
La pastorale basque originaire de la Soule symbolise la lutte éternelle de Bien et du Mal, notions religieuses, concrètement judéo-chrétiennes et musulmanes. Ce théâtre est d’origine catholique. Tout le rappelle ; son langage, sa structure, sa symbolique, les thèmes traités et leur traitement, et d’abord l’organisation de la scène avec ses trois portes d’étoffe : à la droite du public la porte rouge qui symbolise le feu de l’enfer, à sa gauche la porte bleue couleur du ciel, au centre la porte blanche qui rappelle la pureté. Les champions du Bien passent par la porte bleue, ceux du Mal par la rouge, les anges et les personnages religieux par le centre blanc, chacun portant dans sa tenue la couleur de son camp. D’où les noms traditionnels des deux camps opposés : Chrétiens contre Turcs. Les anges, les satans et le clergé interviennent dans la pièce, les déambulations des acteurs reproduisent les processions autour de l’autel, les versets des dialogues sont psalmodiés sur un air grégorien…
La pastorale basque semble s’inspirer du théâtre sacré du Moyen Âge français, plus précisément des Miracles. Bien que le texte le plus ancien connu soit de 1750, – Elisabeth de Portugal représentée à Eskiula, – elle serait née au XVIIème siècle selon les universitaires et académiciens basques Beñat Oyharçabal et Txomin Peillen. On pense que ses premiers auteurs étaient des prêtres. Longtemps elle s’est consacrée à la célébration des saints. Jusqu’à la Révolution française, elle était jouée dans l’église paroissiale ou devant celle-ci, souvent le jour de la fête de son saint patron ou de sa sainte patronne, pour les célébrer dans la pièce à leur nom.
Elle naquit en relation avec la réforme catholique qui répondait à la réforme protestante en valorisant le culte des saints rejeté par celle-ci. En même temps, elle fut pour les Souletins une forme de résistance en basque face aux magistrats calvinistes de Pau, qui non seulement harcelaient le monde catholique en Soule comme au Béarn, mais encore menaçaient l’autonomie de la Soule.
Le plus grand virage de la pastorale a été initié au milieu du XXème siècle par le poète de Troisvilles Pierre Bordaçarre/Etxahun-Iruri quand il s’est tourné vers l’histoire des Basques jusque-là ignorée par ce théâtre. Il a été suivi dans cette voie par les nouveaux auteurs. Dès lors des personnages politiques, militaires, culturels ont pris la place des saints, sauf exceptions.
Dans une société qui se sécularise de plus en plus, la pastorale aussi se laïcise. Toutefois dans la plupart des pièces modernes, la religion affleure à des moments décisifs de la vie du héros ou de l’héroïne : surtout lors de son mariage à l’église et dans son dernier chant avant sa mort. Ces deux démarches correspondent à la pratique limitée de nombreux catholiques basques.
Pourquoi éliminer ce minimum vital en le chassant de son nid à la façon du coucou, comme si « laïcité » signifiait « athéisme pour tous », athéisme imposé de fait par l’effacement total de toute référence religieuse. Il faudrait éviter cette censure sur des personnages connus pour leur vie de croyants ; leur dernier adieu devrait logiquement comporter une part de prière. Il serait injuste de leur infliger une seconde mort en excluant les convictions qui ont guidé leur vie. Respectons en même temps un passé historique riche de foi.
