« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens »

Junker
Et pour que les bons peuples comprennent une fois pour toute, Jean-Claude Junker les avertit « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

« Franco : « Toto esta atado y bien atado! » »,
« Junker : « Il n’y a pas de démocratie contre les Traités » »

Il est plus que probable que le pronostic formulé par Pantxoa Bimboire dans Enbata d’avril 2016 se réalise, à savoir que « le salut […] viendra d’un programme de gouvernance du centre ». N’est-ce pas l’antienne que ne cessent de psalmodier tous les politiciens audibles et autorisés ? Par ailleurs n’est-ce pas déjà la « gouvernance » que le Président Hollande tente de mettre en vigueur ? Mais voilà, il y a les « blocages » dus aux tenants du « statu quo défendu par les privilégiés ». Ne reste donc qu’à obtenir le déverrouillage de ce conservatisme par « la légitimité des urnes ». Est-ce bien sûr ?

Le résultat d’un scrutin avec 20-25% d’abstentions « populistes » (outre les 10-15% d’abstentions « techniques »), 25-30% de votes « populistes » de droite, 10-15% de « populistes » de gauche, débouchant au deuxième tour à un Président et à une Assemblée composée de 90-95% de députés positionnés favorables « à la réforme » serait-il réellement légitime ? « Légal », certainement ; la constitution est faite pour donner la majorité à une minorité. « Légitime », avec seulement 25-30% du corps électoral favorable « à la réforme », ce n’est pas certain !

À partir du constat que « toute hausse du pouvoir d’achat [profite] en majorité à l’emploi hors de France puisque depuis dix ans les produits manufacturés […] [ne sont] plus produits ici, puisqu’un million d’emplois industriels [a] été perdu ces dix dernières années » ne peut-on envisager comme unique solution que la baisse des salaires directs (bulletins de paie) et différés (prestations sociales, dont retraites) ?

Et la « gouvernance » de l’Union européenne ? Et celle de la Zone Euro ? Elles n’y sont pour rien ? Le décrochage de la production industrielle française (notamment) a coïncidé avec l’entrée en vigueur de l’Euro.

Questionner, parmi nous, la construction européenne peut sonner comme un blasphème. Notre européisme s’est centré sur l’espérance de l’effacement de la frontière qui divise notre pays. Le seul fait de soulever la question des malfaçons de l’« Europe » peut être prise pour une menace directe contre l’unification de fait de notre Pays Basque. Regardons pourtant en face les conditions de création de cette « Europe » et leurs conséquences.

DE COMMENT SE METTRE (COURAGEUSEMENT) A L’ABRI DU SUFFRAGE UNIVERSEL

Dès l’initiation des démarches pour construire cette « Europe », les classes dirigeantes des divers pays membres ont voulu mettre ses institutions hors de portée du suffrage universel. Une illustration en est que le gouvernement « socialiste » de Guy Mollet s’est empressé, en plein développement du programme du Conseil National de la Résistance, dont la sécurité sociale, les nationalisations et la planification économique, d’adhérer à un traité confectionné par des démocrates-chrétiens dont le dogme et la lettre étaient d’organiser les privatisations et la « concurrence […] libre et non faussée ». À l’abri « des bulletins de vote des non-possédants » 1.

Notre société ne cesse de subir une régression sociale depuis le virage de la dérégulation financière de Mitterrand-Delors en 1983. Mitterrand a cru pouvoir « capturer » (du moins a-t-il pu faire croire que tel était son objectif) le Deutsche Mark et la Bundesbank avec l’Euro. Le traité de Maastricht a été approuvé par 51,04% des votants au référendum de 1992 (69,70% de participation). De fait, lui et ses « socialistes » ont accepté de créer une administration monétaire unique (la Banque Centrale Européenne) et une monnaie unique (l’Euro) calquées sur le Deutsche Mark et la Bundesbank, qui dictait déjà sa « gouvernance » aux gouvernements allemands. Comme son avatar actuel dicte sa politique aux gouvernements des pays membres de la zone Euro. Avec le traité de Maastricht et l’acte unique, Mitterrand, a réduit ses successeurs au rôle de simple proconsul. Ils peuvent encore rouler des mécaniques dans la Françafrique, mais, à la maison, leur pouvoir se limite à servir de courroie de transmission aux instances de Francfort (Bundesbank, BCE).

