Lettre ouverte aux élu.e.s de la république française sur la revendication indépendantiste basque

U14

Ekaitz Bergaretxe,  Haltsu (Lapurdi)

Certains d’entre vous se sont exprimés sur la manifestation du collectif U14 à Donibane Lohizune le 14 juillet 2021, ainsi que sur les tensions qui ont suivi. Et c’est précisément la violence de certains de vos propos (lus dans le quotidien Sud-Ouest) qui me pousse à écrire ces quelques lignes. Il se pourrait, néanmoins, que certain.e.s d’entre vous ne comprennent pas en quoi ces propos sont violents pour un basque. Je vais donc essayer de vous l’expliquer.

Avant tout, permettez-moi de clarifier ce qu’est la revendication indépendantiste basque. Il ne s’agit certainement pas d’une idée saugrenue, ni même d’une lubie momentanée. Cette revendication ne date pas, non plus, du milieu du XXe siècle. Elle ne relève pas, d’une volonté « séparatiste » ou encore d’un sentiment anti-français et/ou anti-espagnol. En effet, nous, peuple basque (ou navarrais) avons déjà eu, dans notre longue histoire, notre propre état indépendant, avec ses gouvernements, ses institutions propres. Et nous n’y avons jamais renoncé ! Nous voulons juste les récupérer ! Mais, au cas où vous oseriez contester ces faits historiques, et à moins que vous ne contestiez l’existence même du peuple basque, cette argumentation historique peut même être superflue au regard des textes internationaux dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et son article premier sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ou encore les articles 1 et 2 de la déclaration universelle du droit des peuples de 1976. Nous exigeons le respect et l’application du droit international.

Parmi les réactions d’élus il y a, en premier lieu, celle de la France Insoumise qui, premièrement se trompe, ou ment, en disant que « le nationalisme basque … » ne s’en prenait pas « … aux politiques libérales… » vu que pendant la manifestation il a beaucoup été question de la problématique du logement et de l’embourgeoisement de la ville. Puis, deuxièmement elle insulte le peuple basque et toute son histoire en prétendant que « la révolution française avait du sens. » Au-delà des attaques contre nos institutions, dois-je aussi vous remémorer le rapport de l’Abbé Grégoire « Sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser la langue française » en 1794 ? Un rapport malgré tout riche d’enseignements sur la réalité sociolinguistique de l’époque, avec une langue française largement minoritaire. La République a sans doute supposé une avancée d’un point de vue franco-français, mais pour le peuple basque c’est tout l’inverse ! Et donc, en ce sens, la manifestation du 14 juillet, à laquelle j’ai participé, tient tout son sens.

Il y a ensuite celle de Manuel de Lara pour qui « évoquer des forces d’oppression voire d’occupation… » relève de « thèses ». L’Etat français ne respectant pas la souveraineté du Pays Basque, imposant ses propres institutions, se refusant à l’officialité de l’euskara et soufflant constamment le chaud et le froid notamment sur la question linguistique y compris dans l’enseignement, avec une présence policière et militaire, on peut effectivement parler d’oppression et d’occupation. Et ce ne sont pas des thèses, mais la dure réalité. Enfin, il ne s’agit certainement pas de « provocation stupide un jour de fête nationale », mais bien d’une expression du droit du peuple basque à témoigner de lui-même (Cf. Charles Chaumont).

Puis Max Brisson enfonce un peu plus le clou dans le sens de l’assimilation de l’identité basque dans la française avec son « ici la grande majorité des habitants conjugue les sentiments d’appartenance à la France et au Pays basque ». Ces propos, d’apparence conciliants, sont une offense. En effet, il s’agit là d’une conception hiérarchisée de ces sentiments d’appartenance. Car si on considère, un tant soit peu, ces sentiments d’appartenance à égalité entre la France et le Pays Basque, on ne peut qu’être pour l’indépendance du Pays Basque ; au même titre que pour celle de la France. Enfin, il est bien osé de prétendre que « le rejet vient des radicaux abertzale d’extrême gauche ». La France n’est-elle pas radicale et extrémiste dans le refus de reconnaitre la souveraineté du Pays Basque, dans son obstination à ne reconnaitre que la langue française comme langue officielle, etc… ?

Ensuite, il y a le en même temps de Peio Etcheverry-Ainchart qui me laisse perplexe lorsqu’il dit qu’un « basque peut être républicain… ». Fait-il référence à une république basque, et donc, de facto, à un état souverain basque ?

Je terminerai cette revue par les propos du PNB qui évoque « des slogans anti-français ». Si ça ce n’est pas mettre de l’huile sur le feu, je ne sais pas ce que c’est ! Le PNB alimente ainsi des thèses selon lesquelles les différences opposent. C’est peut-être la vision du PNB, mais tout basque indépendantiste qui se respecte, en tant que membre d’un peuple opprimé, minorisé sur son propre territoire et cohérent dans ses propos et ses idées, ne peut pas penser ainsi. Les identités ne nous opposent pas, elles sont source de diversité (tout l’inverse de « l’universalisation » de l’Abbé Grégoire). Ainsi, quand je revendique être basque et n’être ni français ni espagnol, cela ne fait pas de moi un anti-français ou un anti-espagnol. Réfléchissez : vous êtes français. Etes-vous donc, de ce fait, anti-basque, anti-espagnol, anti-chinois, anti-anglais, ou que sais-je d’autre ? Non.

Pour conclure, et pour ceux qui croyaient « le climat de tension disparu », nous basques, la tension nous la subissons au quotidien, et tant que le peuple basque ne se verra pas reconnaitre et respecter ses droits, nous ne serons pas en paix. Il ne tient qu’aux états français et espagnol d’apporter une solution juste et durable à ce conflit international qui dure depuis des siècles, par le respect de l’état souverain du Pays Basque. C’est la seule solution pour des relations véritablement apaisées.

