«L’implication française dans le conflit basque»

Anai Artea est une association humanitaire dans le conflit basque, existant déjà du temps de Franco. Ses deux principaux fondateurs furent Pierre Larzabal, curé de Socoa, ancien résistant et Telesforo de Monzon, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement basque de 1936. Anai Artea, a vu le jour en 1969 pour venir en aide à la nouvelle vague de réfugiés basques qui fuyaient la répression franquiste.

L’association de soutien aux réfugiés et prisonniers basques Anai Artea  a publié en décembre 2012 un recueil  “L’implication française dans le conflit basque” d’une centaine de pages, établi par ses soins, listant les personnes arrêtées ou emprisonnées par la justice et la police françaises depuis 1964. Elle vise, comme l’indique le préambule de l’ouvrage, à “lutter contre une certaine forme de négationnisme officiel concernant la participation française à la répression des luttes armées ou non des Basques pour la reconnaissance des droits de leur peuple durant cette période”.

Anai-Artea!
Campagne « Un réfugié, un toît »

Voici l’interview d’Anai Artea par Enbata :

Enbata: Pourquoi votre association a-t-elle pris l’initiative de cette publication?
Anai Artea. Anai Artea en a pris l’initiative c’est vrai, mais précisons que les contributions extérieures à notre association ont été déterminantes. Il aurait été très difficile de collecter les noms des centaines de personnes qui ont été arrêtées et emprisonnées dans le cadre de ce conflit sans l’aide d’associations comme Etxerat et Errepresioaren Kontrako Batzordea (E.K.B.), de groupes locaux et de personnalités dont la liste figure en dernière page. Sans parler des personnes qui ont voulu rester dans l’anonymat. On remarquera qu’on ne précise pas le motif des arrestations qui sont multiples, ni la durée des emprisonnements… L’ensemble, en vrac si l’on peut dire, reflète les luttes du Pays Basque sous leur aspect le plus dur.

Enbata: D’accord… mais pourquoi Anai Artea et pas quelqu’un d’autre?
Anai Artea. Constatons d’abord que personne ne l’a déjà fait, même si beaucoup y ont sans doute songé. Ensuite, on doit bien reconnaître qu’Anai Artea existe depuis plus de 40 ans et que certains de ses membres actuels étaient loin d’être des gamins lors de sa fondation en 1969. Ils ont donc été les témoins directs de ce conflit depuis un demi siècle.

Enbata:Serait-ce un travail… d’anciens combattants?
Anai Artea: On voudrait bien. Malheureusement, c’est un conflit qui dure et aujourd’hui par la seule volonté des gouvernements français et espagnol depuis le cessez-le-feu définitif sous contrôle international d’ETA.

Enbata: Comment expliquez-vous cette situation?
Anai Artea: D’abord, il est évident que le cessez-le-feu définitif d’ETA a mis en faillite le fonds de commerce politique de l’anti-terrorisme qui procurait des profits électoraux aux gouvernants tant de gauche que de droite. Ensuite, leur objectif à long terme qui était d’affaiblir toute revendication basque, y compris la plus modérée portée par le PNV, est promis au ratage complet. Enfin, la gauche abertzale que le gouvernement espagnol avait muselée à coups d’illégalisations a pu montrer sa force à travers des élections à tous les niveaux. Sans parler de sa capacité de mobilisation que l’on a pu constater lors des manifestations géantes en faveur des prisonniers à Bilbao en janvier 2012 et le 12 janvier dernier. Ajoutez à cela le problème catalan… le gouvernement espagnol, en particulier, ne sait plus par quel bout des Pyrénées prendre le problème.

Enbata: Le rapprochement des prisonniers, c’était déjà la raison d’être d’Anai Artea, non?
Anai Artea: Depuis plus de dix ans et, entre autres, Askatasuna s’y était aussi attelé. Mais la vocation première de notre association a été d’aider les réfugiés qui arrivaient en grand nombre en leur trouvant des hébergements et surtout en servant d’interface avec la sous-préfecture pour l’obtention du statut de réfugié.

Enbata: Quelle a été la cause du changement de vocation?
Anai Artea: La suppression du statut de refugié politique pour les Basques par Giscard d’Estaing en 1979. Mais comme dans l’opinion ces réfugiés étaient considérés comme des résistants et non comme des terroristes, ce n’est qu’en 1984 que la politique gouvernementale française a franchi un premier seuil qualitatif avec les premières extraditions effectuées en grande pompe.

Enbata: Comment, en grande pompe?
Anai Artea: On peut encore trouver sur internet l’interview télévisée du premier ministre Laurent Fabius où Christine Ockrent l’interroge sur ce «revirement spectaculaire» de la politique française. Cela se passe le 26 septembre 1984. «Le Monde» de la veille consacre une pleine page à l’événement. On peut y constater que le GAL «dont l’impunité dont il jouit laisse pantois» – c’est le Monde qui l’écrit – a déjà exécuté 9 réfugiés d’octobre 83 à juillet 84. D’autres détails sont éclairants sur la situation de l’époque. Cette décision d’un gouvernement où figurent, en plus du premier ministre Laurent Fabius, des ténors comme Badinter, Dumas et Pierre Joxe n’aurait pas pu être prise, toujours selon l’auteur de l’article du Monde, sans l’aval de Mitterrand lui-même. Dans la même page du Monde figure la réaction de Denis Langlois intitulée «Les Salauds!». Un texte qui aurait certainement trouvé beaucoup de cosignataires au Pays Basque!

