelles intestines du moment des abertzale qui paralysent et accaparent les forces vives d’un pays qui n’en finit pas de se chercher. Après le gâchis énorme d’avoir laissé passer la chance historique du pacte de Lizarra-Garazi des années 98-99, il faudra bien un jour que les abertzale qui prétendent être les authentiques porteurs des valeurs de ce Pays se penchent sur le devenir commun du Zazpiak Bat. Mais cela ils doivent le faire avec ceux qui vivent sur ce territoire si exigu et si fragile.
Nos élus n’ont rien vu venir et qu’auraient-ils pu faire? 30 % de résidences secondaires de plus en 7 ans. 30.000 habitants de plus en 10 ans. Chaque année 9.000 personnes élisent domicile en Iparralde. Mais les 2.900 km2 de notre territoire ne bougent pas. Et que dit au journaliste de L’Express le maire de Saint Jean de Luz: «Notre pays séduit; nous ne pouvons pas nous en plaindre». Et ce raisonnement à courte vue est probablement partagé par la plupart des maires qui sont aux affaires.

Affecter la cohésion à Iparralde
L’article de L’Express souligne que les nouveaux habitants sont souvent de riches retraités séduits par les atouts exceptionnels de notre pays. Comme le souligne Benjamin Peyrel, «cette population nouvelle bouleverse en profondeur les équilibres locaux». Les conséquences se font sentir dans plusieurs domaines. D’abord l’immobilier. En moins de 10 ans, le prix des terrains a grimpé de 145%, celui des maisons individuelles de 99% et celui des appartements anciens de 126%!
Nous ne sommes plus devant une évolution lente, progressive, équilibrée. L’entrée dans le nouveau millénaire se fait sous le signe du bouleversement, de mutations incontrôlées. Cela obligera toutes les parties intéressées à raisonner sur un nouveau paradigme: celui d’un collapsus à terme entre l’exiguïté de notre territoire et l’arrivée massive dans les 20 ans à venir d’une population estimée à plus de 30.000 personnes à l’horizon des années 30. Si rien n’est fait, les Basques seront définitivement marginalisés. Certes, il existe dans la culture basque une certaine capacité à l’accueil et à l’intégration. Cela est possible si le rythme est à la mesure de la capacité d’intégration. Mais tout le monde en con-vient: tout va trop vite. Et dans cette course contre la montre, ceux qui sont les premiers interpellés sont les abertzale. Mais pas eux seulement.
Les défis sont devant nous: Peut-on et comment ralentir le flux migratoire? Comment aider les nouvelles populations à faire de notre terre, la leur? Comment protéger l’agriculture paysanne et l’espace qui lui est indispensable? Comment faire de l’euskara une langue développée et épanouie et non pas réduite au témoignage sachant que la population locutrice —celle qui vo-lontiers parle naturellement en euskara— à l’horizon de l’an 2020 sera aux environs de 30.000 personnes, soit moins de 10% de la population d’alors? Comment protéger l’espace collectif, ouvert à tous et assurer une protection du littoral? Toutes ces interrogations sont bien entendu va-lables pour tout Euskal Herria.
Mais d’abord prendre la mesure de la gravité de la situation est primordiale et, hélas, nous en sommes bien loin. Les pathétiques discussions dans le camp de la gauche abertzale, l’aveuglement et la fuite en avant des autres forces abertzale, l’incapacité des institutions existantes —le Conseil de développement du Pays Basque— empêchent d’appréhender cette problématique. Certes, on peut améliorer l’existant, créer un schéma de déplacements collectifs, faire du développement durable, etc. mais les déséquilibres risquent d’affecter définitivement la cohésion (relative) d’Iparralde.
Aujourd’hui que propose-t-on? Faire de la concentration urbaine comme au Sud, est-ce la bonne réponse? Le maire d’Anglet propose de densifier en faisant des cons-tructions à huit étages. Quand on voit les désastres écologiques au Sud et ceux qui se préparent (port de Pasaia sur la mer, Guggenheim à Urdabai, l’urbanisation con-tinuelle de toutes les villes), on ne peut qu’être vraiment inquiet. Je n’ose même pas parler de l’empreinte écologique (1) qui va exploser. Ici comme ailleurs, nous avons des comportements de prédateurs.
Devant cette situation, pourquoi ne pas se tourner vers l’association internationale des villes qui ont refusé le développement urbanistique et ont fait le choix d’un développement lent, harmonieux, respectueux de l’espace et de la qualité de vie.

(1) L’empreinte écologique est la superficie géographique nécessaire pour subvenir aux besoins d’une ville et absorber ses déchets. (Voir l’article de Pantxoa Bimboire dans le n°2010 du 3 janvier 2008).
Xurio

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