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5 réflexions sur « Lettre ouverte aux élu.e.s de la république française sur la revendication indépendantiste basque »

  1. Egun on, votre courrier a le mérite de partager vos réactions sur les différents communiqués que vous avez jugés « violents »
    Encore faut il que les communiqués soient authentiques. Je ne sais pas d’où vous sortez que « Le PNB alimente ainsi des thèses selon lesquelles les différences opposent » alors que notre communiqué indique « L’entente sociale et l’enrichissement culturel individuel passent par des identités qui s’ajoutent et non des identités qui se rejettent. » Je ne voudrais pas qu’on nous fasse dire le contraire de ce que nous avons publié.
    Le Pays basque vit une accélération des problèmes et le gouvernement n’y est pas étranger; la remise en question du modèle d’enseignement de l’euskara en est l’exemple. Le Pays basque ne sera jamais plus prêt des solutions que quand il aura la main sur son avenir. Par contre, monter les basques les uns contre les autres est contre productif .

  2. Je ne sais pas ce qui n’est pas clair dans mon évocation d’une compatibilité entre républicanisme et abertzalisme. Si les mots ont toujours un sens, effectivement cela signifie clairement qu’un abertzale peut être considéré comme tout aussi républicain qu’un Français ou quelque autre identité nationale à partir du moment où sa revendication est celle d’une République basque, indépendante cela va de soi. Une république peut être conceptuellement française, basque, toungouze, papoue ou ce que l’on veut d’autre, et je ne vois pas en quoi affirmer cette évidence représente un « en même temps » pouvant susciter quelque « perplexité ». Sauf à considérer que seuls sont au-dessus de tout soupçon en matière d’abertzalisme les membres de l’avant-garde éclairée ayant manifesté lors de ce 14 juillet.

    1. Arratsalde on,
      Je ne pense pas que les personnes ayant manifesté le 14/07 se considèrent d’une « avant-garde éclairée » de l’abertzalisme, mais abertzale sûrement.
      Et puis, dire « qu’un Basque peut être républicain quelles que soient ses revendications » (selon SO) est certes juste, mais à moins de vouloir entretenir une ambigüité ou un « en même temps » il aurait été plus clair de spécifier comme dans le commentaire ci-dessus « d’une République basque, indépendante cela va de soi »; à moins qu’un filtrage n’ait été opéré par le rédacteur de l’article de référence.

    2. Je ne voit pas très bien comment une république pourrait se mettre en place dans un Pays Basque libre ! Je sais bien que Sortu et EHBildu militent pour cela mais si ils le font c’est surtout par détéstation du systéme monarchique Espagnol qui doit beaucoup a Franco . Avec une république nous auront donc un parlement législatif a Pampelune avec des députés de toutes les provinces basques . Les députés du Pays Basque nord seront donc en minorités a la fois au parlement et au gouvernement . Sa sera dur d’expliquer a un habitant du Labourd que on prend notre indépendance pour que Paris ne décide plus a notre place et ensuite que toute les décisions sont prise par des Biscayens . Bon courage !!!
      Le peuple basque n’a jamais été uni dans ses institutions , et sans doute depuis toujours . Pour la simples raison qu’il y as plusieurs peuples basques . Nous sommes des foralistes royalistes et catholiques depuis la chute de l’empire romain . Et c’est notre force . On intègre sans soumettre .
      Donc nous auront 3 députations ;
      la députation d Alava
      la députation de Guipuscoa
      la députation de Biscaye
      Nous aurons 3 gouvernements de plein exercice ;
      le gouvernement d’ Euskadi
      le gouvernement de Navarre
      le gouvernement du Pays Basque Nord ( Parlement de 60 députés au chateau de Gramont a Bidache , 20 députés pour le BAB , 20 députés pour le labourd , et 20 députés pour la Basse Navarre et la Soule , élus a la proportionnelle . )
      Nous auront ensuite un chancelier ou une chanceliére , élu pour 10 ans ( avec vote de confiance tous les 5 ans ) par tous les maires , conseillers municipaux , députés des parlements et députations des 7 provinces du pays basque . Sont rôles sera de faire respecter le droits foral , le liens entre les différents gouvernements , les instances internationales , l’armé et renseignement , la haute justice et police fédérale , la cour des comptes , nominations des évêques et pères et mères supérieur des monastères , le gardiens de la langue basque et faire en sorte qu’aucun territoire ne soit laisser de coté .

  3. Arratsalde on,
    Le « Le PNB alimente ainsi des thèses selon lesquelles les différences opposent » je ne le sors de nulle part, c’est moi qui le constate. Comme indiqué dans la lettre, je me suis basé sur les propos diffusés par Sud Ouest où vous feriez par « slogans anti-français ». Mon commentaire était sur ce point. En l’occurence, dire qu’un drapeau français barré est un slogan anti-français est inexact: il s’agit juste de dire qu’ici ce n’est pas la France.
    Mais, je regrette que dans votre commentaire vous évoquiez « le gouvernement… » au lieu de « gouvernement français », car ce gouvernement auquel vous faites allusion n’est pas le nôtre, c’est celui de la France. Mais le PNB a l’habitude d’utiliser une terminologie, qui d’un point de vue abertzale (c’est à dire aberri zale, soit qui aime sa patrie ou patriote basque) manque de cohérence: Pays Basque de France, Pays Basque français où Pays Basque tout court pour ne désigner que les trois provinces du nord,… Après, je vous l’accorde, vous n’êtes pas les seuls…

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