Le MONDE et Denis LangloisONA
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Enbata: Justement, quelles furent les réactions au Pays Basque?
Anai Artea: Elles furent immédiates, nombreuses et bien entendu durables. Prenons par exemple ce N°933 du 31 juillet 1986 d’un hebdomadaire bien connu, Enbata. Chirac est chef du gouvernement de cohabitation et vient de procéder aux trois premières expulsions de réfugiés «en urgence absolue»… Dans son édito, Enbata note à ce propos «qu’il y a de fortes chances que, comme lors des extraditions de septembre 1984, l’on retrouve libres ceux qui aujourd’hui sont présenté comme de dangereux terroristes.» C’est la preuve que Madrid, en plus du chantage du GAL qui n’en est pas encore à sa 29e et ultime victime, n’a pas hésité à recourir à des dossiers truqués même dans ses rapports officiels avec Paris! Mais dans ce même numéro un autre fait est à noter: la fin de la campagne «Un réfugié, un toit» présentée par Denis Langlois et d’autres personnalités. Une campagne à laquelle Anai Artea a participé avec d’autres groupes aujourd’hui disparus et qui est arrivée à totaliser près de 500 signatures de personnes qui s’engagent à héberger les réfugiés. Il est certain que beaucoup de non signataires le font déjà! Dans ce même numéro on constate que les réponses aux expulsions se multiplient des deux côtés de la frontière … une résistance qui va durer.

Enbata: Et qui va avoir un coût?
Anai Artea: C’est bien ce que nous voulons montrer en publiant les centaines de noms des personnes qui ont été arrêtées et, pour beaucoup, incarcérées. Ce n’est pas en occultant le passé qu’on peut arriver et à la paix et à la réconciliation qui sont maintenant à l’ordre du jour. C’est pour cela que nous parlons de toutes les victimes du conflit basque, y compris de celles des forces de l’ordre.

Enbata: Pensez-vous que cela infléchira la position du gouvernement français?
Anai Artea: En tout cas, ce sera notre modeste contribution à la résolution du conflit basque. Mais nous participons aussi à Herrira qui a repris la question des prisonniers sur l’ensemble du Pays Basque et à Bakebidea qui a fait suite au Comité contre le Mandat d’Arrêt Européen.

Enbata: Le M.A.E. dont on a parlé récemment…
Anai Artea: Oui, à propos d’Aurore Martin dont le cas est devenu symbolique du danger que représente cette loi. A voir la facilité avec laquelle l’Espagne l’a détournée pour l’utiliser à des fins politiques on mesure le danger qu’elle représente dans l’Europe néo-libérale en crise que nous connaissons. Elle peut être un instrument international de répression des révoltes sociales et politiques. Mais cette affaire a eu l’effet d’un électrochoc: qu’on en arrive, dans le cadre du conflit basque, à extrader une citoyenne française pour des actes qui sont normaux dans des régimes démocratiques a fait réagir même les membres des partis les plus jacobins.

Enbata: Au nom des principes républicains?
Anai Artea. Oui, qui ne valent rien si on ne les applique pas! Rappelons à ce propos que la politique d’Etat tant de la Gauche que de la Droite françaises a été de collaborer avec un Etat espagnol qui a pratiqué la torture pendant et après le franquisme et qui maintient le Pays Basque en état d’exception. On parle maintenant de la nécessité d’une deuxième transition démocratique mais quand nous avons publié «Les actes de Chiberta» nous avons montré que la première fut plutôt une transaction avec la dictature. Il n’y a eu ni rétablissement de la république que Franco avait renversée ni épuration, mais une amnistie des crimes franquistes en contrepartie des réformes politiques indispensables pour entrer dans l’Europe de l’époque. De plus, la Constitution fait de l’armée la gardienne de l’unité espagnole. Les Basques comme les Catalans savent à quoi s’en tenir!
Enbata: Qu’attendez-vous du gouvernement français?
Anai Artea: Qu’il arrête de suivre servilement la politique de Madrid. Qu’il applique ses propres lois et les directives européennes en cessant la politique d’éloignement et de dispersion des prisonniers politiques basques, qu’il libère ceux qui sont malades. Qu’il commence à songer à une amnistie et qu’il fasse les réformes qui lui sont réclamées pour que la réponse à la violence institutionnelle ne soit pas la violence tout court.

Tiré à 500 exemplaires, le fascicule est disponible dans les maisons de presse, au prix de 7 euros.

Sommaire

1.Aintzin solasa/Préambule

2.Frantziaren esku hartzea euskal gatazkan/L’implication française dans le conflit basque

3.Preso sartuak eta arrastatuak izan direnen zerrenda alfabetikoki 1964tik gaur arte/Liste alphabétique des emprisonnements et des arrestations de 1964 à nos jours

4.Preso sartuak eta arrastatuak izan direnen zerrenda eremuka/Liste des emprisonnements et des arrestations par secteur

5.Preso sartuak eta arrastatuak izan direnen kopuruak urteka/Les emprisonnements et les arrestations par année

6.Estatu frantsesean preso direnen zerrenda 2012/11/15ean/Liste des prisonnier(e)s dans l’Etat français au 15/11/2012

7.Kondena betea duten eta Ipar Euskal Herrian bizi diren iheslarien zerrenda/Liste des réfugiés ayant purgé leur peine et vivant en Iparralde

8.Bretoinen elkartasuna: preso sartuak edo inkulpatuak izan diren bretoinen zerrenda/Solidarité bretonne : liste des Bretons/Bretonnes ayant été emprisonnés ou inculpés

9.Frantziaren esku hartzea eta konplizitatea (Triple A, Batallón Vasco Espagnol – Guerrilleros de Cristo Rey – G.A.L.)/L’implication et la complicité de l’Etat français (Triple A, Batallón Vasco Espagnol – Guerrilleros de Cristo Rey – G.A.L.)

10.Bilduma gisa/Synthèse

11.Azken hitza/Un dernier mot

12.Eskerrak/Remerciements

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