L’espoir alimente la paix (1/2)

EspoirPaixPremières réflexions sur la situation des presos rédigées le 25 février dernier pour l’édition papier d’Enbata du mois de mars. L’attitude actuelle du ministère de la justice française va dans le bon sens et contribue aux dynamiques d’apaisement au Pays Basque. Celle du parquet laisse dubitatif. Alors qu’un nombre croissant de juges semble, dans ses conclusions et décisions, avoir acté le changement de contexte induit par le désarmement du 8 avril.

Nous travaillons au cas par cas sur des demandes de rapprochement qui sont effectuées par les prisonniers.(…) Il y a un cadre. Pour la première fois, il y a un cadre qui est clair et sur lequel nous pouvons agir.” Ces déclarations de la garde des Sceaux Nicole Belloubet le 17 janvier 2018 officialisent un changement de logiciel de la part des autorités françaises en matière de politique pénitentiaire concernant les prisonniers basques.

Après 30 ans de politiques d’éloignement et de dispersion systématiques, c’est un fait important, un premier accusé de réception des évolutions observées dans la partie basque du conflit.

Le démantèlement de l’arsenal d’ETA, réalisé sous la conduite de la société civile, avec l’aide de ses élus, a créé une nouvelle situation côté français.

Des espaces de dialogue et de travail ont pu s’ouvrir, et j’ai bon espoir qu’ils débouchent sur des résultats positifs, après ce premier geste symbolique qui permit fin 2017 la levée de sept premiers statuts de DPS (Détenus Particulièrement Signalés) et malgré le retard pris en janvier-février 2018, notamment du fait des mouvements de blocage des gardiens de prisons.

L’espoir est un carburant indispensable pour permettre à la paix d’avancer, de parcourir toujours plus de chemin. En ce sens, l’attitude actuelle du ministère de la justice française va dans le bon sens et contribue aux dynamiques d’apaisement au Pays Basque.

Mortes sans avoir pu revoir une dernière fois leurs enfants

Je comprends tout à fait celles et ceux qui estiment que tout cela ne va pas assez vite et assez loin.

Nous ne sommes pas dans une discussion théorique, mais pleinement plongés dans une situation faites de souffrances et de véritables drames humains, que le temps qui passe ne fait qu’aggraver et multiplier dans le camp basque.

Ce 20 février 2018, Lourdes Arronategi, 80 ans, est décédée sans avoir pu revoir ses deux fils, Ibon (incarcéré à Arles, à 750 km du domicile familial) et Eneko Goieaskoetxea (incarcéré à Pontevedra, dans l’État espagnol, à 730 km du domicile familial).

L’éloignement et la dispersion compliquent, voire rendent impossibles les visites pour des parents de plus en plus âgés, et parfois également malades.

La grande majorité des parents de prisonniers basques a aujourd’hui plus de 70 ans. Un jour plus tard, le 21 février, c’était au tour de Pili Garcia, 77 ans, de décéder sans avoir pu saluer une dernière fois son fils Urko Labeaga, incarcéré pour 42 ans en Espagne. Je sais que les familles des personnes mortes dans des attentats ne pourront quant à elles jamais revoir leur être aimé. Mais je ne crois pas que souhaiter le même sort aux familles des prisonniers basques puisse soulager ces souffrances-là. Je suis même persuadé, par expérience personnelle, que ce type de logique alimente les douleurs au lieu de les apaiser.

Obstacles aux logiques d’apaisement

On savait d’avance que l’Espagne allait peser et faire pression pour freiner les dynamiques de dialogue et d’apaisement dans l’Etat français. Il est plus difficile de comprendre et d’admettre que côté français, certains corps d’État dépensent beaucoup d’énergie pour maintenir une situation de tension et d’exception, qui n’a pourtant plus de raison d’être.

L’administration pénitentiaire notamment semble travailler dans cet esprit, en multipliant les obstacles au rapprochement et au regroupement des prisonniers basques. Cela confine parfois à l’absurde. Par exemple, on sait qu’elle se plaint constamment du manque de moyens pour surveiller efficacement les prisonniers détenus en relation avec des faits de terrorisme djihadiste (environ 500) ou les droits communs considérés comme “radicalisés” (environ 1.200). Mais dans le même temps, elle fait tout pour maintenir la moitié des prisonniers basques en régime de DPS, bloquant ainsi quasiment 10% du total des dispositifs DPS pour des personnes ne représentant aucun danger pour les personnels pénitentiaires.

L’attitude du parquet laisse également dubitatif. Alors qu’un nombre croissant de juges semble, dans ses conclusions et décisions, avoir acté le changement de contexte induit par le désarmement du 8 avril 2017, les procureurs quant à eux semblent avoir majoritairement gardé le logiciel en vigueur avant l’arrêt de la lutte armée d’ETA en 2011.

Jon Kepa Parot

L’un d’entre eux s’est ainsi empressé de faire appel d’une décision du Tribunal d’application des peines prise le 27 octobre 2017 qui avait répondu favorablement à la cinquième (!) demande de Jon Kepa Parot, bayonnais incarcéré depuis 1990, pour des faits commis entre 1978 et 1987.

Entendons-nous bien : il ne s’agissait même pas de le libérer, mais de lui faire bénéficier du régime de la semi-liberté probatoire (le détenu doit réintégrer sa prison le soir) pour une durée de deux ans, avant d’étudier une requête en libération conditionnelle.

Le Tribunal constatait que Ion Parot, âgé de 66 ans, père et grand-père, avait de très bonnes relations avec le personnel pénitentiaire et avec les autres détenus et que “son comportement en détention a toujours été très satisfaisant”.

En prison depuis plus de 27 ans, sa période de sûreté est terminée depuis plus de 12 ans et le Tribunal “ne peut que constater que l’effectivité de la peine est en l’espèce pleinement respecté”.

Pourtant, dans l’heure suivant cette décision de bon sens, il s’est trouvé un procureur pour faire appel. Les arguments utilisés dans ce recours sont clairement belliqueux et pernicieux. La Chambre d’application des peines de la Cour d’Appel de Paris leur a pourtant donné raison ce 22 février 2018, maintenant ainsi Jon Kepa Parot en prison.

Presque un an après le désarmement total de l’organisation ETA mené par les Artisans de la Paix, et les espoirs très forts qu’il a suscités dans la société basque, cette décision est une véritable douche froide, et vient alimenter le désespoir plutôt que l’espérance, les tensions et les rancœurs plutôt que les logiques d’apaisement et de réconciliation.

Je reviendrai en détail sur cette grave décision, et sur la question essentielle des longues peines, dans le prochain numéro d’Enbata.

Nous en parlerons également durant le Forum organisé par Bake Bidea et les Artisans de la Paix du vendredi 6 au dimanche 8 avril, un an après la journée du désarmement. Une date à retenir d’ores et déjà dans nos agendas.

Deuxième partie, cliquer ici !

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