DE LA DEVALUATION DE LA MONNAIE ET DE LA DEVALUATION DU PEUPLE

Jusqu’en 1997, la France et les autres pays du « Club Méditerranée » réglaient leurs pertes de productivité par rapport à la zone Mark en dévaluant Franc, Peseta, Lire et autre Drachme. Avec l’Euro, cette solution est exclue ; la seule solution dont ils  disposent désormais est de dévaluer les salaires de leurs concitoyens les plus modestes.

La zone Euro est fondée sur une centralisation absolue et totalement anti démocratique. Les diverses communautés de citoyens ont-elles été informées des circonstances et des conséquences de cette perte de souveraineté ? Certainement pas. Et lorsque les citoyens appelés à se prononcer, comme en France (54,68% de « NON » pour une participation de 69,34%) et aux Pays-Bas en 2005, disent « NON », ce sera quand même « OUI » ! Comment une telle toile d’araignée enserrant l’expression démocratique dans un système conçu pour échapper à la démocratie a-t-elle pu être mise en place ? Par le peuple européen dépositaire de la souveraineté démocratique, seule source de légitimité ? La Cour constitutionnelle de Karlsruhe tient qu’il n’y a pas de « peuple européen »…

Et pour que les bons peuples comprennent une fois pour toute, Jean-Claude Junker les avertit « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Comme le disait un certain Paquito « todo está atado y bien atado ». Tous ceux qui prennent conscience de leur confinement dans ce corral politique sans débat possible, sinon pour le choix d’un proconsul, en tirent pour conclusion qu’il ne sert à rien de faire semblant de s’intéresser aux jeux politiques, ou bien ils s’orientent vers des options dont ils attendent le blocage du système. Les qualifier de « populistes » et faire comme si le problème qu’ils posent n’existait pas est-il une solution viable ?

Ironie de l’histoire, pour qui cloue le jacobinisme au pilori : l’Euro s’appuie sur une administration hyper centralisée et rigide, du pur « centralisme démocratique » à la soviétique, quintessence du jacobinisme, indifférente aux difficultés infligées aux classes populaires de peuples entiers, au motif de sa sauvegarde. La loi « travail » en discussion nous ramène au décret Allarde et à la loi Le Chapelier, en 1791, au temps de la montée du jacobinisme. Il s’agissait déjà de « libérer les entrepreneurs » et de « flexibiliser » le travail : suppression des corporations, du compagnonnage, interdiction de la grève et des organisations mutualistes à buts non lucratifs, le tout jugé attentatoire à la libre concurrence. De même que l’unique interlocuteur du citoyen doit être la République, l’unique interlocuteur du travailleur est son employeur, sans intermédiaire.

DE LA SOUVERAINETE DES « MARCHES FINANCIERS » (HORS SOL) ET DE L’OBLIGATION DE SOUMISSION DE CEUX QUI SONT FIXES AU SOL

Eh, oui, nous serons donc « réformés » par un diktat « légal » imposé par 25-30% des citoyens « éclairés et responsables » (et plutôt âgés), à 70-75% de « populistes » immatures et irresponsables. On imposera donc aux « insiders » de devenir des « outsiders » pour qu’il n’y ait plus d’« outsiders » ; précariser tout le monde est une avancée vers l’égalité. Drôle de chemin pour faire « société »… Le haut du panier crie qu’il est écrasé d’impôts (impôt sur le revenu, contribution sociale généralisée, impôt sur la fortune) et réclame leur réduction. Dans le même élan cette frange de citoyens réclament une hausse de la TVA, qui chacun le sait, ne serait pas un impôt. Les travaux de Piketty font apparaître que, tous prélèvements inclus, les 50% de citoyens les plus modestes supportent un taux effectif d’imposition de 41% à 48% de leurs revenus (spécialement par la TVA qu’ils paient) ; les 45% suivants sont taxés de l’ordre de 48-50% ; les 5% des revenus les plus élevés contribuent à hauteur de 50% à… 35% pour le 0,1% le plus riche ! Nos « réformateurs » veulent faire supporter aux citoyens les plus modestes la baisse des impôts qu’ils réclament pour eux-mêmes par l’augmentation de la TVA, qui dans leur esprit n’est pas un impôt. Effectivement « un gouvernement de gauche ne viendra pas sauver la situation ». Nous avons bien vu en Grèce qu’il n’y a pas de démocratie contre les traités. Podemos en Espagne s’écrasera certainement contre la même montagne. Par ailleurs, l’engagement de Rajoy (sans gouvernement, même pas sûr d’être réélu) vis à vis des instances de Francfort de faire davantage de « recortes » (que pourtant, dans sa campagne électorale, il exclut de faire) nous montre que les élections n’ont pas plus d’importance qu’un quelconque rite religieux ou fête folklorique. Et pourquoi se référer uniquement aux instances de Francfort, alors qu’il y a la Commission, l’Euro-groupe (sans existence institutionnelle), etc… ? Parce que les instances de Francfort détiennent la réalité du pouvoir. À preuve ? Lorsque la BCE s’approche trop des limites de l’orthodoxie, aux yeux de la Bundesbank, celle-ci l’assigne devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et nulle part ailleurs. Les arrêts de celle-ci définissent les limites de la politique « européenne ». Point final. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Ça n’a, en tout cas, rien à voir avec l’existence d’une organisation démocratique des peuples européens. Nous n’avons pas de Leonid Brejnev que nous puissions traiter de tyran, mais nous avons la «  souveraineté limitée » qu’il avait instaurée en Tchécoslovaquie. Nous n’avons même pas d’Alexander Dubcek à qui rendre hommage pour une courageuse tentative d’initiative démocratique.

La question du « blocage » mérite réflexion. Débloquer à la baisse les bas revenus pour augmenter la croissance et permettre aux très hauts revenus de s’enrichir un peu plus, au motif que « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » ? La course à la croissance indéfinie dans les pays les plus riches est-elle possible et même souhaitable ? Avec quelles ressources ? Et si elle ne l’est pas, on débloque quoi et comment ? Par le bas ? Par le haut ? Par le centre ? Qu’y a-t-il de plus « bloqué » que l’UE et les instances de Francfort à la manoeuvre ?

Continuer aveuglément à appliquer leurs prescriptions de somnambules ne mène-t-il pas l’« Europe » à un éclatement dramatique et ses peuples dans le malheur ? Le maintien du « statu quo défendu par les privilégiés » (entendu, les syndicats) n’est certainement pas la solution, mais leur résistance aux régressions imposées par Francfort peut perturber le processus de soumission et obliger les proconsuls à assumer une crise ouverte, sans laquelle une refondation de la construction européenne par une constituante élue par tous les peuples n’est pas envisageable.

 

1- Se reporter à Wilhelm RÖPKE, l’un des théoricien de cette idéologie : « Je crois me faire de l’homme une certaine image […] l’homme est enfant et image de Dieu […] la vie, la liberté et la propriété sont des droits inaliénables de l’individu ; or, le dernier de ces trois piliers est déjà devenu extrêmement fragile, même dans le « monde libre », et seule une minorité de gens s’aperçoit que sa chute entraînera inévitablement celle du deuxième pilier : la liberté […] On peut prévoir la fin d’une société libre lorsque la société dégénère […] par la grâce des bulletins de vote ; lorsqu’elle devient un otage entre les mains des non-possédants ». Au-delà de l’offre et de la demande – vers une économie humaine, P. 30-61.

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